Jean-Louis Berger: Rubi Ball et son étoile
En février, le syndicat de la Nièvre organise son assemblée. Passé les discours qui en disent long, le clou de la soirée est la diffusion sur grand écran d'un clip musical de 20 minutes des meilleurs chevaux des éleveurs locaux. Lors de la dernière édition revenant sur les exploits de 2009, Rubi Ball a conclu le film en beauté et tout en douceur, avec cette musique aussi calme qu'intense: à ton étoile.
Marie-Jeanne et Jean-Louis Berger
Finalement, cela correspond bien non seulement à Rubi Ball dont la grand-mère s'appelle Etoile du Berger, mais aussi au profil du personnage concerné. L'homme n'est pas très expressif, mais concentré. Sûrement un faux calme. Jean-Louis Berger n'a pas les « paluches » d'un paysan, mais c'est un éleveur de champions, ni le bagout d'un maquignon, bien qu'il soit fils d'un marchand de chevaux, et pas non plus le ventre d'un cordon bleu, bien qu'il fut un as de la poêle.
Rubi Ball, lors de sa victoire dans le Prix Ferdinand Dufaure face à Long Run
Chez la famille Berger, à travers les générations, les femmes faisaient de la restauration, les hommes s'occupaient de chevaux. Le jeune Jean-Louis, ambitieux, a voulu faire les deux, c'est à dire gagner de l'argent avec une toque, allant jusqu'à posséder le restaurant du théâtre d'Orsay, pour s’en servir tranquillement avec une casaque.
L'école de dressage acquise par le père de Jean-Louis Berger à Charolles au début du 20e siècle.
L’histoire de France de la guerre 14-18 à nos jours
Bien avant cela, son père Francisque était venu de l'Ain juste après la 1e guerre mondiale. Spécialiste de l'attelage, il avait acquis l'école de dressage de chevaux situé en plein centre de Charolles, le coeur de la région de base de l'élevage de bovins charollais. Avec les bâtiments et le matériel, quelques chevaux dans les boxes sont englobés dans le lot. Parmi eux, une jeune jument nommée Tombola, née en 1917.
Tombola, la jument de base à l'origine de Rubi Ball, née en 1917
Bien belle, elle allait remporter de nombreux concours de modèles mais aussi des courses. Francisque Berger devient un marchand de chevaux et un dresseur hors pair connu dans la France entière, qui est demandé tous les ans pour faire des présentations équestres au Grand Palais à Paris. Les courses ne sont pas sa priorité et des suites d'une mésentente sur l'étalon pur-sang choisi par le directeur du Haras National pour faire la monte à la station de Charolles, juste après la 2e guerre, il vend toutes ses juments de courses sur un coup de sang.
Le blason de la famille Berger
La souche de base avait été dispersée par le père !
Bien plus tard, vers 1963.Jean-Louis travaille à Paris et monte en Gentleman-Rider. Avec ses premiers salaires, importants d'un point de vue provincial, il veut acheter des chevaux et demande à son père de retrouver une jument de l'origine de la fameuse Tombola. Ce dernier déniche une jeune pouliche, Topaze, chez un voisin nommé Jean Duvignaud. Elle est infirme, plus que cagneuse, mais parvient à gagner en plat puis se placer à Auteuil.
Jean-Louis Berger est aussi l'éleveur de la championne impétueuse Kario de Sormain
Rubi Ball : le secret de famille
Topaze a ensuite tracé à travers 2 de ses filles, Fanny qui a donné les très bons Oklaoma II et Bill Reef, et surtout Etoile du Berger III, la grand-mère de Rubi Ball. "Il y a une erreur dans le pedigree d'Etoile du Berger III. Ce n'est pas une fille de Farabi comme déclaré officiellement, mais de Lucky Dip. A l'époque, les contrôles de filiations par prise de sang n'existaient pas. Ce cheval d'origine Rothschild s'appelait Volubilis avant d'être débaptisé lors de son exportation au Canada. C'est un fils d'Alizier et ce courant de sang est tout à fait déterminant pour le croisement." En effet, ce même Alizier est également présent dans le pédigrée de Mysoko, élève de Jean-Louis Berger issu d'une autre souche maternelle d'AQPS. Outre la famille de Rubi Ball, Jean-Louis Berger a connu des succès classiques avec ce Mysoko mais également Kario de Sormain, ou plus récemment Petit Laugère, tous entraînés par Jean-Paul Gallorini, le compagnon de sa fille Alexandrine.
Rolling Ball, un grand sauteur en Angleterre
Etoile du Berger III, le guide
Etoile du Berger III est devenue une chef de race en son genre, mère de 9 vainqueurs dont le champion en Angleterre Rolling Ball, l'excellent sauteur Quick de la Gare, et une fratrie de très bons chevaux de plat, avec notamment le grand étalon AQPS Useful. Son 1e produit, Lady Pat Pong, gagnante en plat, a donné elle le brave sauteur d'Auteuil Ratabour et une pouliche nommée Hygie. "Elle n'est pas belle, petite et cagneuse. C'est la mère de Rubi Ball...Mon père m'a toujours dit qu'il fallait garder des poulinières n'ayant pas couru. Celle-ci n'a même pas été débourrée!" Inapte à la course, Hygie devient un moule au haras. Elle a donné 6 produits en 6 ans, que des vainqueurs.
Le futur étalon Useful, lors de sa victoire dans le Prix de Craon à Longchamp
Hygie, inapte à la course et même pas débourrée !
Avant Rubi Ball, Hygie avait fait une minuscule pouliche issue de la 1e génération de Network, nommée Quecy de Chadzeau. Pour faire une blague à Michel de Gigou, de passage, il lui demande un soir d'aller trouver dans les boxes quelque chose qui est pour lui. Michel de Gigou fait 2 fois le tour des écuries pour l'apercevoir sous la paille. Il l'achète quand même...
Quecy de Chadzeau, minsucule mais bondissante soeur aînée de Rubi Ball
Restée ridiculement petite, Quecy de Chadzeau est devenue tellement bonne qu'elle a gagné à Auteuil avant de s'imposer dans le Grand Steeple-Chase de Craon 2009! Hygie a une femelle née en 2008 de Robin des Champs nommé Usefuly et un mâle de Robin des Champs né en 2009 nommé Victory Ball. Au printemps 2009, Jean-Louis Berger s'est déplacé au Lion d'Angers pour faire à nouveau remplir sa chère Hygie par Network, le père de Rubi Ball. En 2010, le voyage sera moins lointain. Il lui suffira d'aller à La Clayette pour la rencontre avec Malinas.
Rubi Ball a son retour aux balances après le Grand Prix de Pau 2010
La situation de Jean-Louis Berger est tout à fait atypique. En effet, les terres sont tellement convoitées dans la région de Charolles qu'il ne parvient pas à en acquérir, puisque la priorité légale est accordée aux agriculteurs installés. Dès lors, il partage l'élevage de ses chevaux avec des voisins. Pour la descendance d'Hygie, il s'est associé à Patrice Duvignaud, qui n'est autre que le fils de Jean Duvignaud, chez qui son père Francisque avait trouvé Topaze.