Grand Steeple : Willie Mullins, l'homme qui voulait être roi du monde
L'an dernier, Willie Mullins avait sellé un partant dans le Grand Steeple-Chase de Paris, Djakadam, pourtant l'un des meilleurs Outre-Manche, qui n'a jamais quitté la dernière place et terminé dans le lointain. Mais plutôt que de le refroidir, ce waterloo hippique a quintuplé ses ambitions. S'il n'est même pas certain, à travers l'histoire, qu'un entraîneur ait déjà présenté 5 concurrents au départ du Grand Steeple-Chase de Paris, c'est évidemment la 1ère fois pour étranger. Et encore, il en avait engagé 7 et déclaré 6 partants, mais Class Conti a été éliminé pour valeur handicap trop basse, compte-tenu du nombre exceptionnellement élevé de partants !
Mullins tente un pari fou. Si les anglais et irlandais l'ont emporté assez souvent dans les temps anciens, depuis la 1ère édition en 1974 avec la femelle Miss Hungerford jusqu'à Silvo en 1925 en passant par le célèbre Troytown en 1919 (également lauréat du Grand National de Liverpool), ils ne l'ont emporté qu'à une seule reprise depuis presque 100 ans. C'était avec Mandarin en 1962, un succès d'autant plus mémorable que son infortuné jockey avait cassé sa bride dès le début du parcours. Pourquoi les anglais ne gagnent plus ? Sans doute parce les spécialisations de part et d'autres de la Manche ont fait que les steeple-chasers britanniques, qui sautent uniquement des fences identiques et répétitifs chez eux, sont considérablement perturbés par les obstacles tous différents d'Auteuil. Depuis l'exploit de Mandarin, au niveau des Groupes, seuls Ian Williams a gagné le Prix la Haye Jousselin (Gr.1) avec Batman Senora en 2003 et Tom George a remporté le Prix Maurice Gillois (Gr.1) en 2011 avec Halley. Mais s'ils étaient entraînés par des anglais, ces deux chevaux 'FR" ne couraient pratiquement qu'en France, montés respectivement par Cyrille Gombeau et David Cottin.
Willie Mullins, un irlandais déterminé.
A l'inverse, nos éternels rivaux anglophones s'adaptent beaucoup mieux à notre parcours de haies, où ils s'imposent souvent, et notamment Willie Mullins lui-même avec 4 succès dans la Grande Course de Haies d'Auteuil depuis Nobody Told Me en 2003. Et le Prix La Barka, disputé 3 semaines plus tard, n'a plus été gagné par un français depuis 2011 !
La victoire de Baie des Iles, femelle "FR" entraînée en Irlande par Ross O'Sullivan en steeple-chase dans le Prix des Drags (Gr.2) 2018 fut d'autant plus surprenante qu'aucun irlandais n'avait gagné sur les gros obstacles d'Auteuil depuis l'année 1970, lorsqu' un certain Herrin Gull avait enlevé ce même Prix des Drags, sellé par Paddy Mullins, le père de Willie. Entraîneur de légende dans la Verte Erin, Paddy Mullins fut un grand voyageur, lauréat de la Grande Course de Haies d'Auteuil avec la crack Dawn Run en 1984. Son fils a le même esprit. Le 1er irlandais contemporain à tenter sa chance en France, il a aussi brillé aux Etats-Unis et reste le seul étranger à avoir remporté la Nakayama Grand Jump au Japon.
Mais il lui manque un grand succès sur le steeple-chase d'Auteuil. Vainqueur du Prix La Barka l'an dernier avec Bapaume, il fut le premier à féliciter son compatriote Ross O'Sullivan. Mais connaissant le personnage un peu personnellement, je peux vous assurer qu'il bouillonnait intérieurement de faire au moins aussi bien ! Fait du hasard, Baie des Iles a elle aussi été éliminée pour sa trop faible valeur handicap.
Mullins présente donc pas moins de 5 partants. Sa meilleure chance semble être Burrows Saints, jeune sauteur de 6 ans qui reste sur 3 succès et qui sera monté par Paul Townend, son 1er jockey depuis la retraite de Ruby Walsh il y a 2 semaines. Ce "Fr" par Saint des Saints a déjà couru à Auteuil quand il était chez Guillaume Macaire. Au contraire, le vétéran Rathvinden découvrira la Butte Mortemart à 11 ans. Il vient de conclure très bon 3ème du Grand National de Liverpool et ne devrait pas avoir peur du rail-ditch and fence. Ce multiple gagnant de Groupe a une vraie chance, associé à Rachael Brackmore, gagnante de Gr.1 au dernier festival de Cheltenham, qui vient d'obtenir avec lui le meilleur classement pour une femme jockey à Liverpool. Elle pourrait être la première femme à faire l'arrivée du Grand Steeple-Chase de Paris.
Rathvinden, 11 ans, vient de conclure 3ème du Grand National de Liverpool, associée à Rachael Brackmore, la nouvelle star des femmes jockeys.
Ajoutons qu'il n'y a jamais eu autant de jockey anglais et irlandais au départ du ZeTurf Grand Steeple-Chase de Paris, puisqu'il y a Rachael Brackmore, Robert Power, Davy Russel (appelé par Isabelle Pacault pour Carriacou), David Maxwell, Paul Townend, Jonathan Burke et Danny Mullins, auxquels il faut ajouter James Reveley et Felix de Giles, qui vivent en France mais qui sont nés en Angleterre.
Enfin, Mullins est habitué à présenter de larges équipes au départ des grands prix. Dans le Prix La Barka 2018, il présentait 5 concurrents, dont 4 ont échoué radicalement et 1 a gagné. Mi-mars, Willie Mullins sellait 5 partants dans la Gold Cup de Cheltenham qui lui échappait jusqu'alors désespérement. L'un est tombé au 1er obstacle, un autre a été arreté après une série de fautes, un 3ème s'est tué à mi-parcours....et le dernier, Al Boum Photo, lui a offert la victoire tant attendue.