Nouveau roman en série de Guillaume Macaire : chapitres 16 à 19

18/06/2021 - Actualités
Après sa victoire dans le Prix des Drags (Gr.2) avec Feu Follet, Guillaume Macaire reprend le cours de son récit publié par épisode. Découvrez ainsi 4 chapitres à la suite : des combines de Red Fernand à un embarassant dimanche à Saint-Cloud, entre une compagne et une maîtresse !
 
 
Résumé du 1er roman : l'un des top jockeys de plat en France, Jean-Barnabé Ermeline se préparait à disputer avec une 1ère chance le Prix de l'Arc de Triomphe en selle sur son champion Enigmatique. Mais à la suite d'aventures rocambolesques, il se retrouve à l'hôpital avec une balle dans la cuisse. Télécharger " A Cheval, à pied ou en voiture. "
 
 
CHAPITRE 16 : RED FERNAND
 
Grâce à la quête commune que leur travail leur offrait, il était clair que les deux JB avaient resserré leurs liens et, si le père avait rajeuni de dix ans, le fils sans s'en rendre compte avait tissé jour après jour avec son père un vrai relationnel. À Chantilly et sur la région parisienne, c'était l'été indien et personne n'allait véritablement s’en plaindre, à part bien sûr les amateurs de terrain lourd qui attendaient toujours que l'automne fasse son œuvre.
 
Jean-Barnabé avait finalement appris pourquoi il s'était retrouvé à ce poste de garçon de voyage. Celui qui l'avait précédé dans cette tâche, Red Fernand, comme on le surnommait dans la cour (il avait un teint couperosé que le tribut à Bacchus n'avait pas amélioré) avait fait montre d'indélicatesse en tapant dans la caisse ! Lors des voyages à l'étranger ou dans des provinces éloignées, il avait un peu trop arrangé les comptes à son profit et s'était même régulièrement et depuis longtemps servi du compte de l'écurie pour remplir son réservoir de voiture personnelle. Et comme si cela ne suffisait pas, il avait réduit à néant ou presque ses factures de chauffage en soutirant du fioul domestique dans la cuve qui alimentait la chaudière de l'écurie. Parce qu'il avait de longues années de service, Javier Torres Meca, homme bon et généreux, trop en l'occurrence, ne l'avait pas renvoyé comme il aurait pu le faire.
 
L'opportunité Jean-Barnabé l'avait sorti de l'impasse immédiate. Il avait gardé Red Fernand qui n'était qu'à quelques mois de la retraite pour éviter que l'affaire ne s'ébruite car il la considérait dévalorisante pour l'écurie. Le patron avait demandé à Jean-Barnabé de garder cela pour lui après qu'il lui eut raconté comment il avait découvert le pot aux roses. Red Fernand avait, pour limiter les dégâts, accepté la proposition de son patron, qui lui en échange, ne porterait pas plainte. Il resterait à l'écurie et, comme il ne montait plus à cheval depuis longtemps, s'occuperait des diverses tâches de maintenance et de préparation des partants quand Jean-Barnabé aurait fort à faire. Mais Red Fernand était un combinard depuis longtemps et n'allait pas se débarrasser de ses sales habitudes du jour au lendemain.
 
Le fameux soir où il était rentré des courses avec son fils, Jean Barnabé était repassé à l'écurie après avoir dîné à la pizzeria de Lamorlaye. Il y avait oublié son blouson et ses clés et ne pouvait donc pas rentrer chez lui. Il fut édifié !
Il entrait silencieusement pour gagner la sellerie de course où il avait laissé son vêtement quand il fut attiré par le faisceau d'une lampe électrique qui promenait son rayon dans le barn central. En prenant soin de ne faire aucun bruit, il se posta dans un endroit stratégique lui permettant de voir ce qui se passait à l'intérieur. Dans la pénombre, il vit un homme rentrer dans un box avec détermination.
 
