Poliglote et Trempolino, le destin de deux ovnis si français

21/03/2018 - Chef de race
Vainqueur de l'Arc de Triomphe 1987 pour Paul de Moussac, Trempolino s'est éteint paisiblement au matin du 19 mars 2018 à l'âge canonique de 34 ans, au lendemain de la mort d'un de ses plus précoces rivaux au haras, le phénomène Poliglote qui a dû être euthanasié à 26 ans à Etreham. Ces 2 étalons polyvalents symbolisent parfaitement l'élevage français auquel ils ont tant apporté, alors que rien les prédestinaient à cela.

Trempolino et Samuel Maupile son étalonnier en mai 2012

 

Honneur au grand ancien. A l'âge record  de 34 ans, Trempolino s'est éteint au Haras du Mézeray où il a grandit et où il a passé la quasi totalité de sa carrière d'étalon. S'il est né dans le Kentucky aux Etats-Unis, à Maylands Stud, où sa mère Tréphine avait été envoyé au printemps précédent à la rencontre de Sharpen Up, un grand étalon marquant des deux côtés de l'Atlantique, Trempolino est revenu au Haras du Mézeray aussitôt après le sevrage. Son propriétaire éleveur, Paul de Moussac, avait récupéré la souche auprès de l'élevage de Mme Jean Couturié. Sa grand-mère s'appelle d'ailleurs La Chaussée, du nom de l'un des haras du vaste domaine du Mesnil et de Maulepaire à Savigné-L'Evêque au nord du Mans. Alezan avec beaucoup de blanc, Trempolino est envoyé chez une étoile montante de l'entraînement, André Fabre, qui venait de passer au plat après avoir gagné 4 fois de suite le Grand Steeple-Chase de Paris. Troisième du Critérium de Maisons-Laffitte à 2 ans en 1986, Trempolino n'échoue que du plus court des nez dans le Prix du Jockey-Club, rattrapé seulement dans la dernière foulée par Natroun et ce diable d'Yves Saint-Martin. Vainqueur du Prix Niel, ce poulain impulsif s'entendait très bien avec Pat Eddery qui était absolument certain de remporter le Prix de l'Arc de Triomphe. La mission fut accomplie avec une grande autorité dans un lot de pourtant très grande envergure, devant Tony Bin (vainqueur en 1988) et la dame de fer Tryptich. C'était là le tout premier Arc d'André Fabre, et aussi l'une des dernières fois qu'il s'adressait à la presse française... Trempolino enchaîne sur la Breeders'Cup Turf, alors l'unique course internationale de fin de saison. Il finit dauphin de Theatrical qui lui aussi fera souche en tant qu'étalon.

 

RETROUVEZ LA DERNIERE SEANCE PHOTOS DE TREMPOLINO

 

Trempolino reste étalon aux Etats-Unis. Mais il y est hors sujet, comme un classique de gazon à une période où les Etats-Unis se recentrent sur le dirt. Il en serait sans doute autrement aujourd'hui, mais Trempolino, faute de succès Outre-Atlantique, revient au bercail à 16 ans en 2000 pour poursuivre sa carrière au Mézeray. Et contre toute attente, il n'est pas du tout en fin de carrière car une 2ème vie d'étalon va commencer pour lui, sur les obstacles. En 1999, son fils nommé Mandarino né aux Etats-Unis mais qui s'est retrouvé à Auteuil par les méandres du destin, remporte le Grand Steeple-Chase de Paris aux dépens d'Al Capone II, lors de la fameuse édition où son infortuné entraîneur Marcel Rolland était resté coincé dans l'ascenseur ! Dès l'arrivée sur les pistes des premiers produits de Trempolino conçus en France, s'il sort d'excellents chevaux de plat comme Valixir ou autre Vadapolina, il se révèle comme un sujet de tout premier plan sur les obstacles, avec de multiples vedettes comme Don Lino, Lina Drop, Bonito du Berlais, Malhado Island et bien d'autres. Aujourd'hui, son meilleur fils étalon, Germany, pourtant entré dans un petit haras irlandais tout à fait obscur, se retrouve père du crack Faugheen et de Samcro, vainqueur de Gr.1 dernièrement à Cheltenham en restant invaincu...Dès lors, Trempolino a sailli comme une star de l'obstacle, jusqu'à l'âge de 27 ans en 2011 où il a été mis à la retraite. Doté d'un tempérament de feu, papy est resté en état jusqu'au dernier jour et a toujours conservé la dent dure...

