Cirrus des Aigles : Merci pour tout, Champion !
Retour de Cirrus des Aigles, après ce qui restera comme sa dernière victoire, le Prix Ganay (Gr.1) en mai 2015.
©APRH
C'est donc la fin d'une époque pour les courses françaises, et internationales ! Cirrus des Aigles va profiter d'une retraite bien méritée. Le cheval de course européen le plus riche (7.800.000 € de gains) aura un bilan définitif de 22 victoires, dont 7 groupes 1, auquel il faut ajouter 26 podiums dans certaines des plus belles courses de la planète lors de ses 67 sorties. C'est un véritable conte de fée que ce "guerrier" a fait vivre à son entourage qui l'a toujours respecté et traité comme un membre de la famille, à l'image de son entraîneur, Corine Barande-Barbe, qui le surnomme affectueusement son "prince charmant".
Une carrière d'une incroyable longévité qui a commencé, à 2 ans, un 7 octobre 2008 à Chantilly et se sera conclu sur l'hippodrome hongkongais de Sha Tin, le 13 décembre dernier. Et ce sont, bien sûr, les dernières années qui ont considérablement étoffé son palmarès. Pourtant, les origines de Cirrus des Aigles et ses débuts en compétition ne le prédisposaient pas à une telle destinée...
Even Top, le mystérieux père de Cirrus des Aigles
Il y a déjà quelques années, France-Sire vous avez plongé dans le papier du champion (lire ou relire l'article). Quatrième produit de Taille de Guêpe (">qui a depuis été transférée au Japon à Shadaï Farm, voir les images France-Sire) sa lignée maternelle ne l'autorisait a priori pas à flirter avec les plus riches allocations du monde. Heureusement dans les courses, il n'y a aucune règle absolue et les transgressions sont réjouissantes.
Pour fabriquer Cirrus des Aigles, Taille de Guêpe a rencontré en 2005 un étalon alors totalement obscur, Even Top (voir ci-dessus), qui l'est d'ailleurs resté ensuite. Even Top, s'est révélé un remarquable miler. Il a même failli battre Mark of Esteem dans les 2000 Guinées (Gr.1). Devancé seulement d'une courte tête, il était alors 2ème devant Bijou d'Inde, Alhaarth et Danehill Dancer. Tous les autres sont rentrés comme étalon en fanfare qui a ensuite totalement disparu pendant 4 ans... Puis un Irlandais nommé Ian Hanamy, commerçant aventurier, a acheté le cheval pour quelques pintes et a débarqué avec ce puissant étalon noir comme tout bagage pour conquérir la France en 2003 au Haras des Loges, qui a fait du chemin depuis. Peu après son arrivée, il parvient à revendre son Even Top aux Haras Nationaux. Mais les éleveurs ne veulent pas du grand noir, qui est transbahuté de Sartilly à Châteaubriant en passant par Compiègne et St Martin d'Arcé.
Et c'est en janvier 2005, lors de la 1ère édition du Salon des Etalons du Lion d'Angers, que celui qui était alors une nouvelle recrue s'est présenté au public. Il a attiré l'oeil d'un observateur, Yvon Lelimouzin, qui cherchait un étalon pour sa jument Taille de Guêpe. L'histoire en fut changée.
Yvon Lelimouzin nous a malheureusement quitté en janvier 2015. Nous avions eu le plaisir de rencontrer cet éleveur passionné lors de la légendaire passe d'armes entre son élève et la championne Trêve...
Revivre, avec le film France-Sire complet, le match du Prix Ganay (Gr.1) 2014.
Si Cirrus des Aigles a rapidement montré du potentiel et un tempérament de compétiteur -il a ouvert son palmarès en janvier de ses 3 ans à Cagnes-sur-Mer- le protégé de Corine Barande-Barbe a tout fait progressivement, son entourage respectant son évolution. Au mois d'août 2009, à 3 ans, il vient dans le Maine-et-Loire chercher son premier black-type, le Grand Prix du Lion d'Angers (L). Dans la foulée, retour à Longchamp, pour remporter le Prix du Prince d'Orange (Gr.3) et le Prix du Conseil de Paris (Gr.2). Le hongre, déjà très populaire, va ensuite accumuler bon nombre de succès dans les groupes à 4 et 5 ans mais, le programme étant ainsi élaboré en France, le succès au niveau suprême est presque impossible et c'est à l'étranger que sa carrière va prendre une nouvelle dimension, avec des campagnes où il sera un magnifique porte drapeau. Que ce soit en Angleterre, à Dubai ou en Asie...
Premier groupe 1 pour Cirrus des Aigles, les Champion Stakes à Ascot, en octobre 2011. Les Anglais l'adorent !
Le reportage France-Sire lors de la victoire de Cirrus des Aigles dans la Dubai Sheema Classic (Gr.1), en mars 2012.
C'est donc entre 5 et 9 ans que Cirrus des Aigles a donné tout son potentiel et a offert au public certains des plus beaux moments de notre sport. En France, ses trois Prix Ganay (Gr.1) sont dans toutes les mémoires : si 2014 et le duel face à Trêve fut le plus médiatique, à juste titre (voir le film France-Sire, plus haut), il laissa, en 2012, l'excellente Giofra à 8 longueurs. Et au printemps dernier, la référence Al Kazeem ne put jamais le refaire dans la phase finale.
Et lors de ses meilleures années, le fils d'Even Top en a affronté beaucoup des cracks internationaux...
En 2014, avec Christophe Soumillon, Cirrus des Aigles enchaîne trois succès au plus haut niveau : Prix Ganay, Prix d'Ispahan et, ici, Coronation Cup à Epsom devant Flintshire.
A Ascot, pour son premier sacre dans un groupe 1, Cirrus des Aigles avait mis à la raison So You Think. Un autre représentant prestigieux de Coolmore avait subi sa loi à Meydan, St Nicholas Abbey. Dans le Prix d'Ispahan 2014, Anodin était à plus d'une longueur au passage du poteau et, quelques semaines plus tard, alors que le partenaire de Christophe Soumillon n'était pas au meilleur de sa forme physique, il mit son coeur sur la piste exigeante d'Epsom pour repousser Flintshire (voir la photo ci-dessus).
Et il faut ajouter à ses beaux succès quelques grandes performances soldées par des accessits. Si on peut penser à la deuxième place derrière la Japonaise Gentildonna, lors d'une deuxième tentative dans la Dubai Sheema Classic (Gr.1), la plus célèbre restera, sans aucun doute, la défense de son titre dans les Champion Stakes (Gr.1), à Ascot en 2012 : les tribunes, pleines à craquer, ont un moment cru assister à la première défaite de l'idole Frankel qui a du être sollicité comme jamais pour venir à bout de notre Cirrus des Aigles.
Finalement, l'Asie, et plus présisément Hong-Kong, resteront comme le seul petit échec de sa carrière, car il n'a jamais pu faire mieux qu'une belle troisième place dans la HK Cup (Gr.1) en 2013, alors qu'il a tenté six fois le voyage de fin décembre. Sha Tin restera d'ailleurs comme le théâtre de sa dernière course. En cette fin d'année 2015, Corine Barande-Barbe avait déjà envisagé la décision prise ce week-end... (voir ou revoir le reportage France-Sire)
Encore merci, Champion. Et profite bien de cette nouvelle vie qui commence !
L'interview de Corine Barande-Barbe, juste après la dernière performance de Cirrus des Aigles à Hong-Kong.