L'étude : les chevaux d'obstacle deviennent-ils de bons étalons ?
Saint des Saints, parfait symbole de la mouvance des étalons d'obstacle : vedette d'Auteuil, étalon star en Europe et aujourd'hui père de pères.
Pour de multiples raisons, très peu de sauteurs deviennent ensuite étalons. Néanmoins, après avoir constaté de façon empirique la réussite de ceux-ci au haras, il fallait faire une étude statistique plus poussée...Dans la pratique, conserver un cheval entier en obstacle tourne souvent à la galère, parce qu'il faut l'isoler pendant ses périodes de repos, parce qu'il prend souvent un caractère marqué qui ruine sa carrière dans le temps, parce que les frottements des obstacles avec les testiculaires sont très douloureux...
Du point de vue stratégique, auparavant, sauf exception, on n'avait pas vralment idée de fabriquer des étalons sauteurs car cela n'intéressait personne. Le cas de Wild Risk restait de l'ordre de la belle histoire. Presque seuls les Haras Nationaux, avec notamment le cas du formidable Pot d'Or, rentraient des sauteurs dans leurs effectifs, pour conserver l'esprit de robustesse et de génétique obstacle qui faisaient leur marque de fabrique. Quelques cas privés très particuliers ont aussi existé dans le centre, avec le demi-sang Italic, champion de Luc Cacquevel gagnant à Auteuil et père ensuite de The Felllow et Al Capone II. On constate que les occasions furent rarissimes mais les résultats très souvent probants. Néanmoins, à l'époque, les éleveurs d'obstacle cherchaient "la classe de plat" et craignaient de faire des trains de marchandises avec des étalons d'obstacle s'ils les croisaient à leur jumenterie, souvent assez lourde surtout dans la Manche ou la Saône-et-Loire.
Kapgarde à Auteuil
Tout a changé dans les années 90, comme par hasard en parrallèle de la montée en puissance du marché des sauteurs vers l'Angleterre. Non seulement les Haras Nationaux ont très bien réussi avec Dom Alco et Lute Antique tout en échouant avec le décevant Kadalko, un tracteur), mais Cyborg montrait la voie chez les étalonniers privés. Il a précédé chez Alain Brandebourger le formidable Villez, mort jeune mais tête de liste.
L'homme qui a fondamentalement changé les mentalités reste Guillaume Macaire. Le maître entraîneur martèle la même théorie depuis ses débuts, et il est devenu bien sûr plus audible quand il s'est installé à la tête de sa discipline, incontesté maître de l'obstacle depuis 20 ans. Dans les années 90, il a décidé de mettre ses théories en pratique. Il a donc tout fait pour recevoir des chevaux beaux et biens nés avec leur paire de couilles encore bien accrochée afin de fabriquer des étalons ayant eu des performances de haut niveau à Auteuil.
L'aventure a débuté en fanfare avec Saint Preuil, excellent malgré sa fertilité défaillante, puis il y a eu Indian River, les frères Robin des Prés et Robin des Champs, Saint des Saints, Kapgarde et Balko. Nous avons retenu ici uniquement les gagnants de black-type depuis 30 ans, et tous sans exception ont été de franches réussites au haras, en France ou en Angleterre. Notons qu'actuellement, Guillaume Macaire a 3 anciens pensionnaires au haras, Choeur du Nord, Jeu St Eloi et Petillo, mais qui n'ont pas gagné de groupe.
Au quasi terme de l'année 2017, alors que les étalons sauteurs sont infiniment moins nombreux que les chevaux de plat au haras, 4 sauteurs figurent dans le top 10 des étalons d'obstacle en Europe, selon le classement France Sire. La tendance serait comparable selon les chiffres de France Galop, mais il nous a semblé qu'il serait plus judicieux de prendre en compte les résultats en Angleterre et en Irlande, tant ils sont devenus importants, et en même temps de se concentrer sur les étalons encore actifs, à l'exception donc des morts et des retraités.
Outre-Manche, justement, cette mode des étalons sauteurs n'est pas à l'ordre du jour. Lors d'une discussion récente, Willie Mullins m'expliquait qu'un étalon ayant couru en obstacle ne saillirait pas une jument en Irlande, où les éleveurs cherchent à ramener de la vitesse sur leurs "grosses mèmères", raison pour laquelle Nickname a pu revenir en France. En revanche, David Futter, grand fan de l'élevage français qui dirige Yorton Farm en Angleterre, a décidé de mettre dans les catalogues d'étalons une photo de Blue Brésil en sautant une haie à Auteuil, afin justement de faire un choc psychologique. Dès l'année suivante, il a enfoncé le clou avec l'achat de Clovis du Berlais, vainqueur sur la Butte Mortemart.
De nos jours, avec la puissance extraordinaire du marché britannique, passant en général par les courtiers irlandais qui prennent les foals et yearlings avant de les revendre aux anglais à partir de 3 ans, il est plus difficile que jamais de fabriquer un étalon d'obstacle. C'est le revers de la médaille....Un poulain qui a le potentiel d'être un futur étalon, c'est à dire beau, grand, droit et très bien né, sera l'objet de telles offres qu'il se vendra Outre-Manche et sera rapidement castré. D'aucun diront que des grandes écuries devraient garder de tels animaux pour l'élevage français. On peut leur répondre que la folie est une limite au mécenat, et qu'il faut bien faire bouillir la marmite en vendant des bons poulains.