Sea the Stars: album photos et secrets de famille

Toute cette histoire a commencé en Allemagne, dans le Haras de Gestut Schlenderhan, chez les Von Ullmann. Née en 1978, une certaine Allegretta quitte le giron germanique et court en Angleterre sous la casaque d’un certain Bruce Smith. Elle se place 3e d'un Gr.3 préparatoire aux Oaks, puis se retrouve aux ventes de Keeneland aux Etats-Unis, présentée pleine pour la 1e fois de l'obscur Irish Castle. Elle est achetée par Marystead Farm (Michel Henochsberg).

Sea The Stars s'envole devant des yeux ébahis

On dit aujourd'hui que c'est la grande souche des "A" qui comprend notamment Apolonnios (Derby) et Anno (St Leger). Sauf qu'à l'époque, les arguments pour lesquels on vante l'élevage allemand aujourd'hui étaient les mêmes qui servaient à le mépriser. C'est juste le ton qui change: on est donc passé de "trains de marchandises balourds" à "robustesse et solidité"...Le 1e produit d'Allegretta, une femelle nommée Marlene Kelly est restée le mouton noir de la famille, n'ayant jamais rien réussi ni aux courses ni au haras. Parmi les autres, jusqu'à l'avènement de Sea The Stars, un petit fils d'Allegretta, presque tout le monde a accompli des miracles dans ce clan. Sea the Stars est objectivement rentré dans l'histoire. Il est ainsi le seul cheval à avoir réussi le triplé Guinées de Newmarket - Derby d'Epsom - Arc de Triomphe.

Sea The Stars, le héros d'un destin commencé dans l'anonymat

Allegretta : pas un prix de beauté

Physiquement, Allegretta, dont 1 photo d'elle foal en Allemagne a été retrouvée par France Sire, n'attirait pas l'oeil. Assez grande (1,67 m) mais avec une allure commune. Elle était carrossière avec de bons pieds et de grandes oreilles. Elle était alezane, chose guère fréquente pour les chevaux outre-Rhin. Mais son père Lombard et sa mère Antevka étaient eux-mêmes alezans. Bref, Allegretta était une bonne grosse machine allemande, qui s'éteint de sa belle mort à 27 ans en 2005 au Haras d'Etreham.

Allegretta, la grand-mère de Sea the Stars, lorsqu'elle était foal en Allemagne, en 1978

Urban Sea: championne au physique ingrat

Franchement, elle était vilaine...Et il a fallu que Jean Lesbordes soit très inspiré pour faire investir son client David Tsui à hauteur de 280.000 francs pour cette pouliche issue de Miswaki, Urban Sea. Physiquement, elle accumule les défauts. Piquée droit devant, dos carpé, petite mais de l'air sous le ventre, pas de coffre, pas d'encolure. Bref, un exercice de manuel d'hippologie. Ses atouts: une tête fine et intelligente et surtout un punch terrible, une envie de gagner associée à un coeur plus gros qu'elle. Elle a gagné le Prix de l'Arc de Triomphe en 1993, imitée donc par son fils 16 ans plus tard.

Urban Sea, un physique très particulier...

Avant elle, seule Detroit, gagnante de l'Arc 1980, avait donné naissance à un "Arc winner" : Carnegie en 1992. La production d'Urban Sea est incroyable: 4 gagnants de Gr.1, plus 4 sujets de niveau semi-classique. Deux seuls ratés: Sea's Legacy et Atticus, 2 poulains qui n'avançaient pas, et/ou ont des problèmes de santé, et qui n'ont pas couru. Atticus est parti étalon au Qatar.

Stationnée d'abord à Coolmore puis à l'Irish National Stud, où Sea The Stars a été élevé, Urban Sea est morte au printemps en donnant naissance à son 11e produits, un fils d'Invincible Spirit nommé Invincible Sea.

Urban Sea en action: wouah!

Urban Ocean: l'oublié

L'arrivée d'un tel cheval dans le parc étalon français serait aujourd'hui un coup de tonnerre. Car le 1e produit d'Urban Sea a été étalon en France. Mais cet Urban Ocean, fils de Bering, lui-même vainqueur de Gr.3 en Irlande, est passé à travers son destin. Entré en 2002 au Haras du Camp Bénard, il est ensuite allé au Haras de la Huderie. Il n'a pas réussi grand chose et est aujourd'hui installé à Kilbarry Lodge en Irlande.

