L'histoire de DNA : Eclipse premier, les autres nulle part !

27/09/2019 - Grand Destin
 Vieux de 250 ans mais toujours réputé comme le premier et encore le plus grand champion de l'histoire jusqu'à Frankel, Eclipse a connu une vie extraordinaire dont Thierry Grandsir, l'animateur de DNA Pedigree, se délecte de vous conter les moments les plus croustillants. C'est ainsi pour ce crack, devenu ensuite étalon le plus influent aujourd'hui, qu'a été inventée l'expression "Eclipse premier, les autres nulle part !"


ECLIPSE (m. al. 1764 - 1789), par MARSKE et SPILETTA (REGULUS)

 

 Le dimanche 1er avril de l’an de grâce 1764 fut le jour d’une mémorable éclipse de soleil sur les Iles Britanniques. Le poulain alezan qui naquit à midi ce jour là dans le parc royal de Windsor, où est installé le haras du Duc de Cumberland (William Augustus, un héros de guerre, frère du roi fou Georges III), fut donc baptisé Eclipse. La légende, concernant le meilleur coursier du XVIIIe siècle et ancêtre direct en lignée mâle de 95% de nos pur-sang, était en marche…


 

En vérité, il fallut attendre l’année suivante pour que ce patronyme lui fut attribué, lorsqu’il passa sous le feu des enchères suite au décès de son éleveur, mort sans héritier. Mis en vente à Hyde Park, en plein coeur de Londres, il fut alors adjugé pour 75 Guinées à William Wildman, un marchand de bestiaux qui lui offrit de poursuivre sa croissance sur les landes d’Epsom et des alentours. Durant cette même vacation, le Chef de Race Herod changea de main tout comme Marske, le père d’Eclipse, acquis pour une somme ridicule par un fermier du Dorset qui le destina à la production de poneys New Forest. Racheté plus tard par William Wildman, Marske se classera étalon tête de liste des pères de gagnants en 1775 et en 1776 en Angleterre.

Du côté maternel, Eclipse était le deuxième foal de Spiletta, une pouliche qui termina dernière lors de son unique sortie publique mais qui avait pour géniteur le très influent Regulus, un fils de Godolphin Arabian invaincu en courses qui se classa huit fois tête de liste des pères de gagnants.

Inbred 3x4 sur la jument au nom impossible de Sister to Old Country Wench et en 4x5x4 sur Snake, cheval nommé ainsi pour avoir subi la morsure d’un serpent dans son jeune âge, Eclipse était un cheval de belle taille (1,65 m) à la silhouette fine avec une longue liste en tête, une balzane haut chaussée au postérieur droit et des charbonnures sur la croupe. Fort noble et distingué, il avait un long balancier, une superbe épaule et des membres solides et puissants. Fait en descendant (plus haut derrière que devant), il avait la particularité de galoper tête basse.

 


Fait en descendant, avec une arrière-main plus haute que l'avant-main, Eclipse galopait tête basse.

 

Sans jamais faire preuve de vice, Eclipse possédait par contre un caractère des plus ombrageux, qu’il manifesta dès son plus jeune âge. A tel point qu’il fut même question de le castrer… Son débourrage s’avéra plus que délicat en raison de son mauvais vouloir grandissant, et c’est en le travaillant très dur, jour et nuit, que son entourage finit par le recadrer…

Sur les pistes, Eclipse était tout simplement phénoménal : solide et doté d’une vitesse fabuleuse et d’une vigueur légendaire, il demeura invaincu en 18 sorties, remportant ses courses par plusieurs dizaines de longueurs en ignorant ses adversaires sans jamais avoir besoin de s’employer, et sans jamais connaître la cravache. C’est ainsi qu’il débuta à 5 ans, le 3 Mai 1769, dans le Prix des Nobles et des Gentlemen à Epsom pour y triompher sans peine sur deux heats de 6.400 m. C’est là qu’intervint l'intrépide capitaine irlandais Dennis O’Kelly, qui acheta la moitié du cheval avec les gains de son drôle de pari gagnant : « Eclipse premier, les autres nulle part ! ». A l’époque, un cheval devancé de plus de 240 yards était déclaré arrivé nulle part, et c’est l’humiliation qu’Eclipse infligea à ses adversaires ce jour là lors du second heat !

Pour résumer l’impression laissée par Eclipse lors de ses galops, une turfiste déclara : « J’ai vu passer à une vitesse incroyable un cheval jaune avec une jambe blanche, puis plus loin des chevaux qui couraient derrière lui en sachant très bien qu’ils ne le rattrapperaient jamais ! ».

 

 

S’ensuivirent dix-septs succès tout aussi aisés jusqu’à l’âge de 6 ans, dont de nombreux walk-over (courses réduites à un seul partant, personne n’osant plus l’affronter). Faute d’adversaires, Eclipse entra à 7 ans au haras où il devint un étalon de premier plan, père de trois gagnants de Derby et d’une lauréate des Oaks et père de mère de onze vainqueurs classiques. S’il ne fut jamais tête de liste des pères de gagnants, il se classa toutefois deuxième durant onze années consécutives !

Eclipse disparut à 25 ans, le 26 février 1789, des suites d’une crise de coliques. Sa dépouille attira tous les scientifiques du pays, et fut auscultée et mesurée sous tous les angles. On découvrit ainsi que son cœur pesant 7 kilos était deux fois et demi plus gros que celui de ses contemporains. Ses sabots, ornés d’or, furent transformés en encriers de luxe ou en gobelet, dont un fut offert au Roi d’Angleterre en personne. Mais au total, nous avons retrouvé la piste de … cinq sabots supposés être ceux d’Eclipse !

 


POT 8 O’s (m. al. 1773), le fils d’ECLIPSE le plus influent en lignée mâle)

 

 Les descendants d'Eclipse établirent la dynastie la plus importante et la plus vivace de la race pure : si les branches établies par Mercury et Joe Andrews ne sont plus représentées aujourd'hui, celle de King Fergus (ancêtre de St Simon) et surtout celle de Pot 8 O's (d'où StockwellTouchstone  et Isonomy) occupent une position dominante aujourd’hui.

Pot 8 O’s, drôle de nom n’est-ce-pas ? En fait, l’éleveur du poulain avait demandé à son palfrenier d’écrire sur sa mangeoire le nom Potato qu’il avait choisi de lui attribuer, mais l’homme écrivit Potoooooooo (soit « Pot »suivi de huit « o » = « pot eight o », qui se prononce comme potato en anglais). Ce nom fut finalement conservé, non sans humour !

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