Carhaix : les courses en écho aux soeurs Goadec

28/05/2019 - Evénements

Carhaix, c'est un peu carré mais sans les x, avec un profil de piste improbable dans les terres bretonnes où l'on entend encore les échos des soeurs Goadec, des légendes de la chanson traditionnelle et des fest noz qui sont nées ici dans une famille de 13 enfants. Elles ont connues non seulement toutes les guerres mais aussi les chevaux de Pénalan, le champs de courses qui organisait le dimanche 26 mai 2019 sa réunion du printemps pour la 146ème année.

Quand l'hippodrome de Carhaix, qui se situe précisement sur la commune de Plounevezel, ouvre ses portes, on ferme la route départementale qui conduit à Carnouet, et qui traverse l'enceinte du champs de course, entre la piste longée des tribunes et la buvette, placée stratégiquement entre le rond de présentation et la zone de jeux pour les enfants. Dans l' temps, à l'heure de gloire des chemins de fer, quand le passage d'une automobile était un événement en campagne, la ligne de train qui passait par là faisait un arrêt spécial les jours de courses pour déposer, puis ramener, la foule en ce jour de fête. Il ne reste plus guère de coiffe bretonne (on a quand même vu 2 chapeaux noirs sur des têtes de papys à barbe blanche). Mais l'ambiance y est restée très locale.

Rappelons que les galettes saucisses sont interdites, car on est dans le Finistère, mais la bière est bonne et pas chère, proposée à 2,20 €. Alors, quand il ne fait pas mauvais temps, on aborde les 1000 entrées payantes. Carhaix court 2 fois par an, sans jamais avoir eu de dates traditionnelles fixes, ce qui rend la fidélisation du public difficile. Les gens qui viennent ici peuvent ne venir aux courses qu'ici, ou alors faire la tournée des grands ducs. C'est à dire faire Rostrenen, à 20 kms, voire Corlay et Loudéac (à la frontière entre les pays Gallo et Bretons), qui sont les 4 hippodromes associés dans le Challenge de l'obstacle Centre Bretagne, et aussi dans l'acquisition de matériel dont le fameux agrivateur pour l'entretien des pistes. En Bretagne, il ne pleut que sur les cons. Voilà qui nous rassure, il n'est pas tombé une goutte de pluie quand on a passé la journée du 26 mai. Remarquez qu'il ne pleuvait pas non plus depuis un bon moment au point que les organisteurs ont dû arroser les pistes dans les jours précédents, ce qui est un comble dans cette verte contrée au printemps.

A Carhaix, ça monte et ça descend très fort. Le truc spécial, c'est que la ligne droite est très courte (environ 200 m) et est en pleine descente, non pas le long mais face aux tribunes. Le tour de piste est court (1200 m) mais les courses y sont tactiques car il faut savoir quand placer son accélération, avant la descente car c'est trop tard, mais aussi avant les montées car çà coupe le souffle ! A Carhaix, le parcours de steeple ne présente aucune difficulté majeure ni piège. Les obstacles ne sont pas très gros, bien encadrés et très simples car ils doivent se passer dans les 2 sens, y compris le chapeau de gendarme au milieu de la diagonale (ex banquette qui a été transformée) qui assure le spectacle. Les jockeys considèrent qu'il s'agit d'un bon parcours école, raison pour laquelle Christophe Herpin avait amené la bonne Daisy des Ongrais (Crillon) pour débuter en steeple-chase. Et c'est donc un manque de chance incroyable qu'elle se soit trompée sur l'avant-dernier obstacle alors qu'elle gambadait comme prévue avec une grande avance comme si elle venait de prendre le départ au saut de l'avant dernier obstacle, un petit talus sur lequel elle est partie trop grand et a tenté de faire banquette. Percutée par un autre concurrent quelques instants plus tard alors qu'elle se relevait, elle a été victime d'une fracture de l'épaule aux conséquences fatales. Et cela a été très triste pour elle, son entourage et un public de connaisseurs dont certains membres n'étaient venus rien que pour voir cette belle grise, comme cette dame rencontrée au hasard dans le public (voir la vidéo ci-dessous).

A Carhaix, même si on se plaît à se perdre dans les charmes des terres alentours, de la vallée des Saints, à la forêt d'Huelgoat, il faut quand même connaître la route, et pas seulement celle qui traverse l'hippodrome en arrivant de Carnouet ! Et c'est ainsi que le 2ème steeple s'est déroulé dans des conditions assez loufoques. Après les forfaits très regrettables de Pas de Bla Bla et de Vas Y Francki, qui nous promettaient pourtant un festival de jeux de mots de mauvais goût de ma part rien que pour votre plaisir, et celui de Stella Impériale qui a refusé de s'approcher du départ, quatre jockeys se sont trompés de parcours ! A Carhaix, on fait un tour à main gauche, puis on continue de tourner mais en changeant de main par la diagonale, puis on finit par un tour complet à main droite. Mais donc, quatre pilotes ont zappé la 2ème diagonale et on finit avec 15 jours de mise à pied, même en reprenant le parcours dans le bon sens au tour suivant...

Alors à l'arrière en selle sur Irish Douk pour Gilles Chaignon, le jeune cavalier de 20 ans Owen Thomas en a profité pour remporter sa 1ère victoire en tant que jockey. Lui qui vient de quitter les rangs de gentleman avec 2 succès en amateurs, ce gosse de Corlay est venu ici depuis tout petit et pourrait faire le parcours les yeux fermés. Sosie fascinant de Charly Milpied (non seulement il ressemble au jeune commentateur vedette d'Equidia mais en plus il parle comme lui), Owen Thomas n'a été suivi que par son seul poursuivant à ce moment de la course, Calomet de Kerza, a filé au poteau sans problème pour la plus grande joie de Jean-Victor Chaignon, le fils de Gilles, lauréat de sa 1ère course sous sa casaque personnelle à cette occasion.

Dans le 3ème et dernier steeple de la réunion, toujours sur le même parcours de 4500 m, cette fois, tout s'est passé normalement, avec en prime une magnifique lutte à l'arrivée qui s'est terminée par la victoire de Douglass pour Guy Denuault en plein retour de forme face à Alglibale, monté par Antoine Auchère qui n'a pas pu se rattraper après avoir emmené tout le monde sur le mauvais parcours à la course d'avant. Juste après le passage du poteau, Marc-Antoine Dragon nous a dit qu'il pensait avoir gagné, mais sans en être sûr, et que cela devait se jouer "un poil de cul". La preuve qu'il a bonne vue.

GALERIE PHOTOS

par Alexandra Rouxel, Bernard Cambray et Arnaud Poirier

En pleine campagne bretonne, l'hippodrome de Carhaix possède une diagonale entre les champs de blés (vert foncé) et d'orge (vert clair). La piste dans son entièreté (la ligne d'en face n'apparait pas dans cette photo) fait 1200 m de tour. La ligne d'arrivée est sur la gauche, en descente.