 

Voir la course et la 2e place de Trempolino dans la Breeders' Cup Turf...

... et sa victoire dans l'Arc un mois plus tôt


Et que dire de Poliglote? Petit, les jarrets à 3 kilomètres, les genoux creux, produisant lui-même petit ! Ce fils de Sadler's Wells n'avait pas un physique de leader et pourtant. Contre toutes attentes, il devient le numéro un des étalons de plat et d'obstacle la même année, du jamais vu en France et dans tout autre pays phare des courses et de l'élevage. En plat cette année là, c'est principalement grâce à sa fille Solémia qu'il décroche le graal suprême pour un étalon. Portant les couleurs de la famille Wertheimer comme son père par le passé, Solémia et Olivier "Magic" Peslier s'envolent dans la phase finale face au japonais Orfèvre. Petit-fils de Val Royal, Poliglote avait été entraîné par Criquette Head et monté par son frère Freddy qui avait toutes les peines du monde à le garder droit, notamment dans les derniers mètres du Critérium de Saint-Cloud à 2 ans. 2ème du Jockey-Club de Celtic Swing, Poliglote avait aussi fait sien le Grand-Prix d'Evry à 4 ans mais son tempérament de feu ne lui avait pas du tout servi une fois exporté aux Etats-Unis.

 

Croisé après la victoire d'Arc de Solémia, Franck Champion revenait alors sur la carrière de Poliglote


Père de 3 vainqueurs de Gr.1 en 2017 dont le double gagnant du Grand Steeple Chase de Paris So French, Poliglote a encore conclu l'année sur la 2ème marche du podium des meilleurs pères d'obstacle. Politologue, Top Notch, Don Poli, Fleur d'Ainay, Hinterland Saint du Chenet, Berryville, Tanais du Chenet, Prince Oui Oui, Polivalente, autant de noms de vainqueurs de Gr.1, fils ou filles de Poliglote. Qui aurait pu croire à un tel destin? Et dire que le premier d'entre eux fut un certain Kiko en 2004 quand ce dernier gagna le Prix Cambacérès pour la casaque Mulryan et l'entraînement d'Arnaud Chaillé-Chaillé, un succès qui va annoncer des années fastes pour le tandem.

Poliglote et son étalonnier au Haras d'Etreham

 

Toujours soutenu par les frères Wertheimer, Poliglote était aussi devenu un mot magique pour les éléveurs d'obstacle. Mais si papy faisait de la résistance dans ses résultats sur la piste, sa fertilité a beaucoup souffert ces dernières années à tel point que le Haras d'Etreham, là où il a toujours officié, a décidé de le faire fonctionner en privé en 2017, année durant laquelle il n'a pu remplir qu'une seule jument, l'AQPS Outre Mer, la mère de Vezelay qui a donné naissance à la dernière fille de Poliglote début mars (relire l'article). Et côté descendants mâles, seuls 3 de ses fils directs font la monte actuellement en France avec : Toni Blue disponible à Maquis Stud dans l'Aude ; Hello Sunday à Sud Manche Haras ainsi que Dink au Haras de la Barelière. Ce dernier a dernièrement fait parler de lui puisque son seul partant Nube Negra s'est placé 3ème de Gr.3 la semaine dernière pendant le Festival de Cheltenham.

Revivez la 2e place de Poliglote dans le Prix du Jockey-Club 1995


Poliglote et Freddy Head tiennent tête à Solar One (O. Peslier) et Highest Café (T. Jarnet) dans la phase finale du Critérium de Saint-Cloud ©APRH

Madame Head et Monsieur Bureau, responsable de l'élevage des Wertheimer, accueillent Poliglote

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