À la voix qui enjoignait au cheval de se pousser, il reconnut Red Fernand. Celui-ci sortit de sa poche un sachet dont il vida le contenu dans le seau du pur-sang. Il enfonça sa main dans le seau après avoir relevé sa manche, et la tourna longuement et méthodiquement puis tapota l'encolure de l'animal en le gratifiant d'un  « avec ça, tu vas aller moins vite demain. »
Jean-Barnabé qui bouillait intérieurement aurait voulu intervenir mais s’en garda bien. Il attendit encore dans sa cache que Fernand s’éclipse.
 
Mais, au lieu de cela, celui-ci sortit de sa poche une très grosse seringue bien remplie. Il l’introduisit dans la bouche du cheval mais celui-ci recula, se fâcha, et comme Fernand n'avait aucun moyen de le maintenir sinon en s'accrochant à la crinière, le clystère tomba du sol et l'animal l’éventra en marchant dessus, ce qui fit lâcher un juron sonore à Red Fernand. Ce dernier quitta le box en sifflant entre ses dents : « En plus, je n'ai plus de clé de la pharmacie ! » Jean Barnabé l'entendit nettement maugréer « Je ferai cela discrètement pendant un lot demain matin. »
 
Sitôt que Red Fernand eut quitté les lieux, Jean-Banabé pénétra dans le box et décrocha le seau. Il alla en remplir un autre pour que le cheval puisse boire normalement. Le cheval en question s'appelait Talmondais et était un grand favori à Chantilly le lendemain dans un modeste réclamer. Jean-Barnabé ramena le seau sorti du box dans l'écurie de course pour l'examiner à la lumière. Il prit soin de fermer à clé derrière lui. Il laissa même la clé dans la serrure au cas où Red Fernand aurait conservé un double par devers lui. L'eau semblait normale, à peine trouble et ce n'était pas significatif si l'animal avait barboté avec ses lèvres dedans. Il la goûta d'un doigt et elle lui sembla salée plus que de raison. Regardant sa montre, il pensa qu'il était trop tard pour informer son patron sur-le-champ. Il décida de le prévenir à la première heure le lendemain avant qu'il n'y ait effervescence à l'écurie. Il cacha le seau délictueux dans « sa » sellerie dont il était le seul à avoir accès et rentra chez lui pour une nuit agitée.
 
 
CHAPITRE 17 : PROJETS
 
Après cet après-midi de repos réparateur, Juan Bautista était allé dîner chez un collègue qui fêtait son anniversaire. Il fut un peu surpris d'y retrouver Bérengère qui ne lui avait pas annoncé la veille qu'elle avait été conviée à la fête (elle connaissait toute la confrérie des jockeys cantiliens), mais ne manquait pas de l'attirer comme un aimant. Quand la soirée s’échauffa, prouesses bachiques aidant, il décida de regagner ses pénates et de laisser sa maîtresse, qui semblait bien partie, à ses amis, et s'éclipsa sans lui en rendre compte, quitte à le payer plus tard. Il ne voulait pas vivre une matinée entre deux eaux, encore qu'il serait plus adapté de dire entre deux vins, comme celle vécue la veille. Il n'était pas question dans son for intérieur qu'il montre à son patron autre chose que rigueur et sérieux. Il était déjà minuit trente et le temps de rentrer et de se coucher, il serait une heure !
 
Son esprit vagabondait au volant de sa voiture et il se demandait comment il allait gérer le week-end « parisianopolonais » qu’Ana avait décidé de prendre.
 
Samedi, il devait monter au Croisé Laroche (en semi nocturne en plus).
Dimanche à Longchamp ne serait pas un jour ordinaire car Dominion y courait une bonne course et si la pluie attendue arrivait, elle renforcerait ses chances de succès. Lundi, Lyon Parilly était au programme et  El Efficiente y avait un bon engagement. Son boss tenait à gagner avant la trêve hivernale et disait qu'à Lyon un bon cheval pouvait toujours prouver sa valeur car la piste est fiable et sans piège. Toutes ses obligations n'allaient pas faciliter ses ébats avec la comtesse Ana ! En attendant demain, une journée consistante l'attendait entre les galops du matin et les courses, heureusement sur place l'après-midi. Il se voyait déjà gagner le réclamer avec Talmondais, un gentil cheval qu'il montait parfois le matin, et avait deux autres bonnes chances pour des petits entraîneurs pour qui il montait régulièrement. En attendant, quelques heures de sommeil seraient les bienvenues. C'est dur quand le réveil sonne à 5h30 !
 
