Carriacou, Isabelle Pacault et Davy Russell, leurs toutes premières fois
" Merci les chevaux, merci l'élevage ! " Isabelle Pacault ne croit pas si bien dire, alors qu'elle explose de joie après la victoire de Carriacou dans le Grand Steeple Chase De Paris. Un exploit ? Bien sûr que non dit-elle ! Et en effet, il est bien médisant celui qui dira que l'on ne s'y attendait pas. Amenez tout en progression sur l'objectif final, le vainqueur du jour n'a pas laissé l'ombre d'une chance à ses adversaires. Mais remontons 5-6 min avant la délivrance. La tension est à son comble sur la Butte-Mortemart...François Nicolle prend place sur sa barrière favorite, Willie Mullins sort les jumelles en tribunes...et les élastiques relâchent les 19 concurrents ( Bob And Co était non partant) du monstre sacré qu'est le Grand Steeple, sous les applaudissements de la foule. Les anciens prennent la tête. So French, double vainqueur de l'épreuve, prend le train à son compte, mais recule beaucoup sur la rivière, et Eludy chute. La course continue, les leaders s'enchaînent, et le tournant arrive quand Docteur De Ballon et Crystal Beach, 2 des favoris, chutent sur le juge de paix, le rail-ditch and fence. La ligne droite arrive. Une surprenante Roxinela emmène Bipolaire et Burrows Saint, ainsi que la vaillante Sainte Turgeon. Et soudain, à l'entrée de la ligne droite, un éclair bleu et gris surgit. C'est Carriacou. Davy Russell, en selle, ne bronche pas, alors que Bipolaire tente de s'échapper. La dernière haie sautée, le jockey irlandais ouvre les doigts...et l'histoire est changée à jamais.
L'histoire jusqu'à ce dimanche, racontait qu'aucune femme n'avait jamais remporté le Grand Steeple Chase De Paris. Isabelle Pacault, avec sa gomme magique, est venue effacer les lignes déjà écrites par les plus grands chevaux, entraîneurs, propriétaires et éleveurs de ce temps et de celui jadis. L'histoire est d'autant plus belle, qu'elle est à l'origine de toute la conception de son crack. Fils de Califet, étalon très cher à Guy Chérel, et revenu en grâce aux yeux du monde après son départ Outre-Manche. Quant à la mère, Medanik, morte au poulinage en 2014, elle est l'unique produit de Nikora, jument élevée au Haras de Mirande, et entraînée par Isabelle Pacault elle-même. La boucle est bouclée, et Isabelle, entre les sourires et les larmes, a une pensée émue pour son père, Jean-Claude Evain, fondateur du Haras de Mirande, qui lui a tout appris, et qui doit être si fier de sa fille.
Isabelle Pacault, la grande dame d'Auteuil. (APRH)
Qu'elle est belle cette nouvelle légende des courses qui vient de s'écrire devant nos yeux ! Rappelez vous qu'en 2016, le valeureux Carriacou offrait à Isabelle son premier Gr.1 dans le Maurice Gillois, elle qui avait longtemps tourné autour du pot avec Lord Carmont. L'année suivante, sur la route du Grand Steeple, le champion était tombé sur un os avec So French au sommet de son art, mais finissait excellent 3ème. Il a ensuite fallu plus d'un an et demi pour revoir le guerrier en piste, lui qui s'imposait en janvier à Pau, sur les haies. Volontairement écarté de la route classique du Murat et du prix Ingré, il avait d'abord terminé 2ème de Spirit Sun dans le prix Air Landais, avant de le devancer de gagner le prix William Head. Comme quoi, la question du programme revient...Faut-il vraiment courir les préparatoires? Isabelle Pacault nous a prouvé que non. Il a survolé d'un bout à l'autre chaque obstacle avec une facilité déconcertante, et Davy Russell a monté une course au millimètre.
Davy Russell célèbre la victioire acquise face aux tribunes combles (APRH).
Parlons-en de Davy Russell !! Stéphane Paillard, partenaire habituel de Carriacou, étant sur la touche, il fallait trouver un homme tout-terrain, avec la tête froide, mais surtout une main d'or. Ami de longue date d'Isabelle, Seamus Murphy, voyant l'entraîneur dans le doute du choix du jockey, propose Davy Russell. Lui, c'est un des meilleurs jockeys irlandais, qui a piloté 2-3 avions tels que Quito De La Roque, Balko Des Flos et bien sur le formidable Tiger Roll, dans ses deux victoires de Grand National d'Aintree. Autant vous dire qu'après 6900m à Liverpool, le Grand Steeple cela ne lui faisait peur. Il a bien fait de gagner, car à en croire Isabelle après la course, s'il n'avait pas vaincu, Seamus Murphy se serait vu ôter ses attributs...Sauvé ! Quant à Davy Russell, il donne une leçon de monte, lui qui découvrait le steeple d'Auteuil, n'ayant monté qu'une fois en haies sir l'hippodrome parisien. Il a remercié après la course toute l'équipe, salué le travail fait sur le cheval, qui sautait parfaitement. De mémoire, on pourrait penser qu'il est le premier jockey de l'histoire à remporter le Grand National d'Aintree et le Grand Steeple la même année.
Seamus Murphy pose avec Davy Russell, qui lui a sauvé la vie plus ou moins...(APRH)
Du côté des battus, François Nicolle était partagé entre fierté et déception. En effet, Bipolaire se classe excellent second, et Roi Mage a réalisé une incroyable fin de course pour finir 3ème. La surprenante Roxinela, amenée au top par François-Marie Cottin, finit 4ème, tandis que Burrows Saint se montrait courageux pour s'emparer de la 5ème place. Il était le premier des 5 Mullins, qui ont un peu sombré. La valeureuse Sainte Turgeon est 6ème, et Le Costaud trace un parcours très propre à la 7ème place. Peu importe les battus, il n'y en avait que pour Isabelle Pacault et toute sa famille. Sa fille Anne Sophie Pacault participait elle à son tout premier Grand Steeple avec Spirit Sun, qui est malheureusement tombé durant le parcours. Qu'importe, la fierté était si réciproque, car vivre ses évènements sans ses proches, ça n'a pas la même saveur...Qu'il était beau de voir Isabelle escalader les marches du podium telle une tigresse, animée d'une énergie et d'une émotion communicantes. Que dire de la chanson réservée à Carriacou, tel un hymne à un seigneur viking, au Karly Flight après la course, avec sa cavalière du matin qui n'en revenait toujours pas, le tout arrosé de litres de champagne comme il se doit. Plus que le côté historique, que le côté sportif, ce Grand Steeple nous aura montré un visage plein d'émotion, d'hommage, de souvenirs et surtout d'espoir : la passion des chevaux est toujours présente au fond du coeur de bien d'entre nous, on le savait, mais le voir lâcher comme ça au grand jour, pour une telle compétition, on peut le dire...c'était un peu notre toute première fois à tous.
GALERIE APRH