Disparition de Le Havre : Gloire au petit normand devenu roi
L'heure de la retraite sonne pour le phénoménal Le Havre
La retraite de Le Havre a été l'évènement phare de l'élevage européen en ce début année. Mathieu Alex nous expliquait : "Suite à des problèmes de santé déclarés en fin d’année dernière, la décision a été prise d’arrêter sa carrière d’étalon. Nous lui devons beaucoup et notre priorité est son bien-être. Le Havre est hors du commun, un champion ! Lauréat d’un magnifique Prix du Jockey Club, il fut un étalon de tout premier plan dès ses débuts au haras. Père de 50 gagnants de Stakes dont 2 doubles gagnantes de la Poule d’Essai des pouliches et du Prix de Diane, Le Havre est une fierté française. Nous savons à quel point ces chevaux sont rares. Il nous a procurer les plus belles émotions. Nous vivons à ses côtés depuis plus de 10 ans et apprécions chaque instant". Mais malheureusement, Le Havre n'aura pas eu le temps de profiter de cette retraite, et est mort cette nuit des suites de ses problèmes de santé...
Parfois la réussite d'un empire tient à celle d'un cheval. Comme Lagardère, qui a bâti son royaume autour de Linamix, Gérard Augustin Normand l'a fait avec Le Havre. Lui qui a déboulé dans le monde des courses en 2007 en investissant massivement, il a eu la chance certes, mais provoquée par son audace, de tomber sur un champion d'emblée, et comme on le sait aujourd'hui, pas n'importe lequel. Elève de la famille Sündstrom, il a été acheté 100 000 € à ARQANA par Jean Claude Rouget pour "GAN". Le Havre a lancé cette tradition des noms référant aux villes normandes. Ce n'est déjà pas rien. Il a ensuite donné le goût des grandes courses à son propriétaire, en remportant brillamment le Prix du Jockey Club (Gr.1) édition 2009, après avoir été le malheureux de la Poule d'Essai. Heureusement avec Le Havre, les choses s'amélioraient souvent.
Le Havre, seigneur en son domaine
Victime d'une tendinite à la suite de cette envolée, Le Havre a laissé une toile inachevée en course, mais a eu la bonne idée de mettre les dernières touches au Haras. A l'époque, il rentre étalon au haras de la Cauvinière, chez Elisabeth Ribard et Sylvain Vidal, devenu ensuite Montfort & Préaux, puis Sumbe depuis l'achat des lieux par Nurlan Bizakov. Développé au fil des années et devenu un nom fort de l'élevage européen, le haras doit cette ascension au succès de son étalon phare. Le Havre est le socle d'un projet global, qui a été articulé par son entourage à ses débuts au haras. Fils de Noverre, un étalon énigmatique qui a fini sa carrière en Inde, et neveu de Polar Falcon, le père de Pivotal, Le Havre sortait des sentiers battus aussi bien par sa carrière que son pedigree. Mais son entourage y a cru, et a investi massivement sur des juments pour lancer leur protégé comme il se devait, tant et si bien que Le Havre a sailli plus de 400 juments en 3 ans de 2010 à 2012. A noter qu'aujourd'hui, comme un hommage, un neveu de Le Havre nommé See You Boy a gagné en bon poulain à Deauville.
Le Havre après son triomphe dans le Jockey Club 2009, le premier pour son entraîneur Jean Claude Rouget (aprh)
Pour qu'un étalon devienne grand, le soutien de son entourage est l'une des clés. Mais finalement, le principal reste que le cheval soit bon, sans quoi rien n'est possible. Là encore, Le Havre n'a pas déçu. Dès sa première génération de 2 ans, il a donné de nombreux vainqueurs et plusieurs profils classiques, comme sa première black-type La Hoguette, gagnante de listed à 2 ans et placé de Gr.1 l'année suivante. Passé de 5000 € à 7000 € après ce départ canon, Le Havre a ensuite réussi le rare exploit de sortir une championne dès ses premiers 3 ans : Avenir Certain, élevée par Elisabeth Ribard à la Cauvinière, puis appartenant en partie à GAN, et confiée à Jean Claude Rouget... Le nom de la pouliche prend définitivement tout son sens. Et cette jument sortant de l'ordinaire a propulsé Le Havre parmi les grands, en faisant le doublé Poule d'Essai/Prix de Diane.
Avenir Certain, la première crack de Le Havre (aprh)
Dès lors, les succès de Le Havre n'ont cessé de s'accumuler, car en plus de produire de beaux chevaux, au mental souvent très placide et faciles à entraîner, il produit bon. Les black-types se sont accumulés année après année, et 42 de ses produits sont aujourd'hui vainqueurs de stakes. Le Havre a même réussi en obstacle, avec encore un 2e de Gr.1 récemment en steeple à Leopardstown. Il suffisait d'y penser. Finalement, Le Havre est encore un jeune étalon, mais que l'on connaît comme un patriarche. Les champion(ne)s Suédois, Villa Marina, ou encore Wonderful Tonight ont fait sa renommée. Cette dernière a d'ailleurs été élevée par Mathieu Alex et Sylvain Vidal, parmi les artisans créateurs de la success-story du père. Il savait décidément faire plaisir à ceux qui l'entouraient ce Le Havre.
La Cressonnière, la perfection faite jument (aprh)
A Gérard Augustin Normand, il a donné un triomphe total en tant qu'éleveur/propriétaire avec la fabuleuse La Cressonnière, invaincue en 8 sorties et elle aussi auteure du doublé Poule d'Essai/Prix de Diane. Si fidèle à son champion, Gérard Augustin Normand a réussi son pari. Le Havre, c'est aussi le début d'une nouvelle ère de l'étalonnage français, qui rentre de plus en plus de bons chevaux, capables d'avoir une popularité européenne. Monté jusqu'à 60 000 € la saillie, son aura a dépassé nos simples frontières, l'amenant à saillir ce qui se faisait de mieux sur le Vieux Continent, comme par exemple la phénoménale Danedream en 2020. Sa présence aux ventes de yearlings était elle aussi significative.
Le Havre à la Route des Etalons 2019
Le Havre a aujourd'hui 2 fils au Haras en France : Roman Candle à la Hêtraie, et Motammaris au Mazet. Il est déjà un père de mères à succès, notamment avec le champion Pyledriver. Avec sa retraite, et maintenant sa disparition, c'est une vraie page de l'histoire des courses qui se tourne. Le Havre, c'est surtout l'histoire des courses en général, celle de ceux qui osent, qui investissent sans compter leur temps ni leurs économies en espérant toucher les sommets. Bien heureusement, Le Havre a toujours récompensé ceux qui lui faisaient confiance, et rendu meilleurs ceux qui croisaient sa route. N'est ce pas cela un vrai améliorateur ? Personne n'ira vous raconter le contraire sur Le Havre !
La retraite a sonné pour un champion dont on n'a pas fini d'entendre parler...
Ici avec Sylvain Vidal, l'un des artisans de sa grande carrière...
...tout comme l'a été Mathieu Alex !