 
CHAPITRE 18  : COMBINES DOUTEUSES
 
Jean-Barnabé dormit mal cette nuit là.
 
La délation n'était pas son genre mais il ne pouvait pas ne pas parler à son patron d'autant que Talmondais devait courir l'après-midi même. Aussi, il décida de se rendre à l'écurie dès potron-minet alors que sa mission ne l’y appelait qu’à mi- matinée. Il tomba sur Javier Torres Meca à peine arrivé et ce dernier s’inquiéta de sa présence.
« J'ai besoin de vous parler en particulier, c'est urgent ! »
« Mais qu'est-ce que je dois comprendre ? rétorqua l'entraîneur. Que se passe-t-il ? »
 
Jean-Barnabé exposa les faits. Ils se rendirent dans la sellerie et s’y enfermèrent. L'examen du seau et de son contenu ne leur apporta rien de plus qu'il ne savait déjà.
« Donc si j'ai bien compris, il ne sait rien. Il ne vous a pas vu et le cheval n'a pas eu le temps de boire ? »
« J'en suis sûr Monsieur ! »
« Dans ce cas, courons, nous n'avons rien à perdre. C'est sur place, une épreuve pas bien importante. Cela ne peut que nous apporter des éléments sur la raison du comportement de Fernand. Encore que j'ai déjà mon idée là-dessus », renchérit l'entraîneur ibérique.
« Moi aussi ! » répondit Jean-Barnabé.
« Malgré tout, on va enlever au cheval son seau, même s'il n’embauche que dans une heure pour passer du vernis sur le lambris dans la sellerie, on ne sait jamais. Comme vous êtes là, préparez-le plutôt que prévu, après tout c'est la première. Vous partirez aux courses plutôt que prévu également, voilà tout. Surtout, ne laissez jamais Talmondais seul sans surveillance. »
« No problem patron. »
 
 
Dans la matinée, Jean-Barnabé croisa une fois Red Fernand et ils se saluèrent même bien que Fernand soit plutôt enclin à le battre froid depuis sa destitution. Il ne devait pas porter Jean Barnabé dans son cœur depuis qu'il lui avait « piqué » sa place. Plus tard Jean-Barnabé vit Red Fernand tourner autour du box de Talmondais, regarder dedans, regarder autour de lui, mettre la main dans sa poche, semblant danser d'un pied sur l'autre. Jean Barnabé s'était ménagé un angle de vue depuis sa sellerie pour voir sans être vu. De toute évidence, Red Fernand était inquiet. Très inquiet. Puis, Jean Barnabé le vit revenir avec un seau plein d'eau pour l'accrocher dans le box de Talmondais. Il sortit précipitamment de sa cache et intervint alors que Red Fernand allait rentrer dans le box.
 
« Non, non, j'ai reçu des ordres du patron de le laisser à la diète hydrique depuis ce matin. »
«Ha bon pourquoi … Il saigne ? » (Les chevaux de courses peuvent en effet saigner pendant la course dans certains cas, ce qui les empêche de respirer et anihile toutes performances. Le fait de les déshydrater un peu en les empêchant de boire quelques heures avant la course peut éviter ce phénomène.)
« Je ne sais pas mon vieux, ce que je sais c'est que j'ai eu des ordres. Le boss doit savoir ce qu'il fait, je pense. »
Jean-Barnabé vit une lueur d'inquiétude très nette passer dans les yeux de Fernand. À cause de son teint, pâlir semblait impossible.
 
