Redécouvrez Clovis du Berlais, le petit cousin de Mandarin et Métatéro !
Ce qui est bien avec l'élevage de chevaux de courses, c'est qu'on trouve toujours un meilleur spécialiste que soi-même, capable de vous faire un révélation fracassante sur un dossier que vous pensiez pourtant connaître sur le bout des doigts. Ainsi, a-t-on failli tomber de la chaise de la cuisine de Christian Lacorie quand ce petit éleveur d'AQPS proche de Pompadour nous a appris que l'étalon Clovis du Berlais était un cousin du crack Métatéro ! Preuve à l'appui, il a alors sorti un classeur complet riche d'archives, de pédigrées, de photos et de coupures de presse
Chinca est la 3e mère de Clovis du Berlais
Et effet, on y trouve le pédigrée horizontal type "livre des familles" qui démontre les ramifications entre Clovis du Berlais et les cracks pré-cités. En vérité, la famille de Clovis est tellement riche sous la 3e mère, Chinca, que personne sauf Christian Lacorie (Elevage du Goumareix), un passionné des grandes lignées d'obstacle, n'était remonté plus haut.
Voir le pédigrée récent de Clovis du Berlais.
Christian Lacorie et ses fameux classeurs
Gagnante de 4 courses dont le Prix de Saint-Sauveur à Auteuil, Chinca est donc une soeur du l'inoubliable Chinco, le 1e crack de Jean-Paul Gallorini, un nain à la volonté de fer qui a remporté le Grand Steeple-Chase de Paris en 1979. Mais elle est aussi cousine issue de germains de Métatéro, un cheval de légende pour tous les fans de courses dans l'Ouest. En effet, ce géant entrainé par Gérard Margogne à Feneu près d'Angers a tout gagné de bout en bout en France, remportant 2 fois en 1981 et 1982 la Coupe d'Or, l'ancien championnat des Grands Steeple-Chase de Province. Fidèle à la méthode de son entraineur, qui ne courait quasiment jamais à Paris comme la plupart des professionnels de nos campagnes à l'époque, il a tout de même gagné le Grand Steeple-Chase de Paris en faisant une magnifique démonstration. " J'étais dans les tribunes d'Auteuil ce jour là, à côté de quelques turfistes parisiens qui débattaient sur leur jeu respectif avec une forte gouaille", raconte Alain Peltier, le président de l'hippodrome du Lion d'Angers. " L'un d'entre eux annonce qu'il faudrait quand même se méfier du bohémien... Il n'y avait aucun cheval s'appelant Le Bohémien au départ. Mais j'ai compris qu'ils avaient donné ce surnom à Metatero car il était tout le temps en déplacement ! ".
Metatero, monté par Bruno Jollivet
Metatero avait donc gagné un peu partout, sauf le Grand Steeple-Chase du Lion d'Angers où il avait été battu contre toute attente par Blanche Fleur, une jument officiellement blanche. Mais Gérard Margogne préférait que son cheval fasse sur le centre d'entrainement parisien avec de grandes lignes ses dernières préparations pour le Grand Steeple-Chase de Paris. Et c'est au retour de sa victoire dans le Grand Steeple-Chase de Nancy que Metatero a été déposé dans les écuries d'André Fabre, à l'époque le champion de l'obstacle. De plus, André Fabre avait l'avantage d'avoir comme 1e jockey Alain Chelet, qui était aussi le partenaire privilégié de Metatero. Et pourtant, ce dernier s'est blessé peu avant le Grand Steeple ! Il a alors été remplacé par Bruno Jollivet, un jeune génie encore installé en province et capable de briller en même temps en plat et en obstacle. Et c'est ainsi qu'André Fabre a pu aligner 4 Grand Steeple-Chase de Paris consécutifs à son palmarès (Fondeur, Isopani, le 1e AQPS, Metatero et Jasmin II) entre 1980 et 1983 juste avant de passer sur le plat avec la réussite que l'on sait.
Bruno Jollivet et Gérard Margogne avec Metatero après le Grand Steeple-Chase de Paris 1982.
