Ulyssia Royale et les bijoux de famille

07/05/2012 - Actualités
Loin ! Voilà l'écart spectaculaire avec lequel Ulyssia Royale a gagné le Prix James Hennesy (Listed) dimanche à Auteuil. Alors qu'elle est en route pour barrer le chemin de Saint Palois dans le Prix Ferdinand Dufaure (Gr.1), revenons sur son passé familial avec Xavier Bougon, qui avait étudié son destin lors de sa rentrée victorieuse fin mars.

Fille d’une vice-championne d’Auteuil


Qui ne se souvient pas de la championne sur les haies et sur les gros d’Auteuil, Ma Royale (Garde Royale), la protégée de l’association franco-américaine, Bryant-Besnouin (Marie-Laure, son éleveur au Haras du Chênet) qui un jour de fin mai 2005, est tombée sur un Sleeping Jack (Sleeping Car) des grands jours. Terminant à une encolure, Ma Royale, montée par Régis Schmidlin, aurait été la première jument de 5 ans à s’imposer dans le Grand Steeple-Chase de Paris. Ce que regrettait Marcel Rolland à l’époque, Princesse d’Anjou l’a fait l’année suivante pour le compte de Jean-Paul Sénéchal et François-Marie Cottin.

 

Ulyssia Royale, sous la selle de Christophe Pieux, laisse tous ses adversaires du Prix James Henessy dans le lointain.



L’année précédente, en juin, Ma Royale, montée par Ph. Chevalier, ne s’était inclinée que d’une demi-longueur face à Mésange Royale (également fille de Garde Royale, entraînée par F.M. Cottin) dans la Grande de Haies des 4 ans (le Prix Alain du Breil). Le trio de ce groupe 1 était formé essentiellement de pouliches puisque la 3e marche était l’apanage d’une certaine Maia Eria (par Volochine, et gagnante, à l’automne suivant, de la revanche, le Prix Renaud du Vivier). A cette époque, seules deux pouliches s’étaient imposées dans le Prix Alain du Breil depuis sa création, toutes les deux sous la coupe de Jean-Paul Gallorini, Sarh (1990, gagnante du Prix Finot à 3 ans) et N’Avoue Jamais (10 ans après, sœur de Nickname et dont le pedigree a fait l’actualité lors de la récente vente de feu Sylvia Wildenstein).

 

Ma Royale à l'âge de 5 ans sur le rail-ditch and fence.


C’est Philippe Chevalier qui l’avait débuté lors du Prix Finot de Maia Eria, listed dans laquelle elle prenait la 5e place. C’est à 4 ans qu’elle se révèle après une année de 3 ans, somme toute quelconque.


Rappelons que Ma Royale fut la dernière égérie du crack-jockey, Philippe Chevalier (qui a arrêté sa carrière un an, jour pour jour, avant celle de sa protégée) et la première d’un jeune espoir de l’époque, Régis Schmidlin (son cadet de presque 20 ans), son partenaire lors de ses 4 victoires sur 6 dont sa seule victoire de groupe (3, en l’occurrence), le Prix Ingré à 5 ans.

Athlétique jument avec de la taille et de l’os, paraissant comme sculptée dans le roc (sic C. et E.), Ma Royale est le résultat des œuvres de deux fonctionnaires, Garde Royale (par Mill Reef, entraîné par André Fabre), son père et Le Nain Jaune (Pharly, fils de Lyphard) (Grand Prix de Paris, sur 3.000 m., pour les couleurs du Baron Guy de Rothschild et l’entraînement de François Mathet), son grand-père maternel. Ils ont même été voisins de box au Haras du Pin.

A noter, que Ma Royale est inbred (4x4) sur Polamia, une pouliche de vitesse (entrainée par Etienne Pollet pour Mme Peter A.B. Widener) qui sera ensuite la mère de Tryptic (son premier produit et grand-père maternel de Ma Royale) et la 3e mère de Garde Royale (propriété de Mme Ella W. Wetherill, fille des Widener).