L'après-midi sur l'hippodrome des Condés, dans le réclamer d'ouverture, Talmondais l'emporta sans coup férir, dominant sans problème le second favori de la course, comme si il ne s'était rien passé. Après la course, Javier Torres Meca revint au box pour contrôler que tout était en règle. Comme il n'avait plus de partants pour le reste de l’après-midi, il s'attarda un peu avec son garçon de voyage.
 
« J'ai fait analyser l'eau du seau. J'aurai les résultats dans la soirée ou demain matin. Je crois que j'ai trouvé pourquoi Fernand joue à ce petit jeu et je pense qu'il y joue depuis un certain temps, ce qui expliquerait quelques défaites inexplicables ! J'ai eu des informations auprès de certains gros joueurs qui sont toujours au courant de tout. D'après mes informateurs, Fernand « aiderait » certains gros favoris à ne pas remplir leur mission, les gens qu'il aide dans cette tâche jouent alors gros dans le but de toucher le gagnant de substitution, généralement le cheval avec la meilleure chance derrière le grandissime favori et à une côte intéressante dès lors que tout l'argent est concentré sur un seul cheval. »
« Mais on ne va pas continuer à le laisser faire patron, tout de même !? » s'indigna Jean-Barnabé.
« Sûrement pas, mais il me faut d'abord avoir les résultats de l'analyse. Je dois savoir quel produit il utilise pour les mettre KO. Si ce n'est pas un produit dopant, alors il faudra le prendre sur le fait et cela ne va pas être simple ! »
« Je comprends Monsieur »
« Pour l'instant Jean-Barnabé, vous ne parlez de cette découverte à personne, vous m'entendez ? Personne ! Il ne faut pas qu'il sache que l'on sait. »
« Je serai muet comme une tombe, croyez-moi. »
 
Le lendemain matin, Jean Barnabé à peine arrivé dans la cour, Javier Torres Meca le fit appeler dans son bureau. Il avait l'air contrarié, soucieux.
« Voilà, j'ai le résultat des analyses. Il utilise un produit non dopant, je veux dire un produit en vente libre. Il doit utiliser du bicarbonate de soude et de sodium. Mélangé à petite dose c'est totalement inoffensif. Mais de façon excessive, cela conduit pour le cheval à une forte soif, des crampes, la formation de gaz dans l'estomac, de la fatigue anormale, du sang dans les urines, de l'hypertension artérielle, enfin tant de choses dont un pur-sang qui doit faire une performance en course n'a évidemment pas besoin et qui le rendent incapable d'avancer. Mais, pour que ce soit vraiment efficace, il faut un traitement de choc plusieurs jours de suite et c'est pourquoi on va pouvoir le pincer. Il lui est facile d'administrer les doses qu'il veut dès lors qu’à l'écurie il peut aller partout sans attirer l'attention. Mais, pour tous les cas de contre-performance du temps où il était garçon de voyage, c'était encore plus facile, il avait le cheval sous la main pour lui en faire ingurgiter, et autant qu'il voulait, dès qu'il était seul avec lui dans le camion. »
«Je ferai comme vous me direz patron. »
« Nous allons attendre d'avoir un partant avec le bon profil et on mettra en place notre surveillance. Je pense que c'est le meilleur moyen de le confondre. »
 « Je comprends pourquoi vous ne trouviez rien dans les prises de sang, enfin rien d'anormal... » renchérit Jean-Barnabé.
« En effet, aucune trace détectable à chaque fois. »
« Il nous a bien tourné autour, le Fernand !» dit Jean Barnabé qui le portait de moins en moins dans son cœur.
« Quoi qu'il en soit, on va quand même prendre quelques précautions pour les prochains partants, même si ce ne sont pas forcément des chauds favoris, ceux de dimanche, El Efficiente et Dominion par exemple. Demain soir il y a trois yearling qui arrivent, je vais en profiter pour faire quelques changements de boxe. Ces deux là, on va les mettre bien en vue ! » expliqua l'entraîneur d'un air satisfait en désignant El Efficiente et Dominion.
 
