King Charles III Stakes : Dieu bénisse Asfoora, l'Australie... et les taxis !
Asfoora et Oisin Murphy, les grands gagnants de l'édition 2024 des King Charles II Stakes (Gr.1) de Royal Ascot (© Twitter Amy Murphy)
Comptant parmi les courses incontournables du meeting de Royal Ascot, en Angleterre, les King Charles III Stakes (Gr.1), ou anciennement King's Stand Stakes, ont permis de mettre en exergue une kyrielle de belles histoires en tout genre à travers les âge. Avec notamment l'Australie au coeur de celles-ci. Et des taxis !
Asfoora, après sa victoire dans les King Charles III Stakes (Gr.1) de Royal Ascot, entourée de son jockey, Oisin Murphy, son entraîneur, Henry Dwyer, et sa lad, Chenelle Ellis (© Twitter GBRI)
En 2006 déjà, cette épreuve reine du sprint pour chevaux de 3 ans et plus était effectivement tombée dans l'escarcelle d'un certain Takeover Target (Celtic Swing), dont c'était alors la toute première excursion en Perfide Albion, depuis le pays d'Oz, et qui était venu devancé pas moins de 26 rivaux, parmi lesquels figuraient notamment Dandy Man (Mozart), Baltic King (Danetime) ou encore Moss Vale (Shinko Forest). Cet authentique champion, sorti vainqueur à 21 reprises, dont huit fois au niveau Gr.1 (Lightning Stakes, Newmarket Handicap, Sprinters Stakes, etc.) et titulaire de plus de 6 millions de dollars de gains, défendait les couleurs ainsi que l'écurie d'un "permis d'entraîner" australien, Joe Janiak, qui, dans la vie de tous les jours, endossait également la casquette de... chauffeur de taxi. Et il avait acheté la cheval pour la modique somme de 1 375$ aux Inglis Winter Thoroughbred Sales de juillet 2003 !
Takeover Target et Joe Janiak (à gauche), une autre "success-story" des King Charles III Stakes, faite d'Australie... et de taxis ! (© Puntcdn.com)
Presque 20 ans plus tard, l'histoire s'est de nouveau répétée. Pas de la même manière, certes. Mais une fois encore avec l'Australie et des personnes impliquées dans les taxis en toile de fond. Akhram El-Fahkri en l'occurence, dont l'élève et représentante Asfoora (Flying Artie) a apporté une nouvelle victoire à l'Australie dans les King Charles III Stakes ce mardi 18 juin 2024, après donc Takeover Target en 2006, mais aussi Choisir (Danehill Dancer) en 2003, Miss Andretti (Ihtiram) en 2007, Scenic Blast (Scenic) en 2009 et Nature Strip (Nicconi) en 2022. Un autre grand bonheur pour tous les habitants du "Down Under", dont fait d'ailleurs partie son entraîneur, Henry Dwyer, implanté à Ballarat, non loin de Melbourne, et à la tête d'une écurie d'une quarantaine de chevaux "seulement". Mais aussi pour Oisin Murphy, le partenaire d'Asfoora, qui a encore sorti "a pinch of a ride" dont il a le secret pour aller décrocher le Graal et ainsi démarrer au mieux cette grande semaine de Royal Ascot.
Asfoora, à son retour gagnants dans l'enclosure des balances, emmenée par son éleveur-propriétaire de Noor Elaine Farm, Akhram El Fahkri (© Steven Cargill)
Avec le 17 à la corde, soit le numéro le plus en dehors dans les stalles de départ, Asfoora a longtemps galopé avec cinq autres concurrents tout à l'extérieur, avant de leur prendre le meilleur à 400 mètres du but, puis de bien poursuivre son effort pour finalement déborder tous les autres, restés plus côté corde, et ainsi l'emporter on ne peut plus brillamment. Victorieux des Sprint Cup Stakes (Gr.1) l'an dernier à Haydock, Regional (Territories) s'est adjugé la deuxième place de cette épreuve, une longueur derrière la gagnante, et Big Evs (Blue Point), dernier lauréat en date de la Breeders' Cup Juvenile Turf Sprint (Gr.1), la troisième, encore une demi-longueur plus en retrait.
