Triple Couronne US : un "American Pharoah" arrive en haut de la pyramide !

07/06/2015 - Evénements
C'est fait pour papa ! Après 37 ans d'échecs psychodramatiques, les Etats-Unis détiennent enfin leur nouveau laurét de la triple couronne grâce à American Pharoah qui a gagné les Belmont Stakes le samedi 6 juin à New York. Son propriétaire Ahmed Zayat est un égyptien qui a fait fortune dans la bière sans alcool. Un drôle de destin conté ci-dessous par Xavier Bougon.

 

Comme l’an passé, les Belmont S. seront suivis par la totalité des aficionados américains
 
Devant une assistance record (170.513 spectateurs), le natif du Kentucky, American Pharoah, avait remporté le Derby du Kentucky puis a récidivé dans les Preakness S., (devant 131.680 spectateurs, un autre record) faisant de lui le 16e vainqueur, depuis 1978 (année du sacre d’Affirmed), a tenté le graal, la Triple Couronne. Il a fait "salle comble" à Belmont Stakes et a soulagé la nation en réalisant de bout en bout cet extraordinaire exploit : remporter la triple couronne composée de 3 Gr.1 sur 3 distances différentes dans 3 Etats différents en réalisant plusieurs milliers de kilomètres en seulement 5 semaines.
 
L’an dernier, California Chrome avait enthousiasmé le monde hippique (164.906 spectateurs dans le Derby, la seconde meilleure affluence après 2012 et 123.469 à Pimlico, un record) et la 3e manche lui était promise avant même de la courir. Et pourtant, c’est Tonalist (Tapit), un pensionnaire du français Christophe Clément, qui a anéanti l’enthousiasme américain et surtout californien.
 

Après l'échec de Caifornia Chrome en 2014, Victor Espinoza atteint cette fois le graal avec American Pharaoh dans les Belmont Stakes.
 

Notes :
 
  • L’édition 2014 des Belmont S. avait réuni 102.199 aficionados, soit la 3e meilleure affluence derrière l’année 2004 (120.139 spectateurs), l’année de la victoire de Birdstone devant le lauréat des deux premières manches, Smarty Jones. War Emblem a été défait en 2002 devant 103.222 spectateurs. 
  • Quatorze vainqueurs des deux premières manches ont tenté d’inscrire leur nom au palmarès de la Triple Couronne. Spectacular Bid (3e à Belmont de Coastal), Pleasant Colony (3e de Summing), Alysheba (non placé de Bet Twice), Sunday Silence (2e d’Easy Goer), Silver Charm (2e de Touch Gold),, Real Quiet (2e à un nez de Victory Gallop), Charismatic (3e de Lemon Drop Kid), War Emblem (8e de Sarava), Funny Cide (3e d’Empire Maker), Smarty Jones (2e de Birdstone), Big Brown (non placé), California Chrome (4e d’Union Rags). I’ll Have Another n’avait pas couru la 3e étape, s’étant blessé.
     
  • Sur la distance très inhabituelle de 2400 m sur le dirt americain, et avec seulement 8 partants, le train n'a pas été très rapide au départ et Victor Espinoza (jockey qui avait massacré la course avec California Chrome l'an dernier) n'a pris aucun risque et placé American Pharaoh en tête. Le cheval a pu développer son immense action. Il a accéléré progressivement dans le dernier tournant et a pulvérisé l'opposition. Assurément, c'est un phénomène avec un gros modèle, un excellent mental, bref tout pour plaire. Il devance le Godolphin Frosted (Tapit), qui n'a pu que le poursuivre, et Keen Ice (Curlin) qui a pris dans les dernières foulées la 3e place à Mubtaahij (Dubawi), élevé par Jean-Pierre et Guillaume Garçon au Haras de l'Hotellerie pour le compte de la famille Barsi. 

 

Le milliardaire égyptien Ahmed Zayat présente un air de ressemblance stupéfiant avec un grand entraineur français, mais lequel ? (réponse plus bas...)
 

American Pharoah, une erreur d’orthographe pour un champion égyptien

 
Le champion de Bob Baffert et de l’américano-égyptien Ahmed Zayat est en passe de remporter la triple couronne américaine, 37 ans après Affirmed, le dernier en titre.
 
