Le destin de War Admiral, le crack défait par Seabiscuit
Le 1er novembre 1938, War Admiral retournait dans l'ombre de son boxe, la tête basse, abandonné de tous. L’œil mort, l'esprit démonté, le petit cheval n'entendait déjà plus la foule qui l'avait oublié. Son ami, son lad, son confident était là, prêt de lui, la main enfouie sous son toupet frisé, la joue collée à la sienne. Il ne parlait pas. Il sentait son cheval abattu, et il contenait ses larmes.
War Admiral avec son lad, son seul ami après la défaite.
Une heure durant, l'homme resta là, accroupi face au champion déchu. Il scrutait son œil, espérant recevoir, rien que brièvement, un message d'espoir, une lueur sortie de nulle part. Mais cette après-midi là, rien de vînt. Les jours suivants, alors que Seabiscuit faisait la Une de toute la presse et monopolisait le monde des courses, War Admiral se contentait de longues promenades avec son ami de toujours et retrouvait du moral. L'homme à la gavroche vissée sur le crâne, à force d'amour, lui avait redonné goût à la vie. Ensemble, marchant côte à côte, ils s'étaient remémorés les exploits du guerrier noir :
La triple couronne dans le sang
Son année de deux ans, brillante, mais insuffisante pour la couronne décrochée alors par Pompoon. Son retour à la compétition à trois ans, triomphale dans les Chesapeake Stakes où il avait usé de sa tactique favorite, la fuite en avant. Attendu face à Pompoon dans la première épreuve de la triple couronne, le Kentucky Derby, il ne fit qu'une bouchée du poulain précoce. Infatigable, il rejoignait le poteau avec une certaine avance, l'allure soutenue, devant un Pompoon désabusé qui trainait de la patte. War Admiral avait retardé le départ de la course de presque dix minutes, se débattant dans sa stalle de départ, intraitable et colérique. Passés ces instants d'agacement, il était parti le plus vite, et la queue agitée, la foulée précipitée, il avait prit le commandement quelques secondes avant l'entrée du premier tournant. Ses adversaires ne purent alors qu'observer le guerrier noir avaler la piste de ses longues foulées menaçantes et rallier ainsi le poteau sans la moindre considération pour celui qui perdait alors son statut de numéro 1 : Pompoon.
War Admiral, pourtant blessé, remporte facilement les Belmont Stakes et décroche ainsi la triple couronne.
A peine sept jours plus tard, War Admiral était de retour pour les Preakness Stakes. Le poulain noir bondit de sa stalle oppressante le premier, arrachant à tous une demie longueur dès la propulsion. Calé le plus prêt de la corde, il avait été rejoint à l'approche du tournant par deux concurrents, dont Pompoon qui, regonflé à bloc, ne lui accordait qu'un nez d'avance. A la sortie du tournant final, War Admiral avait prit les extérieurs. Pompoon désormais à la corde. Ensemble, ils se démenèrent jusqu'au poteau. Le poulain noir devançant sûrement le poulain à la pelote blanche.
Le match du siècle
Enfin, la dernière étape de la légendaire couronne américaine se dessinait. Fidèle à lui-même, War Admiral anima l'entrée dans les stalles. Impatient d'en découdre, il s'arracha un morceau de peau à l'antérieur gauche et c'est le sabot baigné de sang qu'il remporta les Belmont Stakes détaché de tous, battant alors le record de son père légendaire Man O'War. En fin d'année, le poulain s'imposa dans le Washington Handicap tête et corde, clôturant une année de trois ans sans la moindre défaite.
De retour en 1938, War Admiral reste le meilleur. Dès sa rentrée, il se montre le plus puissant, remportant en toute décontraction le Widener Handicap, malgré un embonpoint évident. Le 25 mai, il s'annonçait dans le Suburban Handicap.
Le 08 juin, il devançait le champion Snark d'une longueur dans le Queens County Handicap. En août, il rem porte le Saratoga Cup Handicap face à seulement deux concurrents.
Voir la vidéo du match du siècle entre Seabiscuit et War Admiral, le 1e novembre 1938.
L'année durant, War Admiral remporte toutes ses courses. Il est respecté et craint. Seulement, le peuple américain, désirant connaître l'identité du meilleur cheval de l'année, exige un duel face au vétéran Seabiscuit, ami des petits gens.
Ce premier novembre 1938, donc, War Admiral ne put rien faire face à son oncle Seabiscuit. Il fut incapable de le devancer dans les premiers mètres, incapable de faire plus qu'un corps à corps durant la fausse ligne droite, et surtout incapable de le retenir lorsque le petit cheval prit son envol en entrée de ligne droite.
Il n'aura jamais sa vengeance
Lui qui d'habitude écœurait ses adversaires au train, déterminé, dur et infatigable, ne sentit plus ses jambes face à celui que la dureté de la vie avait façonné. Seul le soutien de son ami lui permit de retrouver la confiance si soudainement arrachée sur la piste de Pimlico. Et l'amiral était bien décidé à se venger.
Quelques jours après la course du siècle, War Admiral volait à l'entraînement. Le 29 décembre, il remporta la dernière course de son année de quatre ans, le Rhode Island Handicap, aisément.
Maintenu à l'entraînement pour une ultime année dans l'espoir de vaincre Seabiscuit dans le Widener Handicap, War Admiral effectue sa rentrée le 18 février 1939 dans la Fort Pierce race. Le cheval avale la piste de ses foulées mémorables et s'impose en toute décontraction d'une longueur sur son plus proche poursuivant, le troisième et dernier cheval se retrouvant alors détaché. War Admiral n'a rien perdu, bien au contraire. Mais l'entourage de Seabiscuit se fait prudent, reculant son engagement dans le Widener Handicap. Bientôt, tout espoir disparaît à l'annonce de sa blessure qui le retiendra hors des pistes toute l'année. La revanche annoncée n'aura jamais lieu, War Admiral, également sur la touche, rentre au haras auprès de son père Man O'War.