La Nation arc-en-ciel ou presque, 1ère Partie

05/07/2013 - Grand Destin
Un France-Sirien (assimilé) découvre l’Afrique du Sud autour du Durban July Handicap – carnet de voyage.
Bienvenue
 
Dans une ambiance climatisée à souhait, confortablement installé dans son fauteuil en cuir, un sérieux gaillard affichant au moins le quintal semble à la fois sérieux, apaisé, déterminé à passer rapidement à autre chose et très concentré sur un sujet qui semble lui importer. Le regard fixé vers l’horizon, il sort subitement de ses pensées pour ouvrir avec vigueur son journal. En première page, une sombre histoire d’exhumation barre la couverture du tabloïd. Une photo et un nom sautent aux yeux. Mandela. Non pas « madiba » qui finit sa vie péniblement à Pretoria, mais son celui de son petit-fils qui vient alimenter la chronique de la mort de l’idole de tout un peuple en exhumant les corps de trois enfants du père de la Nation pour les rapatrier dans leur village d’origine. Sympa comme histoire, non ? Je viens d’atterrir en Afrique-du-Sud et la première image qui m’est donnée d’observer, c’est donc ce journal macabre et cet homme sur son immense fauteuil : il est en train de se faire cirer les mocassins. Le cireur est noir.
 
 
Noir et blanc
 
Dans mon esprit, l’idée de « Nation arc-en-ciel » en prend aussitôt un sérieux coup à la croupe. Heureusement, après cette escale au gout particulier, me voici arrivé à Durban où avant même l’accueil froid comme la glace de la douanière (ça c’est franchement universel), de charmantes hôtesses métisses offrent aux arrivants un pack à l’effigie du sponsor du Durban July Handicap, raison de ma venue à l’extrémité du Continent noir. Quelle belle initiative ! Offrir aux touristes une idée de sortie potentielle alors qu’ils viennent d’arriver sur le sol sud-africain. Il y a même un clip qui vante les bienfaits d’une sortie excitante entre amis aux courses ! Ah, ça va mieux.
 
Ou presque ! Après la douche de l’arrivée, c’est l’orage tropical qui me retient au cœur d’une demeure (merci à mes hôtes) où de forts, très forts, vraiment très forts accents coloniaux résonnent sur les murs blancs comme neige et sur les pales des ventilateurs boisés. La fatigue de treize heures de voyage aidant, les fantômes des serviteurs (ou esclaves, c’est au choix) ayant « vécu » ici ma sautent au visage. L’histoire tortueuse de ce pays ne peut s’effacer à coup de bonnes intentions et d’une coupe du monde de Football réussie. Drôle d’ambiance, en cette soirée d’orage. Pour couronner le tout, j’apprends que pour la 1ère fois de l’histoire du Tour de France, un coureur africain vient de revêtir le Maillot Jaune. Il est Sud-Africain. Et blanc. 
 
Demain, au réveil, il sera l’heure d’aller voir les chevaux. Chouette !
 
 
Pomodoro, cheval tenant du titre de la Durban July
 
 
 
A cheval !
 
Dès potron-minet, la troupe internationale et hétéroclite de journalistes invités quitte sa base arrière pour rejoindre le centre d’entraînement de Clairwood. C’est ici, sur des hectares dédiés à l’entraînement le matin et aux courses une fois par semaine environ, cloitrés entre une zone industrielle et la voie rapide de Durban et dont la fermeture est programmée avant l’année prochaine, que le tenant du titre de la course la plus importante du Continent est entraîné : Pomodoro. Ce beau bai âgé de 4 ans va défendre sa couronne samedi. Mais il sera battu. Ça s’entend pratiquement dans la voix de son entraîneur Sean Tarry.
 
 
Sean Tarry, l'entraineur de Pomodoro
 
 
Mais Pomodoro pourrait être relayé par l’un de ses trois compagnons d’écurie entraîné par ce quadragénaire Sud-Africain, blanc et venu au métier de préparateur de coursiers par la porte turfiste. Il a aujourd’hui 160 chevaux sous sa coupe, préparés chaque matin par une trentaine de cavaliers d’entraînement. Tous noirs. Au moins, eux sont actifs. Le matin, sur le trajet, le désolant spectacle de personnages errants sur le bord de l’autoroute n’avait pas arrangé la carte postale instantanée que je me fis de la situation sociale de l’ancien pays de l’Apartheid. S’ils prennent les mêmes bus et les mêmes trains, s’ils peuvent faire leurs courses dans les mêmes supermarchés, s’ils peuvent exprimer leur préférence politique dans les mêmes bureaux de vote, les destins des blancs et noirs sud-africains sont encore bien éloignés. Tout laisse à penser que le chemin à parcourir par le pays est encore long.
 
Bien sûr, les temps ont beaucoup changé depuis 1966, année d’ouverture du centre d’entraînement de Summerveld, situé au cœur des collines de l’Ouest de Durban. Sorte de Grosbois à la mode pur-sang et sud-africaine, le site étendu sur 400 hectares, fêtera très prochainement ses 50 ans d’existence comme l’a fait son « équivalent » franco-trotteur. Ses initiateurs n’ont pas manqué de vision en installant ici il y a un demi-siècle une grosse vingtaine d’établissements, loués par des entraîneurs qui jouissent d’un environnement privilégié et d’infrastructures parfaitement entretenues. Le patron des pistes, Tony Rivalland, qui ne cesse de faire référence aux sites européens, n’héisite pas à rappeler que Mike De Kock en personne est installé ici et que sa réussite internationale est la fierté des locataires (encore comme à Grosbois, les organisateurs des courses sont propriétaires des lieux et les entraîneurs des locataires).
 
 
Vue du centre d’entraînement de Summerveld ...
 
 
Le site accueille aussi l’académie des jockeys. Car, si les cavaliers d’entraînement ont leur avenir bien dessiné, certains jeunes rêvent de percer et pourquoi pas épouser la carrière de jockey professionnel. Ascenseur social à grande vitesse, le métier de pilote hippique offre à des jeunes noirs des opportunités auxquelles leurs parents et encore moins leurs grands-parents n’auraient jamais pu envisager. C’est le cas de S’Manga Khumalo, seul jockey noir engagé samedi dans la grande course et associé à Heavy Metal, 4 ans, fils de Silvano et entraîné sur le terrain vague de Clairwood par Sean Tarry. Vous savez qui je vais encourager ?
 
 
... et de celui de Clairwood
 
 

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