Et pourtant la carrière d’American Pharoah (Pioneerof The Nile) débute par une faute d’orthographe dans son nom validée par le Jockey Club américain (n’est pas Champollion qui veut) et par une véritable défaite lors de ses premiers pas sur la piste de Del Mar au mois d’août de ses 2 ans. Son entraineur enchaine pourtant directement par deux victoires de Groupes 1 (dont le Del Mar Futurity S.) qui lui valent le titre de meilleur mâle de deux ans. A 3 ans, sa victoire dans l’Arkansas Derby (Gr.1) lui permet de se présenter au départ du Kentucky Derby qu’il remporte tout en confirmant dans la seconde levée de la Triple Crown, à chaque fois monté par Victor Espinoza.
 
American Pharaoh, correctement écrit, aurait pu porter un autre nom puisque son propriétaire avait eu l’intention de s’en séparer aux ventes de sélection de yearlings de Saratoga organisées par la Fasig-Tipton. L’égyptien le rachète pour $ 300.000, un bon signé David Ingordo Bloodstock). Il en voulait $ 1.000.000 car fils de son étalon, Pioneerof The Nile, second du Kentucky Derby pour l’entité américaine, Zayat Stables Ltd.
 
 
 
American Pharoah lors de sa victoire dans le Kentucky Derby 2015

Les couleurs des 11 vainqueurs de la Triple Couronne américaine. Depuis samedi, les couleurs d'American Pharoah complètent le palmarès
 
 
 
Et pourtant, la mère était nulle
 
Sa mère, Littleprincessemma à l’entrainement chez Steve Asmussen, avait été incapable, en deux sorties (Churchill Downs et Saratoga), de rentrer dans l’argent. Son éleveur, Brereton Jones (Airdrie Stud), l’avait vendue foal à Keeneland pour $ 135.000 à Ben McElroy qui la revend, présentée par Wood Edge Farm (Peter O’Callaghan), yearling $ 250.000 à Ahmed Zayat. Son nouveau propriétaire la nommeLittleprincessemma, du prénom de sa dernière fille.
 
Son second fils, American Pharoah, a gagné deux gr.1 à 2 ans en 2014. Ahmed profite de ses performances pour vendre, en novembre 2014, la mère, pleine de Pioneerof The Nile (l’étalon maison) à Fasig Tipton, présentée par Taylor Made Sales. Elle trouve preneur pour $ 2.100.000 payée par Summer Wind Farm (un haras du Kentucky, propriété de Frank Lyon). Elle a mis au monde, au printemps dernier, un poulain, propre frère de son ainé.

En 2013, elle était restée vide, mais en 2014, elle avait pouliné d’une femelle, propre sœur d’American Pharoah, pour son éleveur, Ahmed, qui espère en «tirer» au moins $ 4.000.000, yearling.

 

 
Sous la tempête, American Pharoah remporte la 2e manche de la Triple Couronne : les Preakness Stakes à Pimlico dans le Maryland.
 
Notes :
 
Les Kentucky Oaks 2015 ont été remportées par Lovely Maria, une pouliche achetée à l’amiable à son éleveur, Brereton Jones (coup double pour l’ancien gouverneur du Kentucky).Elle avait été retirée foal à Keeneland pour $ 5.000.
 
Coolmore a déjà pris une option sur sa future carrière d’étalon
 
Avant même la dernière levée, Le team Coolmore a posé des jalons auprès de l’entourage du poulain. Il sera donc dirigé vers Ashford Stud à la fin de sa carrière. Pour l’anecdote, Affirmed, le dernier «triple-crown», avait été acheté $ 14.400.000 pour sa carrière d’étalon en 1979. Avec l’inflation, le montant actuel représenterait environ $ 46 M.
 
 
Belmont Stakes : la bière pourrait bien couler à flot.
 
Son propriétaire-éleveur est un égyptien de 52 ans (né en août 1962 dans un quartier huppé au sud du Caire) expatrié aux Etats-Unis depuis l’âge de 18 ans. Mais c’est en Egypte, son pays natal, qu’il a fait fortune en rachetant en 1997 une société nationalisée en 1963 et que l’Etat désirait privatiser. Son but premier était la production de bière sans alcool destinée, dans un premier temps à une population de religion musulmane. Le brasseur prend de plus en plus d’importance au point que le groupe hollandais, de réputation mondiale, Heineken, lui fait les yeux doux......En octobre 2002, Ahmed Zayat leur vend 98% de la société pour $ 280 M., 4 fois son prix d’achat, cinq ans plus tôt. Selon le New-York Times la vente constitue le plus gros contrat financier jamais signé en Egypte.
 
Heineken lui signe un contrat de $ 50 M. pour qu’il reste le PDG de son ancienne société. Quatre ans plus tard, il quitte l’entreprise et l’Egypte pour rejoindre sa famille aux USA.
 