 
Un croisement axée uniquement sur Sadler’s Wells


Achetée yearling 40.000 € par des investisseurs d’outre-manche et rachetée aux ventes d’Eté Arqana 2010 à Saint-Cloud pour 68.000 € par Winning Bloodstock Agency (Samuel Blanchard), Ulyssia Royale (Poliglote), fille de Poliglote (Sadler’s Wells) et premier produit de sa mère, fait l’objet en janvier suivant (source : France-Galop) d’une association composée de l’Ecurie Winning et du Haras de Saint-Voir (Nicolas de Lageneste).


Son éleveur (Marie-Laure Besnouin) semble être attiré par un croisement qui va bien (étonnant, non !), un croisement avec le sang du champion des champions, Sadler’s Wells. A cinq reprises, Ma Royale sera convoitée par l’un de ses fils, Poliglote ou par l’un de ses petits-fils, Martaline (côté maternel).


Ma Royale a pouliné en 2009 d’une femelle, nommée Viviane Royale (aux dires de son entraîneur Marcel Rolland, elle semble posséder d’énormes qualités), en 2010 d’un mâle, nommé Apollon Royal (au pré-entrainement, il devrait prendre la route de Coye la Forêt) et en 2011, de Beau et Royal, un mâle de Martaline. Saillie en 2011 par Poliglote, elle a « coulé » et retourne cette année à ses amours de toujours, Poliglote. Quoi de plus naturel puisqu’il est fait partie des meilleurs étalons d’obstacles depuis quelques années.

 

 

Ulyssia Royale sur le ring de Deauville en 2009

 


Fille d’une sacrée matrone maiden


Agée de 27 ans (née le 25 avril 1985), la mère de Ma Royale, Tchela (Le Nain Jaune) élevée par Jean Besnouin (le père de Marie-Laure), coule une retraite paisible et bien méritée puisqu’elle a donné vie à 16 foals. Du haut de sa Normandie, elle a dû apprécier le succès de sa  petite-fille, qui est appelée à la même destinée, un jour ou l’autre.
 
Après une carrière sur la piste ponctuée de 28 sorties (dont 24 en obstacles) à 3 et 4 ans sous la coupe de Philippe Villermet, Tchela est restée maiden mais s’est illustrée dans diverses épreuves de bon niveau : troisième du Prix Wild Monarch (Listed) en débutant (montée par le regretté Roger Duchêne), seconde à 4 ans du Prix Duc d’Anjou (Gr.3) et 4ème du Prix Ferdinand Dufaure (Gr.1) (montée par Claude Legrand), deux épreuves remportées par un demi-sang, élève de Jean Dasque, Tito l’Effronté, et 4ème du Prix La Périchole (Gr.3) de l’anglo de complément, Tamarix (élève de Bernard Le Gentil et de Willy Kalley). Elle n’a jamais connu la chute et a terminé sa carrière dans le Prix Maurice Gillois (Gr.1)(montée par Eric Lemartinel) dont le trio dans l’ordre était composé de Konig Ulrich (J.Y. Artu), Tito L’Effronté et The Fellow (déjà).
 


Quelle Matrone, quelle Fratrie !


Plutôt qu’un long discours, je préfère vous laisser découvrir la production de Tchela sous forme de tableau ci-dessous. Elle est mère de 16 foals dont 14 auront connu la piste et 12 franchiront le poteau en vainqueur. Tous auront été élevés au Haras du Chenet à Villebadin dans l’Orne.



Production de Tchela

 



Notes :
-Every Chance (femelle par Leading Counsel), le premier produit de Tchela, a été achetée, yearling, par Mme Hubert Carion pour 60.000 F. Elle n’a gagné qu’une seule course, une épreuve réservée aux gentlemen-riders à Enghien. Elle était montée par Nicolas Bertran de Balanda et entraînée par son père pour Mme Hubert Carion.

-Freesias (femelle par Cyborg), achetée yearling par Guillaume Macaire pour 82.000 F. Gagnante de 6 courses dont deux à Auteuil, l’une en haies à 3 ans (Prix du Champ de Mars pour Mme F. Montauban), l’autre en steeple à 4 ans (Prix Sapin pour Claude Cohen).