Mais l'entraineur de Métatéro reste Gérard Margogne. Et dire qu'il l'avait acheté pour une poignée de cerises à Deauville, mais seulement après son passage sur le ring. Il avait offert une surenchère de 2000 francs (300 €) pour racheter le cheval à son voisin de Grey-Neuville André Foucher le soir même où ce dernier se l'était fait adjuger. Ce dernier était content d'avoir fait une petite culbute en si peu de temps, mais il l'a amèrement regretté pendant des années ensuite.
Jockey de Mandarin, Fred Winter raconte ses victoires dans la Gold Cup de Cheltenham et dans le Grand Steeple-Chase de Paris, avec les images d'illustration (à la fin) le gros plan sur la bride cassée à Auteuil !
Fils d'Orvillers, Metatéro n'avait certes pas de pédigrée récent mais provenait de la même souche que Mandarin. Entrainé en Angleterre, ce dernier avait gagné la Gold Cup de Cheltenham mais a surtout inscrit son nom dans l'histoire pour avoir remporté le Grand Steeple-Chase de Paris sen 1962 sous la selle de Fred Winter alors que sa bride avait cassé peu après le départ ! Les 2 cracks descendaient de la même 5e mère. Cette famille comportait déjà 2 gagnants du Prix de la République (Melik II en 1944 et Mateo en 1949), un double vainqueur du Prix Murat (Maik en 1942 et 1949), un lauréat du Prix Alain du Breil (Mirrick en 1961) mais aussi dans un style radicalement différent une championne de la Poule d'Essai des Pouliches (Mackwiller en 1926).
Parandero, ici dauphin de Rivoli dans la Grande Course de Haies d'Auteuil, a également été 2e d'Haroué dans le Grand Steeple-Chase de Paris en 1968
De mémoire de Xavier Bougon, si on trouve de rares familles avec 2 vainqueurs de Grand Steeple (Al Capone II et The Fellow, Hyères III et Haroué, Isopani et Jamin II, Arenice et Ucello II, Huron et Pot d'Or, Lindor et Cousin Pons) celle de Clovis du Berlais est la seule qui compte 3 vainqueurs avec celle de Katko et Kotkijet qui est la même que Corps à Corps. Et encore, il s'en est fallu de peu pour que la souche se place au sommet du classement avec Parandero, qui a été 2e du Grand Steeple-Chase de Paris 1968 de Haroué, mais aussi dauphin de Rivoli, le 1e crack AQPS, dans la Grande Course de Haies d'Auteuil.
Clovis du Berlais
Cette famille est arrivée dans le giron de Jean-Louis Lucas quand il a acheté Chica Bonita, une fille de Badayoun à l'automne 1991. " Je me rappelle être allé la voir chez la famille Menuisier. Elle avait gagné le Prix Wild Monarch et venait de terminer sa carrière suite à une blessure. C'est son entraineur Jean-Paul Gallorini qui m'avait appelé pour le conseiller de l'acheter dans les plus brefs délais." Tout commence bien quand les 2 produits suivants de sa mère Chinca (elle aussi une fille d'Orvilliers), nommés Gaburn et Chic Laurel, s'imposent au plus haut niveau. Au Haras, Chica Bonita deviendra une matrone exceptionnelle. Carlita, Bonita, Byzance, Athena, Kenzo, Karoo et Ivresse sont autant des grands vainqueurs du Berlais qui en descendent, sans oublier bien sûr le meilleur de tous : Bonito du Berlais.
Clovis du Berlais, au 1e plan, en pleine lutte avec son cousin et rival Bonito du Berlais dans le Prix Amadou (Gr.2) - Photo APRH
Ce dernier est né la même année que son cousin Clovis du Berlais... pour son grand malheur. Ils se sont tous deux livrés à une lutte terrible pour le pouvoir dans le Prix Amadou (Gr.2) à 4 ans à Auteuil. Mais Bonito était un extra-terrestre même s'il a disparu brutalement ensuite.
Fils du grand chef de race anglais King's Theatre, à qui Jean-Marc Lucas avait envoyé sa mère en 2010 alors qu'on ne voyageait jamais à l'étranger les juments d'obstacle à l'époque, Clovis est le tout 1e étalon de cette grande lignée.