L'histoire de DNA Pedigree: Anilin, le champion soviétique
Anilin (m. b. 1961), par Element et Analogichnaya (Agregat)
Le sigle CCCP ne signifie pas Cheval de Course Champion en Plat, ce que notre cruel manque de culture nous a longtemps laissé imaginer, mais bien URSS (Union des Républiques Socialistes Soviétiques), la patrie du plus grand coursier de tous les temps, élevé en Russie : Anilin.
Anilin est né en 1961, comme un certain Northern Dancer d’ailleurs, mais à Voskhod Stud près de Krasnodar dans le sud de la Russie. Sa conception est simple à résumer : son père Element avait remporté treize victoires dont le Derby local et sa mère Analogichnaya, Championne de sa génération à 3 ans et gagnante des Oaks russes, avait même accroché une place de deuxième dans ce même Derby, un an après lui. Un croisement classique, à vocation clairement classique.
Et un pedigree reposant sur des bases bien françaises : la lignée mâle de Massine, un vainqueur du Prix de l’Arc de Triomphe (Gr.1) et de l’Ascot Gold Cup (Gr.1) ; un grand-père français, Etalon Or, troisième du Grand Prix de Paris (Gr.1) de Pharis II ; et une sixième mère française, Hungaria, propre sœur du vainqueur du Prix du Jockey Club (Gr.1) Ragotsky et sœur utérine de la Championne Semendria, lauréate du Prix de Diane (Gr.1)…
Element, vainqueur du Derby Russe neuf ans avant son fils Anilin…
Boîteux de façon récurrente dans son jeune âge, Anilin fut de ce fait entraîné de façon légère, et c’est sans le moindre galop préparatoire qu’il débuta en compétition à 2 ans, saison conclue par 3 victoires en 5 sorties dont le Kalinin Memorial, l’équivalent de notre Grand Critérium. Notons qu’il connut la seule défaite radicale de sa carrière suite à un changement de monte : Anilin expliqua clairement ce jour-là qu’il n’accepterait jamais personne d’autre que son entraîneur Nikolay Nasibov sur son dos !
A 3 ans, Anilin aligna 4 succès en autant de tentatives à Moscou, de 1600 à 2400 m, dont le Bolszoj Vserossijskij Priz (Soviet Derby). Le tout en faisant preuve de tant de classe, de vitesse et de tenue que son entourage décida de lui offrir une carrière internationale : le premier essai fut un coup de maître avec un déplacement victorieux à Berlin-Est dans la Socialist Countries Cup, puis à Cologne dans le Robert Pferdmenges Rennen.
Malgré la guerre froide, Anilin reçut une invitation des USA pour courir le Washington DC International, à Laurel Park. Impossible de se dérober, et le cheval traversa l’Atlantique pour prendre une très belle place de troisième derrière les Champions Kelso et Gun Bow, mais devant les classiques européens Belle Sicambre, Veronese et Biscayne. Deux ans plus tard, seul Behistoun parvint à devancer Anilin dans cette course.
La suite devait passer par Longchamp, et son Prix de l’Arc de Triomphe. Sauf que le propriétaire ne disposait pas des devises nécessaires pour concrétiser le projet… On fit donc appel à l’ambassade Soviétique à Paris pour s’apercevoir que, suite aux victoires des trotteurs Apex Hanover et Granit en début d’année à Vincennes, l’ambassade disposait d’un trésor de guerre de £18,500 … dont profita Anilin pour courir l’Arc !
Anilin se rend au départ du Prix de l’Arc de Triomphe en 1965
Malgré un trajet routier de 3400 km mais fort de 3 victoires en autant de sorties à 4 ans, Anilin s’aligna au départ de l’édition 1965 de l’Arc dont il conclut cinquième avec les honneurs, derrière l’intouchable Sea Bird mais devant l’ennemi américain Tom Rolfe. Il confirma son statut de Champion en ridiculisant l’opposition par 4 longueurs lors de sa sortie suivante, le Preis von Europa (Gr.1), épreuve qu’il remporta également en 1966 et en 1967. Un triplé historique, jamais égalé depuis !
Avec 22 victoires en 28 sorties, Anilin entra au haras en 1968 à Voskhod Stud où sa production se révéla classique. Quinze de ses fils officièrent au haras pour devenir, en très grande majorité, classiques à leur tour. Un patrimoine génétique partagé, sans doute un effet du collectivisme ?