 
Le premier lot sortait, le patron se fit mettre en selle sur son poney et tout ce bel escadron gagna les Aigles en bon ordre.
Ça cause, ça cause beaucoup dans les allées cantiliennes. Les invectives inter lots et les histoires de la veille inter lads alimentent facilement une matinée d'entraînement, des Lions aux Aigles, en passant par l’hippodrome !
Ce matin-là, une rumeur devint vite un fait accompli, Red Fernand se serait fait corriger la veille par une paire de « pas commodes ». Juan Bautista, entre deux lots, rapporta la nouvelle à son père sans savoir que pour ce dernier cette information était capitale. Après le deuxième lot, la rumeur avait enflé comme une éponge pleine d'eau et le casse-croûte à « la chasse à courre » avait fait boule de neige. Il était temps pour Jean Barnabé de mettre son patron au courant, encore qu'il devait sûrement déjà en être informé...
Dans le calme de son bureau feutré, Javier Torres Meca esquissa un sourire quand son garçon de voyage « sherlockolmisé » entra.
« On ne parle que de cela ce matin sur tout le centre d'entraînement, déclama l'entraîneur. Il a dû s'en prendre une bonne, notre Fernand ! D'après mes informateurs, il n'a pas eu le temps de prévenir ses « clients » à temps. Ils avaient déjà établi la plus grosse partie de leurs jeux, car s’ils ne veulent pas trop influencer la cote en amont, ils divisent probablement leurs enjeux dans différents points PMU et sur le champ de course aussi, encore qu'hier sur place ils ont dû s'abstenir puisque « ils savaient ». Ce que je sais aussi, c'est qu'ils n'opèrent que si Fernand a « travaillé » pour eux. Je crois aussi savoir qu'ils « mettent » pour Fernand à l'occasion. Il y a quelques mois, j'avais entendu par le maréchal que Fernand envisageait à terme de s'installer comme entraîneur. En somme, entre ce qu'il a détourné à l'écurie et ses coups, il prépare son avenir ! »
« Vous feriez bien patron, d'orienter son avenir du côté d'une plainte en bonne et due forme. Vous n'avez été que trop gentil avec lui » se risqua Jean-Barnabé.
« Bien sûr, pour l'argent détourné, je pourrais faire quelque chose. Pour le gas-oil, c'est impossible car il faut des preuves. Quant à sa distribution de poudre de perlimpinpin, cela va être compliqué car il y a du bicarbonate de soude et de sodium dans beaucoup d'écuries de course. C'est le problème de tous ces produits qui à petites doses font du bien mais à haute dose peuvent détruire ! Je crois que j'ai une meilleure idée. »
« Ah oui ? » lâcha Jean-Barnabé d'un œil interrogateur.
« Je crois que je vais le laisser s'enfoncer dans son erreur et ce sont ses associés qui se chargeront de le punir. »
« Pas mal, pas mal ça, patron ! »
« En plus je vais me charger de faire savoir par la bande que le Fernand a monté une autre combine plus lucrative pour lui dont il ne les a pas tenus au courant. Et ça, je pense qu'ils ne vont pas aimer du tout. Tout compte fait, je ne vais rien changer pour Dominion et El Efficiente et les laisser dans leurs boxes et on va le laisser faire… pour voir ! » Il esquissa un petit rire étouffé.
« Comme il ne travaille pas aujourd'hui et que personne n'a encore vu le résultat du traitement qu'il a subi, on va voir demain ce qu'il se passe. Il ne reste que très peu de réunions de plat d'ici la fin du mois et pour lui, il doit y avoir urgence à réparer son erreur avec Talmondais. Je pense donc que les deux de dimanche peuvent être des cibles potentielles intéressantes. »
«  Il y a quand même les « Aga » qui vont rallier gros des suffrages et c'est pas sûr qu'ils soient favoris ? »
« Peut-être, mais on va quand même faire comme si… Mais j'y pense, le 4 ans alezan qui court le handicap au Croisé Laroche samedi, celui-là est le type même de sujet de choix pour leur fine équipe. »
«  Ah oui, je n'y avais pas pensé non plus. Vous avez raison. En plus, son box est voisin de ceux des deux autres... Assez facile à surveiller ! »
Javier Torres Meca se leva prestement, quitta le bureau pour regagner la cour, suivi de son complice garçon de voyage en levant la main au ciel et l’accompagnant d'un sonore « Vamos » !
 
