Rouget, de l'athlète aux vedettes
Ce champion de Bretagne est pourtant né en Normandie. En effet, il a vu le jour en août 1953 à Lisieux, à quelques kilomètres de Saint Pair du Mont, l’élevage de Monsieur et Madame Stern, Jean et Claude, qui est alors dirigé par son père de 1952 à 1967. Ce rôle de directeur de haras joué par son père Claude reste d'ailleurs méconnu du grand public. Le jeune Jean-Claude fait son 1e canter à 14 ans sur la piste de Senonnes avec une jument nommée Pim Pam. Le lycée, il le passe à courir les médailles.
A 19 ans en 1972, Jean-Claude Rouget est en tête au Stade Charlety, à Paris. Il est champion de Bretagne du 1500 m.
Puis, il pense à son métier. Non pas en tant que pilote, car ses 5 tentatives en tant que gentleman rider lui ont fait comprendre que là n'était pas son sport. Il souhaite a priori s'installer à Chantilly, mais passe un bac technico commercial à Laval et entame une série de stage qui vont changer sa façon de voir les choses, comme il confiait à la revue l'Actualité Hippique en 1987 : "Je suis allé à Chantilly où Olivier Nicol m'a trouvé une place chez Jean-Michel de Choubersky du temps glorieux de Virunga et des fantastiques pouliches des bleues Wildenstein. L’hiver, qui est la saison morte à Paris, je descendais en Béarn avec le personnel et l’effectif de mon père, c’est ainsi que j’ai pu savourer les charmes de la vie paloise, apprécier les équipements du Sud-Ouest. A l’époque, Pierre Sobry, qui fut ensuite assistant chez Olivier Douïeb, et quelques autres composaient l’encadrement d’un effectif de qualité : souvenez-vous de Pencha, Le Casse, Le Maraudeur…."
Tout a basculé au contact de Freddy Palmer, lorsque l’écurie, en plein boum, vivait des heures de gloire, avec la présence de grands propriétaires japonais, celle aussi de Iron Duke. Mai j’ai aussi goûté aux traditions anglaises chez Ian Balding, et tout bien réfléchi, au bout de deux années de doute, j’ai décidé que le contexte courses de province était plus dans mon genre. Non seulement, cela me paraissait sympa en comparaison avec le stress de la capitale, mais les structures du Sud-Ouest, les allocations plus importantes que celles de l’Ouest, la cohérence du programme constituaient un outil de travail performant. La décision s’est faitr du jour au lendemain, alors là, c’est exact que mon père a incité certains de ses clients à m’envoyer un cheval."
28 ans plus tard, Jean-Claude Rouget remporte son 15e Gr.1 e tant qu'entraîneur de chevaux de courses,
avec Behkabad dans le Grand Prix de Paris 2010.
Finalement, le jeune Jean-Claude prend sa licence à 25 ans, en 1978, et descend à Pau. La suite prouvera qu'il sait se débrouilller tout seul, sans l'aide de son père, pourtant à la tête d'une écurie de top niveau provincial, en obstacle mais aussi en plat. Jean-Claude démarre en obstacle, avant de se consacrer entièrement au plat à partir de 1993.
1e victoire pour son 1e partant !
Que de chemin parcouru depuis les 14 victoires de sa première année, 6 en plat, 8 en obstacles. Son 1e partant est un coup de maître ; l’essai est transformé à Pau le 8 février 1978 dans une course de haies à réclamer avec une pouliche de 4 ans, transfuge de l’écurie de son père. Montée par Philippe Boisgontier, cette Bonne Alliance appartient à Mme Georges Wegliszewski, le futur éleveur de Celtic Arms (Prix du Jockey-Club 1994). Le 18 mai suivant, l’écurie ouvre son palmarès en plat à Eauze avec Fleur du Soleil, une pouliche de 2 ans, par l’étalon en vogue du Sud-Ouest, Montfleur, montée par Laurent Pinaud et appartenant à Mme Gérard Laboureau. Dans la foulée, Genèse remporte la 2e victoire à Grenade sur Garonne dans un handicap. C'est le début d'une série.