Dans le même temps, il reste co-propriétaire d’une filiale égyptienne qui brasse et embouteille pour la marque hollandaise. Il est aussi actionnaire majoritaire dans le plus grand fabriquant de bouteilles en Egypte, Misr Glass Manufacturing.
 
Cet homme d’affaires americano-égyptien avait débuté comme agent immobilier à New York puis avait investi dans la pierre à grande échelle. C’est en 1995 (à 33 ans, comme l’âge du Christ) qu’il retourne en Egypte pour donc négocier l’achat d’Al Ahram Beverages C°, le brasseur.
 
Fils d’un médecin resté au pays et d’une mère au foyer, il émigre donc à New York où il deviendra diplomé d’Harvard. Il est marié à une orthophoniste, Joanne Kranz, qui lui donnera 4 enfants, Justin, Ashley, Benjamin et Emma. L’énumération des prénoms aura son importance plus tard. Ils vivent un temps à Teaneck, banlieue huppée à l’ouest de New-York.
 
Notes :
 
Ahmed Zayat avait acheté trois chevaux dont le nom évoque les prénoms de ses enfants : Point Ashley (née en 2004, évoquée dans le chapitre suivant), Justin Phillip (né en 2008) et Littleprincessemma (née en 2006, mère d’American Pharoah), évoquée dans le chapitre précédent.
 
Justin Phillip (First Samurai), après avoir été acheté yearling $ 400.000, s’est imposé dans l’Alfred G. Vanderbilt H. (Gr.1 à Saratoga) et s’est placé second du même groupe et des Vosburgh Invitational S. (Gr.1). Il est étalon à Castleton Lyons Stud (l’ex haras de Tony Ryan dans le Kentucky).
 
 
Pioneerof the Nile, le père d'American Pharoah, vainqueur ici du plus court des nez des Futurity Stakes à 2 ans, déjà sous les couleurs d'Ahmed Zayat.
 
 
Son rêve est devenu son hobby favori, il y consacre les trois quarts de son temps
 
Avant de débarquer aux States, il avait appris à monter à cheval et avait participé à des épreuves de saut d’obstacles, en un mot, le concours hippique. Il se passionne pour les chevaux mais ce n’est qu’en 2004 qu’il réalise son rêve, devenir propriétaire de chevaux de course puis éleveur. Evidemment, c’est plus facile après avoir encaissé un chèque de la sorte. Il achète donc la première année 25 chevaux dans les ventes publiques dont deux 2 ans en avril à Keeneland et 15 yearlings en septembre.
 
En janvier 2006 aux ventes d’élevage, il acquiert trois juments, Proud Beauty, une irlandaise nièce de Pilsudski, par Danehill, payée $ 635.000 (qu’il revendra en novembre suivant, pleine de Distorted Humor, $ 900.000), Enchanted Woods (une Woodman de 9 ans, pleine de Silver Deputy, payée $ 180.000) et Easabeau Fille (pleine de Grand Slam, payée $170.000 et revendue en novembre suivant, pleine de Fusaichi Pegasus, $ 290.000).
 
En avril suivant, trois 2 ans dont une fille de Point Given, payée $ 725.000, qu’il appellera Point Ashley (du prénom de sa fille). Gagnante des Del Mar Futurity S. (Gr.1), il l’a revendra en janvier 2007 à Keeneland (âgée donc d’à peine 3 ans) pour $ 1.800.000. La pouliche ne reverra pas la piste et son nouveau propriétaire l’a fait saillir par Distorted Humor. La production n’étant pas à la hauteur, elle est vendue au Japon.
 
En août à Saratoga (Fasig Tipton), il signe un chèque de $ 1.600.000 pour une fille d’Empire Maker, nommée Mushka (petite fille de Lakeway).A 2 ans, elle remporte les Demoiselle S. (Gr.2 à Aqueduct) puis prend la direction des Keeneland November Sales pour y être vendue, $ 2.400.000 à Brushwood Stable. Elle va ensuite profiter du déclassement de «la Juddmonte», Proviso pour faire partie du palmarès des Spinster S. (Gr.1). Elle va aussi se classer seconde de la Breeders’Cup Ladies’Classic 
 
En septembre, toujours de la même année, il débourse $ 4.600.000 pour un fils de Vindication, Maimonides (3e des Hopeful S. à 2 ans puis étalon pour $ 2.500 la saillie tout d’abord à Vinery Stud puis à WinStar Farm)  qui fait partie des 20 yearlings achetés lors de cette session.
 