Urban Ocean, le 1e et sans doute dernier fils d'Urban Sea qui a oeuvré en tant qu'étalon en France.

Melikah: 10 millions

Elle ressemblait à sa mère, ce qui n'était pas un atout pour les ventes. Mais cette Melikah, présentée à Deauville avec le n°7 par le Haras d'Etreham en août 1998, avait d'autres avantages puisque ses 2 parents avaient gagné l'Arc de Triomphe: Lammtarra et Urban Sea. Elle a été le 1e yearling de l'histoire deauvillaise à atteindre le cap des 10 millions de francs, achetée par Gainsborough (Maktoum Al Maktoum). Pour l'anecdote, elle était le tout 1e yearling préparée par un jeune du nom de Mickaël Aubry, aujourd'hui installé à l'Ecurie d'Esque en tant que débourreur pré-entraîneur. Melikah a été confié au tristement mémorable David Loder à l'époque installé à Evry avec les 2 ans de Godolphin. Par chance, elle a lâché de bonne heure et a donc pu se remettre de cette malheureuse expérience à 3 ans. Melikah a été excellente en course, gagnante de listed puis placée des Oaks d'Epsom et d'Irlande. En revanche, elle n'a rien produit de bon pour l’instant.

Melikah, le portrait craché de sa mère Urban Sea, en un peu plus élégant quand même

King's Best: 3,2 millions

Vingt minutes après le passage de Mélikah sur le ring, ce samedi 22 août 1998, son oncle se présente à son tour, lui avec le n°17. C'est donc un fils d'Allegretta, issu du jeune étalon Kingmambo. Il atteint 3,2 millions de francs, déboursés par Saheed Suhail, un ami des Maktoum qui a d'ordinaire une chance inouïe avec les chevaux. King's Best est un "avion", vainqueur des 2000 Guinées. Mais il se blesse grièvement dans le Derby d'Irlande, Fallon devant même l'arrêter en face. On craint pour sa vie mais il a été sauvé et est devenu un étalon de tête en Europe, stationné cette année en France, au Haras du Logis.

King's Best aux ventes de yearlings à Deauville

Galileo: le bon fils

Lui n'est jamais passé au ventes. Fils de Sadler's Wells entré directement dans le giron de Coolmore, Galileo est un cheval parfait. Magnifique, phénoménal en course, il a fait le doublé Derby d'Epsom-Derby d'Irlande avant de montrer un changement de vitesse extraordinaire dans les King George. C'est aujourd'hui un top étalon, père de Rip Van Winkle, New Approach, Soldier of Fortune, etc...Il s'est encore illustré dimanche dans le Prix du Cadran avec Alandi.

Galileo à l'entraînement, associé à Mick Kinane comme le sera son frère Sea The Stars

Black Sam Bellamy: dans l'ombre du grand frère

Propre frère de Galileo, cadet d'un an, Black Sam Bellamy a toujours eu du mal à se sortir de l'ombre de cet aîné encombrant. Moins doué, il a quand même gagné son Gr.1  dans le Tattersalls Gold Cup en Irlande et a conclu 2e du Grand Prix de Baden-Baden. Il a commencé la monte en Allemagne avant de revenir en Angleterre, à Shade Oak Stud. Il n'a pas véritablement percé et fait la monte à 4500 €, soit beaucoup moins que Galileo...

Black Sam Bellamy

My Typhoon: chère mais tenace

6e produit d'Urban Sea issue de Giant's Causeway, My Typhoon était évidemment la vedette des ventes de Tattersalls en décembre 2002 lorsqu'elle y a été présentée foal. En effet, elle a été acquise la coquette somme de 2,9 millions de guinées,  ce qui représentait à l'époque environ 4,5 millions d'euros.

L'américaine Charlotte Webber, propriétaire de My Typhoon (gagnante de Gr.1, fille d'Urban Sea,
soeur de Galileo et Sea the Star) et de jolis bijoux qui qui brillent aussi en Floride

Cette My Typhoon est alors entrée dans la collection de Charlotte Webber, une milliardaire américaine qui a repris l'immense haras de Live Oak Stud, étendu sur 2500 hectares en Floride, et qui comprend un centre d'entraînement, un haras à proprement parler, et aussi un élevage de moutons. Déjà gagnante de Gr.2 à 3 ans, puis à 4 ans, My Typhoon est restée à l'entraînement jusqu'à 5 ans où elle a enfin pu décrocher sa victoire de Gr.1 en 2007. Elle a empoché 1,3 million de dollars, ce qui rend, compte tenu de sa valeur résiduelle, l'opération extrêmement rentable.

