Harry Allen Jerkens : l'entraineur de War Front s'en est allé
19/03/2015 - Grand Destin
Le père de War Dispatch a perdu son ancien mentor. Xavier Bougon revient sur la carrière de Harry Allen Jerkens, l'entraineur de War Front.
"The Chief", Harry Allen Jerkens à Saratoga
S’il existait au Mt Rushmore un visage d’entraineur de chevaux, Harry Allen Jerkens serait celui-ci (dixit The Florida Horse). Cet entraineur américain, né en avril1929 à Islip (Long Island NY), est décédé le 18 mars dernier en Floride. Surnommé affectueusement « The Giant Killer » ou « The Chief ». Il avait reçu un Eclipse Award en 1973 et en 1975, il était devenu le plus jeune entraineur (45 ans) à être introduit au National Museum of Racing and Hall of Fame (jusqu’à l’arrivée en 1998 de Bill Mott).
Il avait entrainé, pour Joseph Allen (voir l’article), un certain War Front qui, au haras, fait partie des meilleurs étalons actuels en Amérique du Nord.
Né d’un père autrichien
Officier de cavalerie en Autriche, Joseph Marion Jerkens (né en 1883 à Zadarow situé à l’époque dans l’empire austro-hongrois, décédé le 1er janvier 1952 en Floride), avait émigré à New York en 1908. Il loue en 1936, à 53 ans, une écurie à la succession Vanderbilt à Oakdale (C° Suffolk NY). Son « hobby » est le «rafistolage» des chevaux accidentés pour en faire des « hunters » et des « jumpers ».
Son épouse, Minerva, donne à Joseph cinq enfants : Ruth, Frances, Charles, Helen. Leur autre fils, Allen Jerkens, (caricaturé par PEB) débute à 16 ans comme gentleman-rider en plat puis en obstacles (lui qui rêvait d’être jockey, il est rattrapé par le poids – il avoue n’avoir jamais gagné une course) tout en apprenant son futur métier auprès de son père. Il se tourne très vite vers l’entraînement en avril 1950 (il est alors âgé de 21 ans) quand Larry Gottlieb lui donne quelques chevaux en pension.
En juillet suivant, il remporte sa première course avec Populace (petit-fils de Sir Gallahad, élevé par Elizabeth Arden) à Aqueduct. Il remporte son premier stakes en 1955 avec War Command, un War Admiral qu’il avait réclamé $ 8.000 puis en 1958 avec Admiral Vee, réclamé à 8 ans pour $7.500 qui va lui gagner six stakes et plus de $ 200.000.
Sept ans après, un homme d’affaires de Wall Street (Jack Dreyfus) sonne à sa porte et c’est le début d’une longue association comme entraineur privé (ou particulier) (jusqu’en 1980) avec l’entité Hobeau Farm qui possède un centre d’entrainement à Ocala.
En 1962, Allen Jerkens selle un des pensionnaires de Jack Dreyfus, Beau Purple (fils d’un étalon maison, Beau Gar et petit-fils de Count Fleet, Triple-Crown) qui va battre le champion Kelso à trois reprises, en 1962 (Man O’War S. et Suburban H.) et en 1963 (Widener H.).
D’autres éléments de son écurie, Pocasaba, Handsome Boy, Onion, Prove Out, Wagon Limit, Sensitive Prince, Group Plan, Step Nicely vont devancés certains autres champions tels que Cicada, Buckpasser, Secretariat, Riva Ridge, Forego, Affirmed, Wajima, Skip Away, Gentlemen, pour ne citer qu’eux. Voilà pourquoi les médias le surnomment «The Giant Killer », un surnom qu’il n’aime pas trop.
Sky Beauty, sa championne
En 1992, débarque à l’écurie son véritable premier champion, une fille de Blushing Groom, Sky Beauty qui va remporter la triple couronne des pouliches l’année suivante (Acorn S., Mother Goose S. et C.C.A. Oaks) et va obtenir le titre de meilleure jument à 4 ans après ses 4 succès de Gr.1, les Ruffian H. Shuvee H., Hempstead H. Go For Wand S.
Elevée par Taylor Made Farm, elle avait été achetée yearling à Saratoga pour $355.000 et courait sous les couleurs de Georgia Hoffman. Avec ses 9 Gr.1 à son actif, elle est élue au Hall of Fame en 2011. Vendue à Keeneland en novembre 1999, vide de Gone West, elle avait été achetée par Coolmore pour $2.850.000. Rappelons qu’elle est la mère en 2003 d’Hurricane Cat (Storm Cat) et qu’elle est décédée l’année suivante en mettant au monde son propre frère.
Cinq titres de meilleur entraineur à New York
Après une carrière de 65 ans, il avait décroché 14 titres dont la tête de liste des entraineurs à New York en 1957, 1962, 1966, 1969 et 1998, à Aqueduct, à Belmont et à Saratoga. Il terminera sa carrière après avoir entrainé plus de 160 stakes-winners et remporté 3.859 courses dont la dernière le 6 mars dernier à Gulfstream Park avec Easement (à Joseph Shields). Sa dernière victoire de Gr.1 remonte à 2012 lorsque Emma’s Encore (achetée yearling $2.000) remporte les Prioress S. à Saratoga.
Deux de ses fils avaient pris le même chemin que lui celui de l’entrainement, Steven et James (Jimmy ou Jim) qui était son assistant depuis 1997. Il était le père également d’Allen et de Julie (la jumelle de Jimmy). Sa première épouse, Ann, était décédée en 1986, quant à sa seconde épouse, Elizabeth («Liz»), elle est décédée en août dernier.
Allen Jerkens, toujours à Saratoga, en 2012
Notes
- James, son fils, était l’entraineur d’un fils d’El Prado, Artie Schiller (élevé par le Haras du Mézeray, vendu $ 67.000 yearling à Keeneland) lors de sa victoire dans la Breeders’Cup Mile 2005 (devant Leroidesanimaux, Gorella et Whipper).
- En août 1973 à Saratoga, les Whitney S. sont très médiatisés du fait de la présence d’un certain Secretariat qui venait d’enlever la troisième levée de la Triple Couronne. C’est sa première sortie face à des chevaux d’âge. Devant une foule record (30.119 spectateurs), Allen Jerkens selle un petit-fils d’Hasty Road, Onion, un hongre de 4 ans qui va devancer son cadet d’une longueur. Après la course l’entourage de Secretariat avouera que leur protégé avait peut-être eu un peu de fièvre. Ce sera la seule victoire à ce niveau pour le protégé d’Allen Jerkens.
Pour l’anecdote, les deux protagonistes se rencontreront à nouveau mi-septembre à Belmont pour la première édition de la Marlboro Cup Invitational. Secretariat ne fera qu’une bouchée de ses adversaires (dont Riva Ridge) établissant un nouveau record de vitesse (1’45’’40 sur 1.800 mètres).
Fin septembre à Belmont, Secretariat va enregistrer un nouveau revers en ne terminant que second des Woodward S., une édition enlevée par un élève d’Allen Jerkens, Prove Out.
C’est ainsi qu’il lui est décerné l’Eclipse Award 1973
- L’ancien centre d’entrainement de Hobeau Farm (Jack Dreyfus, décédé à 95 ans en 2009) installé à Ocala, sera vendu en février 2005.