Chili : au pays des gauchos de Patagonie

26/02/2020 - Découvertes
 Rien que le nom fait rêver. La Patagonie...Cette incroyable région du monde à l'extrême sud de l'Amérique Latine comble le bonheur des amoureux de nature sauvage et d'espaces infinis. Les gauchos, rares habitants de fermes d'élevage pouvant aller jusqu'à 100.000 hectares, consacrent leur vie aux chevaux. Terminez en beauté votre aventure au Chili !

 




L'évocation de ce nom fait immédiatement lever les yeux vers l'horizon lointain, tant il pousse l'imaginaire vers les grands espaces. Plus mythique encore que la Mongolie, les steppes d'Asie Centrale ou le Grand Nord américain, car si peu visitée et si rare sur les écrans, la Patagonie est sortie de l'inconnu en France par un biais totalement décalé : sa promotion par le chanteur très populaire Florent Pagny ! Ce dernier est parti là-bas suite à un contrôle fiscal en France. C'est sûr que là-bas, il y a des aigles mais pas de vautours ni donc d'agents des impôts ! Et il y a écrit son plus grand tube, " ma liberté de penser". Mais en vérité, c'est quoi la Patagonie ? C'est où ? Pourquoi c'est si grand et si sauvage, si peu peuplé par les hommes mais si rempli d'animaux étranges comme les guanacos et les pumas, ou encore des moutons,, des vaches et bien sûr des chevaux par milliers, essentiellement des criollos.

 

 

Dans la 2ème moitié du 19ème siècle, en pleine période de révolution industrielle, des milliers d'aventuriers rêveurs ou de pauvres gens déracinés ont pris la mer vers l'inconnu en quête d'une vie meilleure, ou d'une vie supportable. C'était l'Amérique ! Mais si célèbre est l'immigration aux Etats-Unis, avec ses pionniers du nouveau monde qui lancèrent une conquête de l'ouest mise en scène dans tant de westerns au cinéma, qu'inconnu reste l'équivalent en Amérique Latine : la conquête du sud. Ainsi, en 1870, le lointain Chili, étrange pays tout en hauteur, étiré sur 7000 kilomètres entre la Cordillère des Andes et la Côte Pacifique, a mis en place à travers ses consulats en Europe un programme d'immigration choisie et subventionnée qui allait transformer totalement sa physionomie. Afin de peupler et de moderniser la nation, l'Etat chilien invitait ainsi les migrants à traverser le monde pour s'implanter dans les domaines immenses : les paysans dans le sud pour y faire de l'élevage de moutons, et les ouvriers dans le nord afin d'y créer des industries.

 

 

 

L'idée, originale et visionnaire, était d'accueillir non pas la haute société mais le peuple affamé, celui dont on serait plus sûr qu'il s'installerait durablement et non pas opportunément, dans l'espoir par exemple que des ouvriers les plus malins finissent par créer des usines en employant les techniques apprises en Europe. Le programme a bien fonctionné puisque un siècle plus tard, malgré les hauts et les bas politiques, le Chili est devenu un pays riche et moderne, où on retrouve partout aux postes clés les descendants des anciens migrants portants des noms français, allemands, croates, anglais, hollandais,, etc...Entre temps, les riches investisseurs ont quand même créé d'immenses conglomérats. Encore après-guerre, on pouvait croiser des aristocrates ou des bourgeois parisiens détenteurs de milliers d'hectares en Amérique du Sud, au Chili, en Argentine ou au Brésil essentiellement, se retrouvant à la rue du jour au lendemain suite à un coup d'état politique. Aujourd'hhui,une des plus grandes fermes du monde, Cerro Guido qui s'étend sur 100.000 hectares d'un seul tenant, appartient à une famille d'investisseurs qui n'y met jamais les pieds.

 

 

 En Patagonie, c'est à dire une zone immense, grande comme 1,5 fois la France et jusqu'alors totalement sauvage dans la partie la plus au sud du pays, la politique d'immigration s'est traduite par l'arrivée massive, pendant environ 50 ans, de paysans à qui on attribuait des surfaces de terres en fonction du nombre de leurs enfants, plus du bétail et du matériel à rembourser sur de longues périodes et dans des conditions avantageuses. Une aubaine pour des "sans le sou " prêt à tout pour tenter leur chances.

 

 

On imagine aisément l'éblouissemant face à tant de beauté naturelle dans les yeux des migrants qui arrivaient alors après un début de vie misérable dans une sombre Europe charbonnière version Zola, puis des mois d'un voyage pénible à fond de cale.  Le 1er objectif était d'élever du mouton, pas tant pour la viande mais surtout pour la laine vendue par quantités gigantesques en Europe dont l'industrie textile florissante avait des besoins toujours grandissants. Les pionniers faisaient aussi des bovins, toujours sur un modèle d'élevage extensif. Le cheval était un besoin vital, pour le travail et pour les déplacements. En fait, le Sud des gauchos était l'exact équivalent du nord américain, peuplé de cow-boys bravant sur leur selle la solitude des grandes espaces sans fin au climat hostile. Car les réalisateurs des westerns les plus connus, comme Sergio Léone et John Ford, oublient de mentionner qu'il règne un froid glacial sur les vraies terres de cow-boy du Montana, du Wyoming ou de l'Ohio.