-GALANT MOSS (mâle par Tip Moss), acheté yearling par Guy Petit pour 32.000 F. Castré à 3 ans, il débute victorieusement à 4 ans à Fontainebleau pour l’entraînement de Jean-Yves Artu. Il récidive 2 mois plus tard dans le Prix Miror (Listed), qui lui ouvre les portes du Prix Alain du Breil (Gr.1) (moins de 15 jours après) dans lequel il n’est devancé que par Le Coudray et Kimbi. A la suite de sa seconde place du Prix Renaud du Vivier (Gr.1) à l’automne, il est vendu en Angleterre par l’intermédiaire d’Hubert Barbe. Vainqueur sous la coupe du grand Martin Pipe, il revient en France, après quelques succès outre-manche (dont un Gr.2 à Ascot), où il s’impose dans le Prix Mélinoir 2001 et le Prix Hubert d’Aillières (avril 2002) offrant à cette occasion ce qui reste comme un des rarissimes succès anglais à Auteuil des temps modernes (même si en 2011, le Prix Maurice Gillois est enlevé par Tom George, un anglais venu de nulle part). Il ne manquera pas de revenir nous toiser à l’occasion de la Grande Course de Haies d’Auteuil (monté par Ch. Pieux) devancé seulement par Laveron et Vic Toto. Ayant le mal du pays, il reviendra à Chantilly (chez Christophe Aubert pour les mêmes propriétaires anglais) finir sa carrière par un succès en steeple à …La Roche-Posay.

-Hindi (femelle par Cadoudal) achetée yearling par Guillaume Macaire pour 75.000 F. Elle débutera victorieusement à la fin de son année de 3 ans à Pau pour les couleurs de Claude Cohen. Elle ne pourra récidiver et sera vendue (en mai de l’année suivante) à réclamer pour l’Irlande où elle est mère d’1 vainqueur.

-IRIS ROYAL (mâle par Garde Royale) acheté yearling pour 195.000 F. par Pierre-Charles Le Métayer pour Sir Robert Ogden en partance pour l’Angleterre. Sous la coupe de Nicky Henderson, il est castré de bonne heure, ce qui ne l’empêche pas de s’imposer à 9 reprises (4 sur les haies, 5 en steeple). Il est lauréat de la Gold Cup Chase (Gr.2) à Ascot, de la Gold Cup Chase (Gr.3) à Cheltenham, de la Sandown Chase (Gr.3) et a accumulé plus de £ 207.000. Par le même sire, Tchela mettra donc au monde une certaine Ma Royale, née 4 ans plus tard.

-Jocelin (mâle par Epervier Bleu), acheté yearling par Guy Petit pour 140.000 F  Après des débuts difficiles (arrêté lors de ses deux premières sorties), il finit par s’imposer un an après dans le Prix de Tournay à Auteuil (sa seule victoire) pour l’entraînement de René Cherruau. Son heure de gloire (mais une seule) est arrivée dans le Grand Steeple-Chase de Deauville, un handicap-Listed à Clairefontaine dans lequel il termine à la seconde place. Il aura connu 6 entraîneurs différents.

-Lisa du Chenet (femelle par Garde Royale), achetée yearling par la B.B.A. (GB) pour 190.000 F. Elle sera exportée chez Mme Susan Nock (de Cheltenham) pour qui elle s’impose à deux reprises sur les haies à 5 ans. Elle est mère de 2 vainqueurs dont un en France, Chocolat (King’s Theatre) en pension chez Guillaume Macaire lauréat à Enghien. Elle a mis au monde l’an passé un poulain de Martaline.

-MA ROYALE, louée pour sa carrière de courses par Mme Magalen Bryant, elle est le premier joyau de la famille.

-Nice Horse (mâle par River Bay) achetée yearling à Deauville par Guy Petit pour 42.000 €, puis revendu à 3 ans aux ventes de Doncaster pour £ 60.000. Sous la responsabilité des Pipe, père (Martin) et fils (David) s’est imposé en débutant en plat à 4 ans puis en haies à 5 ans.

