Nouvelle-ZĂ©lande : Karaka, le meilleur complexe de vente au monde ?
" The place to be ! " Toute l'Australie hippique, des centaines d'asiatiques, mais aussi quelques gros bonnets européens et même américains accourent tous les ans à Auckland pour la vente de yearlings organisée par New Zealand Bloodstock, la seule et très puissante agence du pays, sur le complexe de Karaka. Certes, l'élevage local de pur-sang, de même que celui du bovin et du mouton, bénéficie de la réputation d'une très qualité. Mais pourquoi diable autant de gens qui débordent de moyens s'imposent autant d'heures de vol pour aller jusqu'au bout du monde, car la Nouvelle-Zélande, par exemple par rapport à la France, c'est vraiment le bout du monde avec ses 30 heures de vol et ses 12 heures de décalage horaire ?
La réponse est humaine. En anglais, on dit "hospitality", ce qui ne doit pas se traduite de façon littérale mais plutôt s'interpréter par accueil et convivialité, générosité débordante de la part des vendeurs et de l'agence eu égard à des acheteurs. Lorsque ces derniers débarquent à l'aeroport, une horde de voitures avec chauffeurs aux couleurs de New Zealand Bloodstock les attend à la descente de l'avion, ce qui est déjà agréable après 3 heures de vol depuis Sydney, et encore beaucoup après les 11 heures de vol depuis Hong Kong, sans bien sûr parler des marathoniens qui arrivent du Moyen Orient ou, pire encore, d'Europe. Une fois sur place, tous les haras vendeurs, sans aucune exception possible, dressent une tente d'accueil. Pas une pauvre tente avec 3 pommes et un café tiède, mais des barbecues et autres buffets regorgeants des délices les plus divers, des avalanches de bières fraîches, voire du champagne du meilleur effet. Le plus extraordinaire, même si nous n'avons physiquement pas pu tester toutes les tables des écuries, vu qu'il y a environ 1000 chevaux réunis pendant la semaine avec les book 1 et 2, c'est que les hôtes accueillent tout le monde les bras ouverts...et gratuitement.
Les néo-zélandais du coin de la rue sont très accueillants par nature, souvent contents qu'on vienne les voir tant ils se savent au bout du monde, mais cette méthode de service a été imposée par le propriétaire de l'Agence, Sir Peter Vela, fils d'un émigré croate qui roule en Rolls Royce ou évite les bouchons en hélicoptère. " Les 1e ventes officielles de chevaux sur le ring ont démarré en Nouvelle-Zélande il y a 70 ans, dans la capitale Wellington, ce qui était beaucoup trop loin du centre névralgique de notre élevage qui est tout près d'Auckland. Ces ventes étaient organisées par une agence qui ne faisait pas que des chevaux et qui, en1996, a décidé de se séparer de ce département. Mon frère Philip et moi-même avons été sollicités par les éleveurs pour l’acquérir afin qu’ils puissent organiser les ventes eux-mêmes. Nous avons acheté en décembre 1996 et avons fait notre 1e vente dès le mois janvier. Nous étions juste des marchands de poissons, des éleveurs de chevaux amateurs, mais tout le monde comptait sur nous. Alors nous avons insisté. On a construit des nouveaux barns, des équipements multiples, on a refait des nouveaux gazons, etc…
Sir Peter Vela, le propriétaire de New Zealand Bloodstock
Milliardaire de la pêche de poissons de grands fonds marin, éleveur à Pencarrow Farm, Sir Peter Vela a transformé le marketing du cheval de courses en Nouvelle-Zélande. Cet homme a beaucoup voyagé pour son business. Il a même vécu un an à Saint-Gervais en France et 8 ans à Genève en Suisse. Il est toujours propriétaire de chevaux en Angleterre, dont Eminent (Frankel), vainqueur du Prix Guillaume d'Ornano (Gr.2) - Haras du Logis Saint-Germain à Deauville en 2017. Dans les 20 dernières années, les courses ont subi et continue de subir une terrible crise financière. Le TAB, le PMU local qui gère son monopole sur les jeux de courses de façon poussiéreuse, est accusé de se reposer sur ses lauriers et de continuer à avoir des frais de fonctionnement délirants alors qu'elle n'a jamais su se remettre en question face à l'arrivée des loteries et des casinos. Aujourd'hui, un maiden offre à peine 2000 € au vainqueur. De fait, les petits éleveurs ont quasiment disparu. Le nombre de naissances a été divisé par deux pour tomber à 3500 naissances par an et l'élevage s'est resséré autour de de quelques dizaines de beaux domaines, dominés par une poignée de gros haras, concentrés dans la région de Waikato, entre Cambridge et Mata Mata, dont Waikato Farm avec 230 juments, Windsor Park Stud, Cambridge Stud avec 100 juments et 3 ou 4 autres gros bonnets capables d'amener près de 100 yearlings chacun à la vente.