My Typhoon

Anzillero, le cousin germain

En 2008, Claude-Yves Pelsy, célèbre éleveur d'obstacle avec son label "d'Airy" installé près de Verdun en Lorraine, a sorti de son chapeau magique un magnifique étalon du nom d'Anzillero. Il avait retrouvé ce cheval sculptural d'1,70 m, gagnant de Gr.1 à Dusseldorf, petit-fils d'Allegretta par Law Society, qui avait commencé la monte dans l'anonymat en Allemagne et en Irlande.

Chez Claude-Yves Pesly, loin de la Floride, à Verdun

Anzillero est un fils d'Anzille, le 2e produit d'Allegretta, qui avait couru sous la casaque de Franck Stronach avant son achat par le haras allemand de Erlenhof. Evidemment, il a rapidement suscité un vif intérêt de la part des éleveurs de l'Est, et même du centre. Ses 1e produits français sont foals.

Anzillero répond aux caractéristiques des modèles à l'allemande

Tertullian: rattrapage pour Schlenderhan

Le Haras de Schlenderhan, le plus ancien et le plus puissant élevage allemand vieux de 150 ans, repris par le Baron Georg Von Ullmann depuis le décès de sa mère Karin à la fin du printemps 2009, a beaucoup perdu avec la vente malheureuse d'Allegretta alors qu'elle était pouliche. Logiquement, les Von Ullmann ont cherché par tous les moyens à récupérer de la descendance de la matrone. Ils ont ainsi acheté à Keeneland en 1994 pour 360.000 $ une certaine Turbaine, conçue par Trempolino à l'époque où il stationnait aux USA.

Le Haras de Schlenderhan en Allemagne, là où tout a commencé

Turbaine avait fait un aller-retour par la France, le temps d'y effectuer sa carrière chez Jean-Claude Rouget et s'y placée de listed sous la casaque de M3 Elevage (Marc de Chambure, Maurice Lagasse et Michel Henochsberg). Repartie à la saillie outre-Atlantique en janvier de ses 4 ans, Turbaine était présentée pleine pour la 1e fois de Miswaki, étalon évidemment choisi pour refaire le croisement qui venait de révéler Urban Sea. Le poulain acquis in utero allait s'appeler Tertullian. Excellent sprinter, quadruple gagnant de Gr.3 dont le Prix de la Porte Maillot, il est le seul de toute sa famille à s'exprimer sur des distances aussi courtes. Tertullian est aujourd'hui un étalon qui marche bien en Allemagne. Dernièrement, on a vu en France son fils de 3 ans Irian se classer 3e du Prix Jean Prat et 4e du Prix Jacques le Marois. Turbaine a bien produit, avec 1 autre gagnant de Gr.3 (Terek) et de listed (Tusculum). En revanche, elle n'a produit  qu'une seule et unique femelle, nommée Tucana, évidemment conservée poulinière.

Tertullian, un physique de sprinter

Anabaa Blue: l'héritage d'Etreham

Le Haras d'Etreham a été au coeur du destin de cette famille en France. De la souche, ils ont aujourd'hui 1 étalon: Anabaa Blue, issue d'Allez les Trois. Assez grand et élancé, pas très "éclaté" dans son épaule, il a été élevé par Etreham et présenté à Deauville en 1999. Ce fils d'Anabaa a été acquis pour 650.000 frances par Carlos Lerner, ce qui n'est pas une forte somme compte-tenu de son pédigrée. Et il a même failli faire un retour à l'envoyeur, accusé d'avoir un genou peu orthodoxe. Finalement, Anabaa Blue est bien parti dans les boxes de Lerner. Deux ans plus tard, ce cheval très combatif a arraché la victoire à Chichicastenango dnas le Prix du Jockey-Club (Gr.1). En fin de carrière, comme un clin d'oeil au destin, il est devenu étalon...au Haras d'Etreham. C'est aujourd'hui le meilleur continuateur d'Anabaa. Il a déjà un fils étalon, Spirit One, installé au Haras de Lonray.