 

 

 

Au sud aussi, quand on s'approche de l'Antarctique, il fait un peu frisquet, même au coeur de l'été austral comme en février, notre mois d'août dans l'hémisphère sud. En Patagonie, nous avons eu une chance inouie de pouvoir retirer le blouson, voire aussi le pull, en plein après-midi. Pendant 3 jours, le soleil a brillé et, surtout, le vent s'est calmé. Ici, ce qu'on appelle la tempête est un état de permanence, un vent de 100 km/h est habituel et les gauchos doivent parfois rester au sol, faute d'être arrachés de la selle par les coups de vents. Quand il parte toute une semaine à cheval pour faire le tour des clôtures, campant la nuit en pleine nature par 2 degrés, ils peuvent ne rentrer que 10 jours plus tard.... 

 

 

Evidemment, dans ces conditions où les arbres meurent d'un côté, la nature y reste très aride sauf quand elle est protégée des vents par des reliefs plus abrupts et des vallées encaissées. En revanche, cet environnement sied parfaitement aux guanacox, sorte de lamas non domestiqués typiques d'Amérique du Sud. Hyper méfiants, rapides et agiles, ils préfèrent les horizons dégagés afin de voir venir de loin arriver leurs pires ennemis : les pumas.

 

 

Avant l'arrivée des colons, qui furent les 1ers blancs à fouler le sol de Patagonie car les conquistadors n'étaient jamais descendus aussi bas même si Magellan avait officiellement découvert la Terre de Feu en 1520, les guanacos représentaient aussi la principale nourriture des tribus ancestrales de Patagonie. Les plus mystérieuses de ces ethnies furent les hommes poissons qui parvenaient à vivre nus malgré le climat en allant plonger dans les eaux glacées des fjords pour attraper le poisson à la main ! Plus personne ne vit plus aujourd'hui dans les centaines d'ilots de la côte Pacifique, tant le climat est insupportable, sauf quelques éleveurs de saumons industriels qui font du Chili le 2ème pays producteur de saumons au monde après la Norvège, avec toute la pollution qui l'accompagne bien sûr.

 

 

Dans les terres, les tribus locales ont rapidement disparu pour 2 raisons principales : d'une part ils n'ont pas supporté les maladies arrivées avec les migrants et principalement la tuberculose, et d'autres parts ils ont fini par être exterminés par les pionniers, mais pas tout de suite ! A la base, il y avait assez de place pour tout le monde. Mais les tribus ont évidemment trouver plus aisé de tuer les moutons des migrants pour se nourrir et se vêtir plutôt que de courir après ces diables de guanacos. Les migrants auraient tenté d'expliquer le principe de propriété auquel les membres des tribus vivant à l'âge de pierre sont restés totalement hermétiques, continuant de tuer les proies les plus faciles, jusqu'à temps qu'ils se fassent tuer eux-mêmes...

 

 

Un siècle plus tard, les changements climatiques font rage. La grandeur fragile de la nature s'est dérèglée avec des glaciers qui fondent, des hivers où il ne neige plus, des tempêtes toujours plus violentes et des sécheresses qui s'empirent chaque année. A part ce suicide collectif et mondial, on ne tue plus personne directement en Patagonie, mais les panoramas et l'ambiance n'ont guère changé finalement. Il faut encore faire 100 kms pour trouver à manger. La nature y est tellement préservée que les amoureux de la nature et des grands espaces y trouvent leur paradis. Ainsi, l'été, Porto Natalès, 2ème ville la plus peuplée du Chili avec ses 26.000 habitants, voit débarquer dans son petit aéroport des flux de touristes habillés pour les randonnées et le trekking.

 

 

La vie s'articule toujours autour du cheval. L'animal fait du loisir, car les journées à cheval font partie des "must" pour les estivants en quête d'évasion mais aussi du sport avec des disciplines provenant directement du travail du quotidien. Ainsi l'endurance, pratiquée au quotidien par les gauchos depuis un siècle, s'est professionnalisée depuis une 15aine d'années et a trouvé une place naturelle de choix dans ces paysages fantastiques. Par ailleurs, le chili se targue d'avoir son propre type de rodéo, séparé en 2 disciplines. Il y a d'une part le wasso, qui exige de rester en selle 8 secondes sur un cheval conservé non débourré spécialement pour cette pratique. Par ailleurs, la jinetada a été élue sport national, consistant en un excercice de dressage et de maniablité dans la conduite d'un taureau encadré par 2 chevaux. Mais avant l'organisation d'épreuves sportives, il pouvait arriver aux gauchos d'égarer des chevaux.

 

 

C'est ainsi que s'est créé un étonnant troupeau de chevaux ayant retrouvé leur état sauvage dans les années 1970. Issus de croisement entre des criolllos, des arabes, des anglos et même des percherons; ils vivent sur une surface d'environ 4000 hectares en plein coeur du parc national de Torres Del Paine, qui s'étend lui sur 240.000 hectares. Fait très rare pour des chevaux sauvages, ils vivent dans un troupeau rassemblé de 128 éléments, donc particulièrement nombreux. Les 10 familles comptabillisées restent ainsi en groupe afin de mieux se protéger de leur prédateur, le puma. Ce félin, appelé aussi cougar, lion des montagnes ou panthère, qui dévore la grande majorité des foals chaque printemps, est le pire ennemi des chevaux au niveau individuel mais qui permet aussi de stabiliser naturellement le troupeau en taille et en santé, car il régule la masse et élimine les éléments les plus faibles. Ici, on aime la nature. On n'est  donc pas animaliste du tout.

 

 

Quelques jours en Patagonie, balayés par les vents dans les paysages grandioses, où toute société se résume à un feu de camp, quelques maisons autour d'une école de 15 gamins à 2 heures de route de toute autre âme qui vive, suffisent pour se retrouver dans un western du sud et comprendre pourquoi le cheval tient une telle place chez l'homme, de sa survie quoditienne à son plaisir dominical.

 

 

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