-Orthence (femelle par Epervier Bleu), s’est classée seconde du Prix Wild Monarch d’Ombre d’Estruval (gagnante ensuite du Prix Bournosienne et seconde du Prix Ferdinand Dufaure) puis s’est imposée à 3 reprises pour l’entraînement de Marcel Rolland dont le Prix du Bois Rouaud à Auteuil pour Mme Magalen Bryant. Elle est mère, à ce jour, de 3 foals dont le 3 ans, Valentin du Chenet (un fils de Kahyasi) qui n’a pas encore débuté.

-SAINT DU CHENET (mâle par Poliglote), castré en février de ses 2 ans, il est présenté quelques mois après aux ventes d’Eté à Saint-Cloud où il ne trouve pas preneur. Il est racheté pour 5.000 € par son éleveur qui s’associe à Mme Magalen Bryant pour sa carrière de courses. Bien leur en a pris puisqu’après Galant Moss et Iris Royal, c’est le fleuron de la famille. Pourtant il débute non placé d’un Prix Finot à 19 partants. Direction immédiate sur le steeple, discipline dans laquelle il se classe 4e du Prix Congress (Gr.2) de Saint Macaire. Le printemps de son année de 4 ans est exemplaire : Prix Fleuret (Gr.3), Prix Jean Stern (Gr.2) et Prix Ferdinand Dufaure (Gr.1) devant Kauto Stone (le vainqueur de la revanche automnale, le Prix Maurice Gillois).

 

Saint du Chenet

 


-TANAIS DU CHENET (femelle par Poliglote), propre sœur de Saint du Chenet, elle est la meilleure 3 ans de sa génération sur les « balais ». Gagnante en débutant en mai, elle confirme en juin dans le Prix Sagan (L.) puis s’impose dans le Prix Magne (L.) en octobre avant de ne faire qu’une bouchée de ses adversaires dans le Prix Cambacérès (Gr.1) (15 longueurs).

-Union du Chenet (mâle par Kahyasi) acheté yearling par David Powell (Elevage du Chêne) pour 38.000 € à Deauville, l’avant dernier né de la fratrie est castré dès le retour des ventes. A l’entraînement chez Marcel Rolland, toujours pour Mme Magalen Bryant, il n’a pas encore débuté.

-Viva Tchela (femelle par Astarabad) à l’entraînement chez Marcel Rolland, le dernier-né de sa mère, alors âgée de 24 ans, n’a pas encore débuté. Elle portera les couleurs de Mme Magalen Bryant qui l’a loué à son éleveur pour sa carrière de courses.

Autant de poulains que de pouliches, Tchela a respecté la parité, une expression à la mode.

 

Ulyssia Royale

 


Une aïeule en provenance de l’Ouest
La sœur de Tchela (par Baly Rockette et Chailly, par Tryptic), Nadia’s Love a remporté le Prix Wild Monarch 1984 pour l’entraînement d’Elie Lellouche.

Leur grand-mère, Haliade, née en 1956 chez Georges Antoine-May (au Haras du Perray, célèbre haras d’avant-guerre, en plat comme en obstacles, qui a élevé un certain Lutteur III) s’est imposée à plusieurs reprises sur les hippodromes de l’Ouest, entraînée par le sympathique Julien Brossais. Elle appartenait au Vte et à la Vtesse Jean de Rocheboët qui l’on cédé en fin de carrière à André-Jules Besnouin et Jacques Lethiers.

La 3ème mère de Tchela, Homs (Pay Up), née en 1950, toujours chez Georges Antoine-May,a enlevé le Derby de l’Ouest pour les couleurs (bleue, manches jaunes, brassards bleus, toque noire) d’Etienne Frachon (bien connu dans le monde de l’Administration des Haras), le Grand Prix de Rennes et s’est classée seconde du Grand Prix d’Angers et 3ème du Grand Prix de Craon. Hama (Astrophel), la 4ème mère, est née en 1945 au Haras de Montaigu, élevée par Jacques Guerlain.
 

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