Anabaa Blue lors de sa victoire dans le Prix du Jockey-Club

Allez les Trois: Dubaï Millennium a changé sa vie

Anabaa Blue est le 2e produit d'Allez les Trois, par le grand Riverman, la seule fille d'Allegretta qui ne soit pas passée aux ventes. Sous la casaque du Haras d'Etreham et l'entraînement de Criquette Head, elle s'est imposée dans le Prix de Flore (Gr.3). Elle devient un sujet de la haute finance durant l'été 2001. Alors que son fils Anabaa Blue vient de gagner le Prix du Jockey-Club, l'étalon duquel elle a été testée pleine au printemps vient de mourir. C'est le crack Dubaï Millennium, qui s'éteint au terme de sa seule et unique saison de monte. Ne se remettant pas de sa peine, Cheikh Mohammed Al Maktoum, l'éleveur-propriétaire de Dubaï Millennium, veut acheter toutes les juments qui en sont pleines, et qui ne sont pas déjà à lui...Sachant que ses 1e juments avaient déjà été triées sur le volet, le budget nécessaire est colossal. Allez les Trois est vendue, pour une somme qui permet de passer de belles vacances...Une légende urbaine dit qu'Allez les Trois a avorté. En tout cas, s'il était né, on n'a jamais eu de nouvelles du poulain. Allez les Trois tente de se rattraper depuis. Elle a donné 4 femelles dont 2 gagnants de listed, Reunite (Kingmambo) et Measured Tempo (Sadler's Wells).

Allez les Trois lorsqu'elle remporte le Prix de Flore (Gr.3)

Tamayuz: et oui, lui aussi en fait partie

Il n'est pas souvent rappelé que Tamayuz fait belle et bien partie de cette souche exceptionnelle. Il en est même très proche. Doté d'une robe pourtant guère apprécié, c'est à dire alezan clair, ce pensionnaire de Freddy Head galopait tout en puissance. Il avait même un physique qui aurait pu faire de lui un cheval lourd sans travail. Mais son punch terrible lui a permis de faire 2 démonstrations de suite dans le Prix Jean Prat et le Prix Jacques le Marois. Ce n'est autre qu'un petit-fils d'Allez les Trois. En effet, avant Anabaa Blue, elle avait donné naissance à une certaine Al Ishq, fille de Nureyev, acquise par Hamdan Al Maktoum, toujours aussi pertinent dans ses acquisitions. Elle-même gagnante mais difficile de caractère, elle avait donné 2 pouliches douées chez Freddy Head, Thamarat et Nuqqoosh, qui avait un peu tourné vinaigre à 3 ans. Après la naissance de Tamayuz, Al Ishq est restée en France, pour donner en 2006 Ashaaq (Anabaa), gagnant de 4 courses, et en 2007 Diljah, une fille de Linamix qui n'a pas encore débuté. Espéré en France, Tamayuz est lui parti étalon en Irlande.

Tamayuz dans le Prix Jacques-le-Marois

Alpine Snow, gagnante du Prix Urban Sea

Sa mère a été la vedette des ventes de Deauville, avant de se faire longuement oublier.  Soeur d'Urban Sea par Diesis, alezane dans le type même des femelles de la famille,  Altruiste a fait afficher la somme de 9 millions de francs, investie par 2 associés, Lady O'Reilly et Edouard de Rothschild. Certes, elle n'a jamais courue. Elle a été l'entraînement chez Pascal Bary mais s'y est révélée très compliquée et a été envoyée au haras dès la fin du printemps de ses 3 ans. Elle n'a pas fait de poulains de tout suite mais en 2006, est née enfin une certaine Alpine Snow, fille de Verglas dont Lady O'Reilly possède une part importante.

Alpine Snow lors sa victoire en débutant à Deauville

Placée à l'entraînement par ses éleveurs chez Stéphane Wattel, Alpine Snown a gagné une listed cet été au Lion d'Angers, et pas n'importe laquelle. Elle a en effet gagné le Prix Urban Sea, sorte de Prix de Diane de l'ouest crée et nommé en l'honneur de la championne qui s'était imposée en juillet 1993 sur la piste de l'Isle-Briand, 4 mois avant son triomphe dans l'Arc.