Fantastic Moon : le triomphe de l'amour à Baden-Baden
Fantastic Moon dans les écuries de Sarah Steinberg à Munich, monté par René Pietchulek.
A voir de loin cette petite blondinette timide tenir ses chevaux en main, on aurait du mal à croire que la jeune Sarah Steinberg n'est plus une lad et cavalière d'écurie, mais un entraineur qui a déjà imposé son nom dans la cour des grands de la planète courses, et qui va avoir maintenant un partant avec une chance prépondérante dans le Prix de l'Arc de Triomphe. Associé à René Pietchulek, le 4 ans Fantastic Moon a effectué une démonstration dans le Grand Prix de Baden-Baden, la meilleure course intergénérationelle outre-Rhin, autrement dit l'Arc de Triomphe allemand, qui a souvent servi de tremplin pour l'Arc de Longchamp.
Le couple remporte son 2e Grand Prix de Baden-Baden avec Fantastic Moon.
Ce succès survient tout juste 2 ans après celui de Mendocino, qui permettait au monde, en dehors des frontières, de découvrir le fabuleux destin de cette jeune femme et son jockey vedette, associé et époux. En effet, ce jour là, le fils d'Adlerflug au terme d'une lutte mémorable bat le crack Torquator Tasso, autre fils d'Adlerflug, vainqueur l'année précédente de l'Arc de Triomphe avec René Pietchulek. Or, ce dernier avait dû laissser au dernier moment sa place à Frankie Dettori sur l'archi-favori. En effet, tout comme Sarah Steinberg, René Pietchulek est un employé d'Hans-Gerd Wernicke, un propriétaire majeur en Allemagne, détenteur de ses propres structures sur le centre d'entrainement de Munich, et qui avait insisité personnellement pour courir son cheval Mendocino et affronter le crack réputé invincible... et finalement battu.
Sarah Steinberg avec Jean de la Guillonnière et Mendocino, son 1e vainqueur de Grand Prix de Baden-Baden.
Agé de 93 ans, mais d'apparence beaucoup plus jeune, ce riche industriel a fait fortune dans les matelas Wenatex et a donné à son écurie le nom de Stall Salzburg, son village natal près de la frontière autrichienne. Wernicke possède environ la moitié des chevaux à l'entrainement chez Steinberg, qui ne veut pas dépasser la 30aine de pensionnaires au total. Il avait embauché la jeune Sarah Steinberg en 2016, alors âgée de seulement 25 ans, venue d'une famille complètement extérieure aux courses et jusque là simple cavalière d'entrainement. Elle était suffisamment talenteuse dans ce rôle pour que l'entraineur Jens Hirschberger lui confie son champion Adlerflug, mais le pari restait très osé. Mais la jeune femme, ultra exigeante sous son apparence douce et timide, a démarré très fort même avec les seconds couteaux de Stall Salzburg, gagnant par exemple le Grand Prix de Vichy (Gr.3) avec Night Wish seulement 3 mois après avoir obtenu sa licence.
Hans-Gerd Wernicke, propriétaire de Stall Salzburg, des écuries du centre d'entrainement de Munich et employeur de l'entraineur et du jockey.
Un an après sa 1e victoire de Gr.1 avec Mendocino à Baden-Baden, Sarah Steinberg décroche son 1e succès dans le Derby Allemand en 2023 avec Fantastic Moon. Celui-ci défend la casaque de Liberty Racing, un syndicat de 12 associés fondé par Lars-Wilhelm Baumgarten. Fantastic Moon a fait les gros titres des journaux quand il a gagné ensuite le Prix Niel (Gr.2) en battant le favori Feed The Flame. Les propriétaires ont repoussé des offres mirifiques en provenance des Etats-Unis, du Moyen-Orient et du Japon, puis ont finalement supplémenté le cheval dans l'Arc de Triomphe, dont il a conclu malheureusement 11e. En discussion privée, dans le bureau de l'écurie à l'occasion d'une visite d'achat pour Mendocino à la mi-septembre 2023, Sarah Steinberg et René Pietchulek nous avaient confié qu'ils ne souhaitaient pas courir l'Arc pour viser plutôt une Breeders'Cup... Mais les propriétaires l'ont décidé ainsi, préférant poursuivre la belle histoire vécue avec ce poulain acheté seulement 49.000 € yearling à la vente de la BBAG. Il était alors assez petit, ce qui justifie ce faible prix car c'est un fils de Sea The Moon, ancien gagnant de Derby Allemand avec Christophe Soumillon, installé étalon à Landwades en Angleterre mais qui continue de dominer outrageusement les courses dans son pays natal.
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Ils vont avoir une 2e chance de briller dans l'Arc de Triomphe, mais seulement si le terrain ne s'alourdit pas. Ce serait alors une nouvelle consécration pour Pietchulek, qui s'y est déjà imposé en tant qu'outsider avec Torquator Tasso en 2021, pour le compte de Marcel Weiss. Il était alors inconnu du grand public. René Pietchulek fut en début de carrière un bon jockey mais pas considéré comme un jcokey de grand prix. Il est arrivé à Munich, dans l'Ecurie Wernicke, en 2017, où il a rencontré sa femme. Et finalement, tous deux, très complices à l'entrainement où le jockey est à cheval tous les matins, ont grandi ensemble les marches de la notoriété. Pour le pilote, c'est le Covid qui l'a aidé à décoller. En effet, les propriétaires et entraineurs en ne pouvant plus faire appel aux fines cravaches étrangères, et les chevaux extérieurs ne pouvant plus passer la frontière, les opportunités pour ce second couteau se sont ouvertes au meilleur niveau. Il s'y est révélé et est resté au sommet, figurant désormais parmi le club des 5 meilleurs pilotes Outre-Rhin.