En septembre 2007 à Keeneland, 39 yearlings vont rejoindre son effectif. Un an plus tard, toujours en septembre, 30 yearlings sont achetés à Keeneland, 21 lors de la session 2009, 14 en 2010 (dont Paynter et Bodemeister).
En 2015, il possède environ 140 chevaux après en avoir totalisé près de 250. En 10 ans, il va occuper 7 fois le «top-five» des propriétaires US.
 
Le siège social de Zayat Stables est basé dans le New Jersey à Hackensack où il possède une antenne d’élevage, un élevage dont le plus gros est stationné en Floride, managé par son fils, Justin, un jeune homme de 23 ans.
 
 
Ahmed Zayat avec son fils Justin, un jeune homme de 23 ans qui est manager du haras principal de Zayat Stables en Floride
 
 
Le poulidor du Kentucky Derby
 
En novembre 2005, Ahmed achète à l’amiable (après avoir été retirée à $ 180.000) une poulinière, Star of Goshen (1994 Lord At War)), pleine d’Empire Maker. Va naître au printemps suivant un mâle, nommé Pioneerof The Nile (certainement en souvenir de l’Egypte). Ahmed le présente aux ventes de yearlings de septembre à Keeneland mais il n’atteint pas la réserve escomptée et le rachète pour $ 290.000.

Pioneerof The Nile : 2e de Mine That Bird
 
Bob Baffert, son entraineur, va lui faire gagner à 2 ans, les Futurity S. (Gr.1 sur 1.600 m à Hollywood) après avoir été classé 3e de la même épreuve à Keeneland sur 1.400 m. A 3 ans, il reste sur 3 victoires (dont le Santa Anita Derby et les San Felipe S.) lorsqu’il se présente au départ du Kentucky Derby. Monté par Garrett Gomez, il s’incline face à Mine That Bird. Non placé dans les Preakness S., il s’accidente en juillet suivant et rejoint Vinery Stud pour une nouvelle carrière au prix de $ 10.000 la saillie. Il continue sa carrière d’étalon à WinStar Farms au prix de $ 20.000 en 2014, $ 60.000 cette année et Zayat déclare en vouloir $ 150.000 en 2016. Ahmed posséderait encore 75% de son étalon.
 
  
Nehro : 2e d'Animal Kingdom
 
En septembre 2009, Ahmed achète à Keeneland un yearling de Mineshaft qu’il nommera Nehro. Il est en pension chez Steve Asmussen qui va lui faire prendre la seconde place de l’Arkansas Derby (Gr.1) avant de prendre la place de dauphin dans le Kentucky Derby à 2 longueurs d’Animal Kingdom et la 4ème place des Belmont S. (sans être passé par les Preakness S.). Il meurt de coliques en mai 2013.
 
Bodemeister: 2e d'Ill Have Another
 
En septembre 2010, Ahmed achète, comme tous les ans, une «collection» de yearlings à Keeneland. Parmi l’effectif se trouve un fils d’Empire Maker qu’il nommera Bodemeister payé $ 260.000. Zayat Sables Ltd, qui s’associe avec plusieurs partenaires, l’envoie à l’entrainement chez Bob Baffert. Monté par Mike Smith, il s’impose dans l’Arkansas Derby avant de prendre la seconde place du Kentucky Derby (à une longueur du vainqueur, I’ll Have Another) et celle des Preakness S.(à une encolure du même I’ll Have Another). Bodemeister a pris la direction du haras (WinStar Farm) pour une nouvelle carrière. La saillie a été fixée à $ 30.000 et ses premiers produits sont yearlings en 2015.
 
A ces mêmes ventes, il acquiert un fils d’Awesome Again, payé $325.000, nommé Paynter. Il débute victorieusement en février de ses 3 ans, en pension chez Bob Baffert. Il doit s’incliner dans le Santa Anita Derby face encore à I’ll Have Another mais va ensuite prendre la seconde place des Belmont S. (à une encolure d’Union Rags), la troisième épreuve de la Triple Crown. Il fonctionne, lui aussi, à WinStar Farm (l’ex-Prestonwood Farm, Kentucky) au prix de $ 25.000.

Notes

Star of Goshen était la propriété de Cobra Farm, le haras qui a vu naître un certain Seattle Slew en 1974, l’avant-dernier Triple-Crown.
 

Réponse à la question de la ressemblance d'Ahmed Zayat : Elie Lellouche.

 

Voir aussi...