Soldier of Fortune en France: la tectonique de plaques
Il détient tous les bagages pour intégrer directement la cour des grands étalons de Coolmore, au côté notamment de son père Galileo, dès sa 1e année de monte. Gagnant du Derby d'Irlande mais aussi d'un 2e Gr.1 dans la Coronation Cup, doté d'un pédigrée et d'un modèle à l'avenant. Et pourtant, c'est bien en France, au Haras du Logis St Germain chez Claude Lambert dans le Calvados, que Soldier of Fortune va faire ses 1e pas au tarif de 10.000 €.
En langage populaire, les plaques signifient des sommes d'argent. Une "plaque" faisait 10.000 francs à l'époque. Et comme les continents en géologie, l'économie bouge lentement, se détache, se raccroche. C'est une autre façon d'étudier la tectonique des plaques...
Soldier of Fortune dans le Prix Niel (Gr.2)
Les stratèges de Coolmore ont pris en compte des données objectives. Soldier of Fortune est le 2e fils de Galileo en France, un pays qui entretient une relation très privilégiée avec la famille de celui-ci, c'est à dire sa mère Urban Sea et son frère Sea The Stars qui vient de remporter le Prix de l'Arc de Triomphe. A noter que le 1e fils de Galileo est Vendangeur, au Haras de Cercy dans la Nièvre, et que sa liste de juments inscitees compte déjà 80 éléments pour la saison 2010.
Par ailleurs, Soldier of Fortune a couru à plusieurs reprises en France. Et c'est un élément important pour les éleveurs français, tous des St Thomas en puissance refroidis par quelques désastres exotiques, que d'avoir vu de leur propre yeux la tête (et les jambes) de leur futur investissement. Abonné à la vie parisienne, Soldier of Fortune a même fait la quasi-moitié de sa carrière dans l'hexagone, pour un bilan flatteur en 6 courses de 2 victoires de Gr.2 (Prix Noailles et Niel), 2 places de Gr.1 à Saint-Cloud (Critérium International et Grand Prix de Saint-Cloud) et surtout 2 participations au Prix de l'Arc de Triomphe. 5e en 2007 derrière Dylan Thomas après avoir eu un instant l'avantage, il a conclu 3e de la merveilleuse Zarkava en 2008.
Un neveu de Sholokhov
Enfin, il y a un autre élément qui compte. Son oncle Sholokhov, un peu moins bon en course et installé en Allemagne, s'est fait beaucoup remarquer cette saison en France avec sa 1e production, grâce à Timos (1e de listed), Night Magic (1e du Diane Allemand, rachetée 800 000 € samedi à Deauville), mais aussi les bons sauteurs de Guillaume Macaire Allen Voran et Olle Campanero. Tous deux ont chacun dépassé les 100.000 € de gains à Auteuil.
Coolmore 1e
Le rassemblement de tous ses atouts génère donc un contexte favorable à la venue de Soldier of Fortune en France. Encore faut-il que la décision soit prise en haut lieu. Cela n'était pas imaginable jusqu'alors, Coolmore se concentrant ses efforts européens uniquement sur l'Ile d'Emeraude. Il y a eu bien sûr des ventes même de débutants comme Honolulu arrivé au Haras National du Lion d'Angers en 2009, mais jamais l'entreprise elle-même ne s'était engagée elle-même dans l'hexagone. Elle attirait en revanche de nombreuses juments françaises vers son vaste parc étalon celte.
Soldier of Fortune dans le Prix Noailles (Gr.2)
Le gazole: c'est cher
La stratégie adoptée pour Soldier of Fortune est ici différente et assez claire. Il correspond bien à une clientèle française: alors on le met directement à disposition des utilisateurs, proche de chez eux. C'est le "bon sens près de chez vous", comme disait une fameuse banque, et puis le gazole est cher. Et puis surtout, la France devient attractive. Le maintien du niveau des allocations auxquelles s'ajoutent les diverses primes spéciales est pour cela un élément déterminant. Le pays jugé il y a encore pas si longtemps comme peuplé de "franchouillards même pas capables de faire des emprunts pour acheter des saillies" (sic) tient encore debout après la crise. Il devient à la mode au point que des jeunes étalons qui ont réussi leur début outre-manche peuvent malgré cela venir aussitôt en France, tel Chineur dernièrement loué par le Haras des Granges. Avec ses nombreux congénères qui débarquent en 2010, Soldier of Fortune tarit à sa façon l'eau du moulin de ceux qui disent qu'il n'y a pas de bons étalons en France, utilisant le terme "bon" à la place de "purement commercial". Et ce n'est pas toujours tout à fait la même chose. En tout cas, quand un éleveur, commercial ou pas, voit naître une pouliche petite, jaune et tordue, il ne peut plus compter que sur l'aspect "purement bon" de l'étalon qu'il avait choisi.