Renaud Limayrac: les 5 pour cent qui restent...
Si l’homme ne discours pas long, il est assez aisé de deviner que Renaud Limayrac possède une personnalité. Belle gueule, svelte et fière allure, ce soupçon taciturne et insaisissable que les femmes adorent, preuve d'une sensibilité pour quelque chose. Son truc à lui: les chevaux, mais surtout les quadrupèdes qui repoussent et refusent de communiquer avec les bipèdes. Normalement, tout débourreur digne de ce nom et par conséquent homme de cheval accompli doit être capable de reprendre contact et de remettre dans le droit chemin un cheval parti en vrille dans sa tête, raté à 99 pour cent des cas par des actions humaines préalables. Sauf que personne ne veut récupérer chez soi ces animaux dangereux, insondables sources d'ennuis et de désorganisations. Bref, des cadeaux empoisonnés. Alors il y en a qui en font leur créneau. Le plus connu dans le genre, remarquablement "marketé" et très efficace dès lors que c'est lui-même et lui seul qui prend la situation en main, est le saumurois Nicolas Blondeau. Les autres...On n'en connaît guère. Au Haras de Monnaie, Emmanuel Leblond s'est quand même fait une belle réputation en ce sens (voir le film du Haras de Monnaie). En Normandie, se découvre actuellement Renaud Limayrac dans le registre des courses.
Renaud Limayrac
Adolescent, il prend goût à la difficulté lorsqu'il achète une cheval dit compliqué et finit par le sortir à bon niveau de concours. Après un service militaire à Fontainebleau, il arrive en Normandie en 2000 et propose des services atypiques: c'est un débourreur itinérant, qui travaille dans les élevages où il y a au moins 5 chevaux à s'occuper dans des installations correctes. Dans ce berceau du Selle Français, il se fait vite une réputation de bouche à oreille et se voit confier par les grosses maisons des chevaux estimés mais compliqués, auxquels les grands professionnels (cavaliers ou éleveurs) croient sans avoir le temps de gérer leur particularité. Avec son épouse Mouna, Renaud acquiert une ferme sur des terres de sable naturel en plein milieu des marais du Cotentin, et construit des installations à partir de 2004. Le haras s'appelle Elmy. Le père de Mouna est syrien. Elmy signifie "mon rêve" en arabe.
Renaud et Mouna Limayrac ont trouvé une ferme de sable naturel en plein Cotentin: c'est le Haras Elmy
Pas la peine de passer trop de temps à longuement expliquer la méthode. Ce sera du bla bla. Pour En l’occurrence, l'action remplace complètement le discours. Pour résumer, le principe est simple: Renaud Limayrac concentre ses efforts à faire apprendre au cheval à écouter l'homme, à développer son envie de faire des choses, et si possible de bien faire des bonnes choses...Il observe, surtout les réactions du cheval par rapport à la présence de l'homme, fait du cas par cas évidemment, travaille aux longues rênes, ne monte les chevaux qu'après 3 semaines, commence toujours sur la route, seul. Il n'y a pas beaucoup de trafic dans les campagnes de la minuscule bourgade du Mesnil Vigot (3 kms carrés, 214 habitants...) Puis, il peut se lancer dans un dressage sur l'obstacle s'il sent que l'animal a du talent. " En fait, le but de l'opération est que le cheval soit bien à l'écoute de l'homme, de façon que l'entraîneur puisse poser son travail dessus." Simple à dire, dur à faire avec des bêtes enragées.
Renaud Limayrac en concours complet
Venu du concours, Renaud Limayrac sort toujours en complet et hippique, mais son truc, c'est le sang. Vu son métier, il est évident que l'homme apprécie le répondant, l'influx. Tous ses chevaux de sport ont au moins la moitié de pur-sang. Il a donc sauté le pas dans l'élevage de pur-sang. Il a acheté Fleur de Mirande, fille de Fleur du Manoir (1e Prix de Flore, Gr.3) alors qu'elle partait dans un camion pour le couteau, puis La Pazziella (11 victoires) à Deauville. Pour ses installations, la prochaine étape est la construction de stalles de départ, pour prendre en main les chevaux qui refusent d'y rentrer. Bonne idée, il y a du boulot dans le registre...
Voilà donc un homme qui ne murmure pas à l'oreille des chevaux, qui n'est pas non plus un chuchoteur, mais un personnage qui parle avec ses mains aux bêtes féroces, aux 5 pour cent qui restent.