Jacques Remiat : la légende de "la globule" noire
On ne pouvait pas le manquer quand il était starter officiel des courses dans les années 90 et au début des années 2000 sur les hippodromes de Chinon, Tours, La Roche-Posay et bien entendu Saumur, sa patrie d'adoption. Cette ancienne star du cadre noir donnait ses départs en DS ! En effet, Jacques Remiat prenait sa propre voiture de collection, la mythique Citroën DS (la même que le Général de Gaulle ou Jacques Chirac) pour traverser les pistes et se rendre aux élastiques. En tant qu'officiel, il ne craignait pas les voleurs de départ, les jockeys les plus retords tels Noël Graux, René Bouteloup ou autre Maurice François, mais plutôt les dormeurs trainant à l'arrière auxquels il répètait : " prenez votre place de cinéma car je ne lâcherai pas 2 fois."
Il était surnommé "la globule" en raison de sa petite taille. Dans la langue spécifique du corps de cavalerie de l'armée, on disait de lui qu'il était "gabarit". C'est à dire que son physique et son poids lui permettaient, en plus de ses fonctions au sein du Cadre Noir, de monter sans distinction en courses et en concours complet, en alignant souvent plusieurs disciplines dans la même semaine. Facile à reconnaître dans un parcours : l'équilibre, la fluidité, la position, le style d'un grand jockey, chaussé d'ailleurs assez court pour l'époque, même quand il devait monter en tunique et képi !
Particulièrement fin pilote, il était même appelé pour monter des courses en civil, face aux jockeys professionnels par les entraineurs les plus prestigieux de l'époque, comme Jean Couétil et René Couétil, mais aussi Raymond Godard puisqu'il était 1e monte pour la casaque de M. de Carville. Titulaire de sa 1e victoire à Limoges à l'âge de 17 ans en selle sur La Réole, Jacques Rémiat a gagné 150 courses militaires, mixtes et civiles, dont à Craon, Saumur, Le Lion d'Angers et les principaux hippodromes du grand ouest. Son champion s'appelait Morbleu, avec lequel il remporta de nombreux grands cross. Sportif, il avait remis un cavalier en selle au Lion d'Angers, ne regrettant son geste qu'après le passage du poteau quand le jockey sauvé avait battu son sauveteur.
Seul un autre cavalier militaire fut capable d'atteindre un tel niveau, le fameux Colonel Bernard Marlin, son contemporain et rival en courses comme à la course. Le Colonel était un haut gradé sorti de Saint-Cyr. Devenu Capitaine, Jacques Rémiat était lui sorti de nulle part. Entré à l'armée comme simple soldat, il fut l'un des rares à devenir officier en partant de zéro, comme un "officerang". Entré dans l'armée en 1954, puis au Manège en 1957, il abandonna cette place convoitée pour partir en Algérie jusqu'en 1961, puis n'a plus quitté le Cadre Noir jusqu'en 1981. Il donna ensuite les départs de courses, dépassant quelque peu la limite légale de 75 ans...
Avec son crack Morbleu
Responsable de la mise au point des sauteurs au Cadre Noir, appelés comme cela non pas parce qu'ils sautent des obstacles mais parce qu'ils accomplissent des figures aériennes, il a signé des records du genre grâce à son crack Urtu, avec qui il a enchaîné 8 cabrioles (figure rarissime à réussir au moins une fois...) sur une seule largeur de manège. Pour l'encourager, Jacques Rémiat disait à son cheval en montant: " tu vas avoir le diable sur le dos ! "
Ami proche de Martine et François de Beauregard (ancien écuyer en chef du Cadre Noir), les parents de Donatien de Beauregard, il avait reçu un bel hommage avant son décès des suites d'une longue maladie à 87 ans : " il a servi le Cadre Noir sans attendre d'autres récompenses que celle de savoir qu'il faisait un beau métier. La dernière course qu'il a vu à la télé a été la victoire de Pat du Pont le 12 juin à Toulouse, sous l'entrainement de Donatien".
Féru d'histoire, Alain Peltier, le préisdent de l'hippodrome du Lion d'Angers, précise : " Au cours d'un déjeuner à Durtal voici un an et demi, la conversation roule à table à propos d' exploits originaux sur les hippodromes autrefois. J'évoque celui de NUIT BLEUE du père TESSARD sur l'hippodrome de CRAON en 1965. La jument avait gagné l'édition 1963 du Grand Steeple, terminé seconde en 64 (alors qu'elle était pleine) et était tombée dans une épreuve 1965 émaillée de nombreux incidents. Le chroniqueur de l'époque du Courrier de l'Ouest (Angibout) signale qu'elle fut remontée par" un cavalier en civil "pour prendre la quatrième place. L'un des convives, officier en retraite, me dit qu'il sait parfaitement qui est ce cavalier et me recommande d'appeler le capitaine Rémiat en train de participer à la préparation d'un méchoui pour des retraités de Saumur. Le capitaine, surpris de cet appel, se remémore avec beaucoup d'émotion cet épisode particulier et me dit que voyant que le jockey S. Maillet souffrait d'un poignet fracturé, il n'avait pas hésité à bondir des tribunes pour rattraper la jument et repartir avec connaissant ses qualités de sauteuse pour finir le parcours à distance des autres concurrents ! Cette performance souligne sans doute les qualités de discrétion de l'intéressé mais certainement aussi ses qualités de cavalier pour ne pas hésiter à affronter en solitaire un parcours réputé parmi les plus difficiles de l'hexagone... "