Claude Rouget, le patriarche, doyen des entraîneurs français, disparu en peine exercice de son métier
le 12 novembre 2009, à 80 ans.
3 Grand Prix de Pau en 6 ans
C’est tout naturellement en obstacles, en remportant le Grand Prix de Pau 1982, que Jean-Claude Rouget selle son premier gagnant, dit classique, Jaccoud (à Pierre Sicot). Il rééditera dans ce même Grand Steeple, en 1984 avec Lucas (Claude Gour) et en 1987 avec Jemirkhan (Jean-Pierre Rios). Aujourd'hui oubliée, cette passe de 3 Grand Prix de Pau en 6 ans avec 3 chevaux différents reste un exploit.
Les doigts dans la prise classique
En 1988, à Bordeaux et Toulouse, l’écurie fait mouche en remportant les deux Derbies du Sud-Ouest pour Claude Gour avec Lucky Ship et Century Port (rouge, un losange, manches et toque blancs). Jean-Claude Rouget est titulaire, à ce jour, de 10 Derby du Midi et 12 Derby du Languedoc. En 1989, il selle son premier partant (Cut My Heart) en plat dans un groupe parisien, le Prix Robert Papin (Gr.2) dominé par les pouliches, Ozone Friendly, Zinarelle et Mill Lady. C’est le 19 octobre 1991 qu’il obtient son premier succès dans un Groupe en plat, le Prix André Baboin (Gr.3) (Grand Prix des Provinces) au Bouscat avec Flanaghan Cocktail monté par Philippe Dumortier et portant les couleurs de Jean-Michel Lorca, l’un de ses premiers propriétaires.
Jean-Claude Rouget a fait tomber le record du terrifiant sphinx de Chantilly, François Mathet
Il a fait tomber le record de Mathet
A ce jour, le compteur affiche 64 Gr.2 ou 3. En 1991, avec 180 victoires, Jean-Claude Rouget dépasse le record détenu par François Mathet depuis 1972, qui était de 173, et il atteint, en 1994, le record fabuleux de 242 victoires. A la fin de l’exercice 1992, il comptabilise déjà plus de 1.400 victoires dont 338 en obstacles avec un coup de 5 dans la réunion du 30 janvier 1985 à Pau. Vainqueur du derniuer Grand Prix de Paris, Behkabad permet également à Jean-Claude Rouget de remporter son 15ème Gr.1 depuis ses débuts en 1978 et après les premiers succès de Millkom (par Cyrano de Bergerac) en 1994 à Longchamp dans le Prix Jean Prat, couru sur 1.850 m. le 29 mai, puis dans le Grand Prix de Paris, un mois plus tard sur 2.000 m., tous les deux montés par le toujours jeune Jean-René Dubosc. L’élève de Jean-Claude Gour avait réussi l’exploit de triompher dix fois consécutivement avant son échec du Prix de l’Arc de Triomphe de Carnegie. En France, seuls Texana et Brantôme avaient fait mieux avec 11 succès.
Millkom, le 1e champion parisien de Jean-Claude Rouget
Le poteau longtemps inaccessible de Chantilly
Star of Akkar, portant une casaque du Sud-Ouest, celle de la Mise de Moratalla, sera sa première pouliche classique. Elle s’adjuge les Prix Vanteaux, Chloé, de la Nonette et terminera seconde du Prix de Diane battue par une casaque princière, celle de Daryaba, La casaque rouge sera également portée quelques années plus tard par Coroner (Prix Hocquart, 3e Prix du Jockey-Club). Coquerelle, Ask For The Moon, Germance, Silverskaya, Mauralakana, Danzon, Luna Kya, Viane Rose, Just Little, Homebound et cette année Joanna, Zagora, Lily of the Valley et Keratiya sont les autres atouts femelles du maître palois.
