Action Réaction ! la discipline de l'obstacle est-elle menacée ?
" L'obstacle est-elle une discipline en déclin ? ". C'est ainsi que Gilles Chopard ouvrait le débat dans l'émisssion Equidia Turf Club du lundi 25 mars présenté par Manuella Jollivet. Le problème est tout à fait juste car il est évident que les courses souffrent d'un manque de partants chronique à tous les niveaux de courses, au bas de l'échelle comme au sommet, et cela partout en France.
Tisane remporte un Prix Lutteur III clairsemé : 6 à l'arrivée pour 12 au départ (PHOTOS APRH)
Sur le plateau de télévision, pour expliquer le faible nombre de candidats à Auteuil, ont été évoqués le vaste panel de courses avec des conditions similaires sur de nombreux hippodromes en région, la dureté particulière du dernier meeting de Pau sur des pistes très pénibles. L'auteur de ses lignes (Arnaud Poirier) qui y paticipait, ne croyant guère à l'effet des transferts et des vases communicants dans la mesure où les grands hippodromes de province manquent aussi de partants en obstacle, table plutôt sur la chute progressive des personnages clés pour l'existance de ses chevaux : les éleveurs et les propriétaires. En effet, le nombre de petits éleveurs, véritables fabricants des chevaux d'obtacle, est en chute. Par ailleurs, comme chacun sait, les propriétaires font défaut et ne se renouvellent pas. Les grosses maisons restent, les Papot, Chérel etc...mais comment motiver un propriétaire plus modeste à entretenir un unique cheval d'obstacle pour aller courir en mileu de semaine, un matin sur un hippodrome désert. Le risque n'en vaut pas la chandelle.
Jean-Claude Rouget : un regard plein de discernement sur l'obstacle, la discipline de ses débuts.
Jean-Claude Rouget, fin obstervateur des courses, et dont personne ne doit oublier qu'il est fils d'un grand entraineur d'obstacle (au moins mixte), qu'il a grandi à Senonnes et fut tout d'abord à Pau une vedette de l'obstacle multiple vainqueur du Grand Prix, a réagi le surlendemain lors d'une discussion enflammée au téléphone en estimant que les intervenants n'étaient pas allés assez au fond du problème. Vu la justesse de la réflexion sur 4 points précis, ces propos ne pouvaient pas rester privés :
- " Quand j'étais entraineur d'obstacle, il y avait à Pau quelques réunions à l'automne, d'autres au printemps, et "seulement" 14 réunions pendant le meeting d'hiver. Aujourd'hui, tout à été regroupé et on arrive à 27 réunions qui s'enchaînent, soit presque le double. Il est évident qu'ensuite, les chevaux sont très fatigués, d'autant plus quand les terrains ont été extrêmement lourds comme cette année."
- " Les bonnes courses d'obstacle en province ont toujours existé. La différence réside tout simplement que maintenant, on les voit à la télé."
- " Nous sommes dans une période de la société où règne l'esprit de protection de l'animal. Or, il est évident que l'obstacle comporte des risques, avec des accidents qui demandent souvent de longues périodes de repos. Les propriétaires de galop en viennent logiquement à privilégier le plat."
NDLR: cela rappelle que les courses d'obstacle ont été interdits en Australie du fait de La Ligue de protections des animaux, qu'elles sont moribondes en Italie, marginalisées aux Etats-Unis et mortes en Allemagne.
- Il faut absolument prendre en compte le nombre très important de sauteurs qui sont exportés en Angleterre. Ces centaines de chevaux d'obstacle français traversent la Manche chaque année et c'est pour moi le principal problème. Et pour rester en Angleterre, si on sort d'un meeting de Cheltenham où les courses sont très fournies, on voit très souvent dans les courses du quotidien des épreuves avec 3 ou 4 partants. Le problème n'est donc pas uniquement français.
Les tenants et aboutissants des exportations depuis 15 ans.
Le cas des exportations en Angleterre est essentiel. C'est aujourd'hui LE moteur financier du système dans la discipline de l'obstacle. En effet, les allocations en France sont très importantes, surtout à Auteuil, mais les pépins et les mises sur la touche sont tels que les ventes sont nécessaires pour entretenir un effectif. Le problème conséquent est que les éleveurs ne voient plus leurs chevaux courir, et que ces chevaux exportés (surtout les poulains) ont de fortes tendance à disparaître dans la nature. Dès lors, les éleveurs perdent le moral et cessent d'élever. C'est ce qu'il se passe actuellement, y compris pour des éleveurs qui ont sorti des gagnants de Gr.1 Outre-manche ! Difficile également de motiver un propriétaire si on lui dit qu'il est bon de vendre le plus vite possible...
Sprinter Sacré, une star française Outre-Manche.
Par ailleurs, les exportations en masse ne sont pas un phénomène nouveau. Il remonte même à plus de 15 ans. Alors pourquoi ses effets sont soudainement plus spectaculaires ? La violente crise économique déclenchée en août 2008 y est sans doute pour quelque chose. En effet, dans les 3 dernières années avant l'explosion, le marche s'était développé à un point tel que les acheteurs britanniques se sont mis à faire des razzias non seulement chez les chevaux ayant brillé à Auteuil mais aussi à l'entrainement et jusque dans les prés. Des wagons entiers de foals sont ainsi partis, ce qui a d'ailleurs posé pas mal de problème aux éleveurs dont certains ont perdu leurs primes. Donc, les générations nées entre 2005 et 2008 ont été sérieusement ponctionnées dès l'élevage. Ces chevaux qui auraient aujourd'hui entre 5 et 8 ans sont justement ceux qui manquent le plus, comme l'a démontré le lot réduit à 12 concurrents du Prix Lutteur III, un steeple-chase pour chevaux de 5 ans et plus.
Depuis, les anglais se sont refaits une santé financière et ils ont recommencé à investir de fortes sommes, mais plutôt pour des chevaux ayant montré leur qualité en piste. Le sytème du cheval acquis très jeune et transformé en produit financier outre-Manche est, de très loin, moins puissant qu'avant 2008.
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