Van Gogh et le grand débarquement européen d'American Pharoah
American Pharoah, un physique et un destin qui continuent d'être hors normes...(©Coolmore Stud)
American Pharoah a été l'un des plus grands champions du 21è siècle, voire de l'histoire des courses. Evidemment, son exploit dans la Triple Couronne en 2015, de réaliser le hat-trick Kentucky Derby /Belmont Stakes / Preakness Stakes pour la première fois depuis 37 ans, lui a permis de devenir un crack international, et de conquérir l'Europe, d'habitude moins sensible aux épreuves de dirt. Mais American Pharoah avait l'aura que peu de coursiers ont la chance d'avoir. Son triomphe dans la Breeder's Cup Classic à la suite, puis son arrivée en grande pompe à Ashford Stud, ont définitivement contribué à en faire une légende. Evidemment, il était très attendu au Haras.
American Pharoah avec Michael Vincent Magnier à sa droite...pari réussi pour Coolmore ?
American Pharoah a donc démarré sa carrière à Ashford Stud, l'antenne américaine de Coolmore, avec tout de suite un afflux de juments européennes de la part du géant de l'élevage. Le pari était tout de même osé, car American Pharoah n'avait rien de prédominant dans son pedigrée pour faire le gazon (mis à part Storm Cat) et présentait, qui plus est, un physique monstrueux, presque démesuré, qui aurait pu rebuter les éleveurs du vieux continent.
Pourtant, son entraîneur Bob Baffert nous avait déclaré à son entrée au Haras: " American Pharoah aurait pu courir sur n'importe quel type de surface, il y avait seulement plus d'opportunités sur le dirt aux Etats-Unis. Il aurait facilement gagné sur gazon avec sa façon de se déplacer. Il peut amener quelque chose d'extraordinaire aux juments européennes, comme lui". Avec ses courants de sang, American Pharoah présentait une grande opportunité pour Coolmore de pouvoir croiser avec toutes les lignées de Sadler's Wells, omniprésentes chez eux. Aujourd'hui, les croisements portent leurs fruits.
Revoir l'interview de Bob Baffert lors de l'arrivée d'American Pharoah au Haras
American Pharoah a eu d'emblée une réussite au Haras des deux côtés de l'Atlantique, et a même gagné son 1er groupe en Europe dans le prix du Bois, avec l'américaine Maven. En 2019, son fils Monarch Of Egypt, entraîné par Aidan O'Brien, s'était placé de courses principales, dont les Phoenix Stakes (Gr.1). C'était intéressant, car avec son fort modèle, on aurait pu penser qu'American Pharoah ne transmettrait pas nécessairement de la vitesse et de la précocité. Il a terminé son année 2019 avec une première victoire d'un de ses produits dans une Breeder's Cup, un signe. En même temps, une de ses filles se vendait pour 8,2M $ à Keeneland, un record mondial de l'année ! Avec sa première génération de 3 ans, American Pharoah a fait encore mieux, en donnant un gagnant d'une course relevée sur le dirt Japonais, avant d'enchaîner sur un automne de grande classe.
La carrure de Van Gogh rappelle assurément celle de papa...(APRH)
En un mois, le statut d'American Pharoah a complétement changé. Au début du mois, sa fille Harvey's Lil Goil lui a offert un 1er Gr.1, sur le gazon de Keeneland, le même champ de courses où le crack avait tiré sa révérence dans la Breeder's Cup Classic. En même temps, de l'autre côté de l'Atlantique, Pista remportait pour Joseph O'Brien les Park Hill Stakes (Gr.2), avant de se classer tout proche 2e dans un terrain défoncé lourd de la crack Wonderful Tonight, dans le Royallieu (Gr.1). Samedi, dans une piste encore très pénible, American Pharoah a définitivement prouvé que l'Europe lui allait bien, en enlevant un 2e Gr.1 avec Van Gogh, dans le Critérium International, sous la selle de Pierre-Charles Boudot.
Le poulain est la parfaite illustration des qualités que peut transmettre American Pharoah. Très dur, il disputait déjà sa 7e course à 2 ans, et n'a cessé de progresser. Malgré sa longue campagne, Van Gogh se montre encore tendre, et présente un physique hors du commun qui laisse penser qu'il va devenir un super 3 ans. On sait que ce qui fait un grand étalon, est de produire des 2 ans qui savent passer un autre palier à 3 ans. En cela, American Pharoah a toute les caractéristiques pour faire fort.
Le pédigrée de Van Gogh nous prouve qu'American Pharoah est aussi capable de redonner du lustre aux vieilles familles européennes, qui sont certes empreintes de classe, mais ont parfois besoin d'un petit coup de boost pour ne pas tomber en décrépitude. Ainsi, Imagine, la mère de Van Gogh, avait déjà produit 5 black-types, mais jamais encore de gagnant de Gr.1. Cette championne, gagnante des 1000 Guinées Irlandaises et des Oaks en 2001, n'était plus toute jeune, et Van Gogh est sans doute l'un de ses derniers produits, voire le dernier. Etant une fille de Sadler's Wells, elle n'avait jamais pu être croisée avec Galileo, et avait visité les tops étalons Kingmambo, Giant's Causeway, War Front ou encore Danehill. Le meilleur est venu d'American Pharoah. Imagine est elle-même une soeur de Generous, gagnant du Derby d'Epsom 1991. C'est la classe, mais ça prenait un peu la poussière... Plus maintenant ! American Pharoah a sailli et continue de saillir quelques-unes des meilleures poulinières de Coolmore, et peut croiser avec toutes les filles de Galileo en stock, une option non négligeable.
Le crack de Bob Baffert vient de prouver qu'il a la trempe d'un grand, et que l'Europe lui réussit. L'aptitude aux pistes lourdes de sa production était une question, à laquelle la réponse positive permet d'ouvrir un horizon bien plus large à American Pharoah. Le cheval vient de voir sa saillie baisser quelque peu à 100 000 $, Covid oblige. Au delà de cela, il serait très intéressant de savoir si une ou plusieurs saisons de monte en Europe seraient au programme du champion...Cela aurait du sens, et nous mettrait l'eau à la bouche encore un peu plus !
Imagine, la mère de Van Gogh, dans les Oaks 2001...ça nous rajeunit pas ! (© coolmore twitter)