Issu d'une famille d'arboriculteurs libanais, Akhram El Fakhri est arrivé en Australie en plein milieu des années 1950, où il a développé plusieurs affaires florissantes, notamment une compagnie de taxis. Et une passion de plus en plus grandissante pour les courses et les chevaux, partagée avec son frère Daniel. À tel point que celle-ci leur a fait construire de toutes pièces une structure d'élevage, d'étalonnage et de préparation pour les ventes au nord de Melbourne, dans la campagne d'Euroa: Noor Elaine Farm, là même où l'histoire d'Asfoora a débuté.
Flying Artie, le père d'Asfoora, étalon à Blue Gum Farm, en Australie (© Blue Gum Farm)
Née en 2018, Asfoora fait partie de la première génération de Flying Artie (Artie Schiller), un ancien très bon sprinter, vainqueur entre autres des Coolmore Stud Stakes (Gr.1) de Flemington, rapidement mis à l'honneur en tant qu'étalon de par les succès de Groupes d'autres de ses produits comme Artorius ou encore Democracy Manifest. Stationné à Blue Gum Farm, au nord de Melbourne, il est proposé aux éleveurs au prix de 16 500$ la saillie cette saison. Actuellement "repleine" de cet étalon, Golden Child, la mère d'Asfoora, multiple placée en plat, est elle même par I Am Invincible (Invincible Spirit), sire de tout premier plan en Australie en qualité de père de pères, et qui a ainsi signé sa toute première victoire de Gr.1 en qualité de père de mères. Bien qu'assez creuse sous la deuxième mère, cette souche est la même que celle de plusieurs gagnants de "Stakes" en Australie, comme Hard Stride (Street Sense), Utah Saints (God's Own), ou encore Big Chill (Artie Schiller).
Henry Dwyer, l'entraîneur d'Asfoora, en train de plaisanter avec le roi Charles III (© Twitter Racenet)
Rachetée 24 000$ à la Magic Millions Adelaide Yearling Sale de 2020, Asfoora a ensuite été envoyée par Akhram El-Fahkri à l'entraînement chez Henry Dwyer qui, plus jeune, a cotoyé les bancs de l'école avec ses fils. Pour la petite anecdote, Akhram El Fakhri, bien avant le passage de la jument aux ventes, avait déjà proposé Asfoora à Henry Dwyer. Mais celui-ci avait refusé... Le hasard faisant parfois bien les choses, cette dernière a donc finalement intrégré les boxes du metteur au point de Ballarat, et s'est rapidement distinguée en piste en remportant de nombreuses courses sur le sprint australien, parmi lesquelles les Schillaci St. (Gr.2), le Caulfield Sprint (Gr.2), les 1100 St. (Gr.3) ou encore le Furphy Sprint (Gr.3).
Asfoora, alors yearling, àla Magic Millions Adelaide Yearling Sale (© Twitter Racing SA)
Ce pari de voir sa championne participer à l'édition 2024 des King Charles III Stakes (Gr.1) de Royal Ascot, Akhram El-Fahkri a décidé de l'assumer pleinement, et a donc "cassé" sa tirelire pour payer tous les frais de l'expédition, à commencer par l'engagement, qui est tout sauf donné. Mais plutôt que de la voir courir dès la "descente de l'avion", ce dernier a préféré que la jument prenne le temps de s'acclimater sur place, et l'a donc placée aux bons soins d'Amy Murphy et de toute son équipe de Newmarket, que l'on connaît bien en France de par les succès de ses jeunes sprinters (Manhattan Jungle (Bungle Inthejungle), Convo (Kodiac), Itsatenfromlen (Sergei Prokofiev), Hot Darling (Too Darn Hot), Rock Hunter (Expert Eye), etc.) mais aussi de ses vieux sauteurs (Mercian Prince (Midnight Legend), Kalashnikov (Kalanisi), etc.).
Amy Murphy, metteuse au point bien connue des deux côtés de la Manche, et "logeuse" d'Asfoora depuis avril dernier (© Twitter Amy Murphy)
Quatrième fin mai des Temple Stakes (Gr.2) d'Haydock, pour ce qui s'agissait de sa grande première sur le sol anglais, Asfoora a donc fait du rêve de tout son entourage, et en particulier de son propriétaire-éleveur, une réalité en défaisant une grande partie des meilleurs sprinters européens. De bon augure pour elle dont les prochaines échéances pourraient avoir lieu plus tard cette saison dans les King George Stakes (Gr.1) de Goodwood, les Nunthorpe Stakes (Gr.1) de York, voire dans une Breeders' Cup aux États-Unis.