Mark Chittick, le patron de Waikato Stud, meilleur vendeur pour la 6e fois de suite à Karaka, et vendeur du top price à 840.000 €
Brendan Lindsay, le nouveau propriétaire de Cambridge Stud, le 2e meilleur vendeur de Karaka 2019.
Pour autant, l’élevage local a augmenté considérablement son attractivité internationale, non seulement grâce à la qualité de ses produits qui trustent les succès en Australie et dans toute l’Asie du Sud-Est, mais aussi grâce à cette capacité d’accueil reconnue comme la meilleure au monde. Sir Peter Vela poursuit : " En Nouvelle-Zélande on est loin de tout le monde. Vous qui venez de France, vous savez que vous ne pouvez pas aller plus loin. Si vous continuez votre route…vous retournez chez vous ! Donc on a motivé tout le monde améliorer notre hospitalité, que les vendeurs offrent un service de qualité et considérer les acheteurs avec le plus grand respect. Il y a deux facteurs dans ce business. Il y a ceux amènent les chevaux pour les vendre, et ceux qui viennent les acheter, et méritent donc tous les égards. Donc tous les haras vendeurs sans exception ont leur propre espace d’accueil pour les clients. Par exemple, ici, dans la tente de mon propre haras, nous servons 200 couverts par jour…gratuitement, ou bien sûr tout est gratuit, le champagne français que nous buvons ici, nous le partageons avec plaisir avec tous ceux qui ont pris de la peine de faire un très long voyage pour venir voir nos chevaux et, espérons le, les acheter.
Ciaron Maher, entraineur australien
Les acheteurs apprécient le geste, à commencer par les australiens, les 1e clients de Karaka, qui arrivent avec beaucoup de dollars d'un pays où l'industrie des courses présente une santé flamboyante, comme en témoigne l'entraineur Ciaron Maher : Les éleveurs néo zélandais et l’agence de vente New Zealand Bloodstock font énormément d’effort pour l’accueil des clients et la convivialité. Les propriétaires ont des chevaux parce qu’ils aiment vivre de tels moments, non seulement aux courses mais aussi aux ventes. Et le plus ils en profitent en achetant, le plus ils apprécient. Mais outre l'accueil, on vient bien sûr pour la qualité des chevaux. La Nouvelle-Zélande bénéficie d’un super climat qui offre naturellement beaucoup de nourriture aux chevaux, qui y grandissent très bien. Ici, on vient chercher des chevaux classiques car il y a beaucoup de tenue dans les pédigrées locaux. Les chevaux sont sains et solides. Ils remportent de très nombreuses courses de tous les styles en Australie, mais encore dans les Guineas et les classiques, qui peuvent aller sur 2400 m."
Lot 192, Savabeel - Make a Wish. Karaka 2019 from NZB Karaka
LE TOP DES KARAKA YEARLING SALES 2019 :
Le top étalon actuel est évidemment Savabeel, l'étalon le plus cher de Nouvelle-Zélande, qui fait la monte à 72.000 € à Waikato Stud. Cet ancien de la Cox Plate (Gr.1) en Australie domine les classements et signe le top price pour un yearling mâle acheté par David Ellis, le fondateur de Te Akau Racing, qui est tout simplement la plus grande écurie du monde en terme de nombre de syndicat de chevaux (plus de 200 à l'entrainement entre la Nouvelle-Zélande et Singapour). La méthode de New Zealand Bloodstock porte ses fruits. Car si les locaux restent très actifs en haut de tableau, des acheteurs venus du monde entier, de Hong Kong, de Singapour, de Malaise, du Japon, d’Afrique du Sud mais aussi d’Irlande avec Coolmore mais aussi d’Angleterre avec Godolphin, Shadwell, Donald Sackville ou Hubie de Burgh, entrent dans le jeu des kiwis qui reste dominé par les australiens. Ces derniers assurent environ la moitié du chiffre d’affaire de 40 millions d’euros, pour un prix moyen de 84.000 € par yearling. Rappelons que tous sont qualifiés pour les prochaines Karaka Million de 2 et 3 ans, dotés de 600.000 € chacune.
Waikato Stud amène une équipe de 50 personnes pour présenter ses 90 yearlings du book 1 !
MV Magnier (à gauche) avec le clan Coolmore.
Les acheteurs viennent d'Asie en famille !
ou en groupe !