Les propriétaires affluent de tous horizons et viennent grossir ceux de la 1ère heure (la famille Gour, le docteur Bousquet, l’écurie Farès). Au risque d’oublier quelques noms, je préfère ne citer que les derniers arrivants, Hervé Morin (Literato), Gérard Augustin-Normand (Le Havre), Michael Tabor (US Ranger) et les américano-canadiens, Nelson Radwan, Edmund Gann, Morgan Firestone, Joseph Allen, Martin Schwartz…sans oublier Gary Tanaka, le futur propriétaire de Millkom et les "plutôt" trotteurs Michel Roussel, Jean-Pierre Dubois et Lucien Urano (Ecurie des Monceaux).
Star of Akkar, la 1e pouliche dite "classique" pour l'écurie Rouget
La bien belle année 2009
L’année 2009 restera comme celle de tous les records avec 6 Gr.1 dont le doublé Prix du Jockey-Club (Le Havre) et Prix de Diane (Stacelita devant Tamazirte) qui n’avait plus été réalisé depuis 1956, les deux premières places de la Poule d’Essai des Pouliches (Elusive Wave et Tamarzite), le Prix Saint-Alary et le Prix Vermeille (Stacelita) et le Prix d’Ispahan (Never On Sunday).
L’année 2010 voit arriver un nouveau propriétaire, Hamdan Al Maktoum avec sa dernière trouvaille, la pouliche Joanna, achetée à l’issue de sa 3e place dans le Prix Marcel Boussac. Elle s’impose dans les Prix de Sandringham (Gr.2), Imprudence et la Porte Maillot (Gr.3). Le premier groupe pour 2 ans, le Prix du Bois (Gr.3) est l’apanage de Keratiya, propriété de S.A. Aga Khan.
Le Havre offre enfin son 1e Prix du Jockey-Club à Jean-Claude Rouget en 2009
Cap sur les 5000 victoires !
Les victoires s’amoncellent au gré des années : 2.000 victoires à son compteur en 1997, 3.000 victoires en décembre 2002, 4.000ème victoire en plat en France lors de la réunion du 24 octobre 2007 à Marseille dans le Critérium de Provence avec Anacarde pour Antonio Caro et monté par Ioritz Mendizabal. Le fils de Anabaa Blue s’imposera à 3 ans dans le Prix Maurice Caillault (L.) devant Court Canibal. La 4.000ème victoire, plat et obstacles confondues, intervient le 25 mars 2006 à Toulouse grâce à Mezel appartenant au Docteur Robert Bousquet. Au soir du feu d’artifice du 14 juillet, l’écurie paloise totalise 4.908 victoires dont 4.570 en plat en France. Le totalisateur ne tient pas compte de sa victoire dont Jean-Claude n’est pas peu fier, celle de Literato sur la ligne droite de Newmarket dans les Champion St. 2007. Au nombre de victoires, François Mathet avait totalisé 27 titres (de 1956 à 1982). Jean-Claude est tête de liste depuis 1990, sans discontinuer.
En compagnie de l'Aga Khan et de la Princesse Zahra, autour de Keratiya qui vient de remporter le Prix du Bois (Gr.3)
"Mon fils, tu as enfin gagné une course !"
On n’est jamais mieux servi que par soi-même. Jean-Claude Rouget a fait mentir le dicton. Le premier succès de ses couleurs (orange, bande et toque gros-bleu) remonte au 31 octobre 1993 avec Quinola à Tarbes, une pouliche entraînée, non pas par lui-même mais par Didier Soubagné.
Ses couleurs évolueront puisque depuis plus d’un an les élèves de Jean-Claude portent les anciennes couleurs prestigieuses et classiques de Monsieur Jean Stern (blanche, étoiles bleu-clair, toque gros-bleu). Le 25 septembre 2005, à Morlaix en Bretagne, une petite pouliche grise nommée Traicy s'impose en débutant sous ses couleurs orange, et sous les yeux de son entraîneur...Claude Rouget. Toujours plein de malices, ce dernier demande à son épouse: " Tu peux appeler ton fils et lui dire qu'il a enfin gagné une course ! "