Smadoun : "doudoune" fait de la résistance
La star des campagnes
A défaut d’avoir brillé sur la scène parisienne devant une assistance aussi maigre que blasée et aussi prompte à oublier les héros d’un jour que de détrôner ceux d’hier, Smadoun a enchanté les amoureux des courses en Région. A l’époque, alors que le politiquement correct n’était pas encore la règle numéro 1 d’expression et de pensée, Smadoun sillonnait ce qu’il convenait d’appeler encore la Province. Celle-ci avait encore droit de cité et ce genre de coursier au grand coeur lui donnait encore plus de lettres de noblesse en matière hippique. Le beau gris du aussi riche que discret Roland Douaire entraîné par le filiforme et peu disert sarthois Bernard Renard, héritier de Roger Crossouard top entraîneur de Nort-sur-Erdre avant que les Pantall, Sepulchre et Henrot ne prennent le relais dans l’Ouest, sillonnait les routes pour gagner les Grands Prix : ceux de Bordeaux, Toulouse, Lyon en 1994 faisant écho à ceux de La Teste, Bordeaux encore et Nantes bien sûr en 1993.
Smadoun après un de ses innombrables succès en province, ici avec Bernard Renard, Didier Sicaud et Roland Douaire.
Il était monté par Didier Sicaud, aujourd'hui formateur à la nouvelle école des jockeys de Tunisie. Smadoun, star des années 90, rejoint ensuite le haras qui l’avait vu naître et où il apprit même son métier de cheval de course : le Haras des Sablonnets, lieu historique du pur-sang de l’Ouest par excellence. En fait, il n'a qu'à treverser la route pour passer de son boxe de course à son boxe d'étalon.
Smadoun au Haras des Sablonnets
L’héritage de Kaldoun
En qualité d’étalon, Smadoun a eu la lourde responsabilité de suivre les traces de son glorieux paternel Kaldoun. Pas ce qu’on appelle une mince affaire. Arrivé en pacha, il vit son carnet de bal atteindre les meilleures années jusqu'à 109 fiancées puis 90. Avant Chichicastenango, une trentaine de juments seulement lui étaient promises, car au début, ce cheval de province était de fait méprisé même en son pays. Le déclic s’appelle en effet Chichi : le champion de Philippe Demercastel vainqueur du Grand Prix de Paris 2001 sous la selle d’Alain Junk et devant un Longchamp désertique (la course avait été reprogrammée après une grève). Etonnant en piste, Chichicastenango allait le devenir aussi au haras, produisant dès sa première année Chichi Creasy (Prix de Fontainebleau) puis en 2005 Vision d’Etat vainqueur de 4 G.1 dans 3 pays différents (Prix du Jockey-Club, Prix Ganay, Prince of Wales’ Stakes et Hong Kong Cup).
Peu s'en souviennent, mais Kaldoun était un élève de l'Aga Khan, qui l'avait vendu après qu'il ait déçu les espoirs classiques placés en lui
Régulier dans sa descendance directe malgré un niveau de jumenterie honnête sans plus, voire faible, Smadoun peut s’enorgueillir de compter quelques 410 succès à l’actif de ses 542 produits recensés. Il a su faire preuve d’une belle régularité, produisant avec constance des chevaux de Groupe comme Miss Salvador, Cheyrac, Nolhac ou encore Blue Brésil, son seul fils étalon en France. Après le départ pour la Tunisie de Charming Groom, il est aujourd’hui un des derniers fils de Kaldoun installés en France avec Kaldounévées , stationné en Saône-et-Loire etqui s'est distingué en 2011 comme étant le père de mère de Dunaden et La Segnora !
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Smadoun n'est pas mort !
La rumeur le dit fatigué et moins fertile. Et bien qu’on se le dise, Smadoun va très bien pour un cheval de 21 ans. Certes, le poids des années l’ont un peu ensellé, certes son carnet de bal du printemps lui a permis de se préserver mais « doudoune », comme on l’appelle aux Sablonnets, a rempli 37 de ses 41 fiancées en 2011 ! Et il se porte très bien, bichonné par l’équipe du haras, revigoré par la présence du jeune et fougueux Barastraight dans le même paddock, sans oublier le dernier arrivant Rayeni, et après un changement d’alimentation qui lui a permis de connaître un transit intestinal plus sain.
Gris comme son père, Molotof vient de décrocher un Gr.2 sur les haies Outre-Manche
Bref de quoi apprécier à sa juste valeur les exploits actuels de ses rejetons Nacarat (de nouveau prêt pour une campagne hivernale outre-Manche), Mauvezin (vainqueur à Angers d’une petite course d’obstacle pour sa deuxième sortie dans la spécialité) et surtout Molotof, un cocktail prêt à exploser au pays de la Reine après son succès de Gr.2 à Ascot le 16 décembre dernier. Autant d’exemples pour tordre l’idée reçue selon laquelle les Smadoun, comme les Kaldoun ne lèvent pas les jambes, même si, pour être tout à fait objectif, ce n'est leur sport préféré a priori.