 
CHAPITRE 19 : MODE AVION
 
 
Bérengère avec décidé de mettre son mouchoir sur la partie de jambes en l'air polonaise et de tout faire pour que le jockey de son cœur reste son amant et même beaucoup plus à terme... Les femmes s'inscrivent dans la durée ! Sa jalousie au placard, elle reconcocta un petit dîner chez elle... Juan Bautista ne déclina pas l'invitation et elle se préparait déjà, à entendre le son de sa voix quand elle l'appela, à une nouvelle soirée romantique et chaude qui lui permettrait, selon elle, de marquer des points sur le boulier de Cupidon. Il arriva de bonne heure avec un petit bouquet, bien modeste bouquet pourtant, qu'il avait trouvé incidemment à la station-service à la sortie de Senlis où il avait fait le plein. Mais elle en fut vraiment touchée et pensait que les heures à venir allaient se dérouler sous les meilleurs auspices ! Juan Bautista ne mangea que du bout des dents arguant « qu'il avait un 53 et demi demain au Croisé Laroche et qu'il était juste... » Avant la fin de son frugal dîner, il lui fit comprendre que le week-end qui se profilait l'obligeait à prendre un repos substantiel et réparateur et que dès qu'il aurait avalé sa dernière bouchée ou presque, il prendrait congé. Elle en fut d'abord très contrariée en pensant qu'il la fuyait et cherchait des échappatoires, puis, se raisonnant un peu, elle admit que ses activités professionnelles de la fin de semaine avaient aussi leurs exigences et que, la maîtresse la plus accaparante mais la moins dangereuse de Juan Bautista, c'était les courses !
 
Elle le raccompagna à sa voiture et ils s'étreignirent langoureusement adossés à la margelle du puits. Une fois sur la route, il ralluma son téléphone portable. La leçon de Varsovie ayant porté, quand il était avec Bérengère il le passait en mode avion sans l'éteindre. Durant le diner il avait poussé le vice jusqu’à le poser sur la table à ses côtés et à taper sur l'écran tactile de temps en temps pour qu'elle réalise bien qu'il était en état de marche.
Le signal caractéristique lui fit savoir qu'il avait plusieurs messages en attente. Leurs intérêts étaient variés, allant du carrément sans intérêt aucun, à celui de sa Comtesse de roman qui le mit dans un fort état d’excitation. Elle annonçait qu'elle serait en France samedi, qu'elle avait un vol Warsow-Bruxelles, que depuis là-bas elle rejoindrait Lille pour l'heure des courses, et qu'après qu'il ait monté, ils rejoindraient Paris ensemble avant d'aller à Saint-Cloud. Le bonheur dans une bulle le temps d'un weekend ! Il s’endormit dans une douce béatitude en pensant à tous les plaisirs que promettaient les jours à venir.
 
Autoroute A1 direction Lille. Le long ruban d'asphalte se déroulait devant lui depuis une bonne heure et, en ce 10 novembre, le paysage de l'Île-de-France laissait maintenant place à celui de la Picardie nettement moins bucolique. Seul dans sa voiture, il était concentré sur sa conduite tout en ayant l'esprit occupé par ses pensées et l'excitation de monter à Saint-Cloud ses deux espoirs maison. L'arrivée d'un SMS vint troubler sa réflexion.
Bérengère se manifestait : «  Trop envie de venir à Saint-Cloud dimanche, laisse-moi des invitations, je serai avec ma cousine. » Merde, pensa-t-il. Pourquoi décide-t-elle de venir me coller à Saint-Cloud, juste ce dimanche-là ? Cette idée lui gâchait déjà la fête charnelle, et la fête tout court, imaginées à la perspective de la venue d'Ana. Il voyait d'avance la tension bien inutile que cette situation allait induire dimanche!

 

 

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