Miss de Champdoux : René Beaunée avait failli s'en mordre un oeil
Miss de Champdoux, montée par Johnny Charron, vient battre Arry pour remporter le Grand Steeple-Chase d'Enghien, le dernier du genre. (PHOTO APRH)
C'est une petite championne en son genre. Elle qui n'a couru que 18 fois à 7 ans, avec 2 longues interruptions de carrière, elle a remporté sa 11e victoire dans un Grand Steeple-Chase d'Enghien 2016 cette pur-sang d'un modèle assez réduit, entrainée par Philippe Peltier, est venue coiffer Arry, un AQPS élevé dans la commune voisine de celle de sa naissance, Diennes-Aubigny dans la Nièvre. Miss de Champdoux, c'est une histoire de vieux paysan, de gens aujourd'hui disparus qui avaient vécu la guerre, celle d'une France d'un autre temps soudainement remontée en d'une affiche crépusculaire lors d'une grande course en forme d'adieux. Au moins, avec son profil et son charme, Miss de Champdoux aura donné un peu de relief à la dernière édition d'une course tombée dans le plus total anonymat pour un public qui a déserté depuis longtemps cet hippodrome d'où l'obstacle va partir un soir d'automne 2016, dans quelques jours, la tête basse, sans gloire ni même un pot de départ car il faut s'y battre pour boire une bière fraîche.
Marie-Hélène Cassier avec toute la famille sur le podium aux côtés du jockey et de l'entraineur Philippe Peltier.
Miss de Champdoux est née...dans la ferme de Champdoux, à Diennes-Aubigny dans le Canton de Cercy-la-Tour, le haut lieu de l'élevage d'AQPS dans la Nièvre. Cette ferme est mené par un vieux monsieur, René Beaunée, qui est une légende vivante dans la région. Du temps de sa splendeur, ce grand chasseur était capable d'aller chercher lui-même les sangliers en rempant dans les ronces pour finir au couteau, au mépris de tous les risques. Car affronter genre de bête féroce, poilue, puante, pleine de dents et de baves, ensanglantée et acculée revient à peu près à plonger dans une piscine pleine de requins blancs avec une côte de boeuf autour du cou. Pour ce furieux de la dague, ce qui a 4 pattes ne peut être qu'un sanglier, un chien ou un bovin charollais. " Moi, quand j'étais jeune, les chevaux, je m'en foutais comme de l'an 40 " m'avait-il raconté devant un ballon de rouge, un après-midi d'hiver que je villageais par là pour chercher des bonnes poulinières que je n'ai jamais trouvées (je suis reparti avec une mauvaise...). La déco de la cuisine date des années 50. C'est à dire qu'elle était tout neuve quand elle a vu débarquer Roger de Soultrait, le père d'Yves de Soultrait, dans la ferme de Champdoux. Le chatelain venait voir son fermier, le père de René Beaunée, qu'on appelle Emile ou Victor, au choix. L'armistice avec les bosch était signé depuis 5 ans seulement. L'aristocrate cherche un nouveau cheval pour tirer la carriole qui l'emmene à la messe le dimanche. Il voit une jument nommée Alouette de Champdoux et sa fille nommée Farandole, qu'il acquiert et qui se retrouvera 4e mère du futur champion d'Auteuil Monoalco, entrainé par Philippe Peltier.
René Beaunée, l'éleveur de Miss de Champdoux. Décédé en 2014, il a transmis ses couleurs à sa fille Marie-Hélène Cassier.
A l'époque, René préfère tordre le coup des sangliers que celui des curés. Mais, bon quand même, histoire de faire comme les voisins voire les copains, il prend sans conviction une jument...Dans les années 70, il récupère une mauvaise femelle PS, Barbacena, appartenant à Robert Fougedoire qui lui donne parce qu'elle est nulle en course, en lui suggérant de tenter le coup en la croiser avec des demi-sangs dès fois que ça irait quand même. Miracle, ça marche.
Barbacena lui donne d'emblée un sauteur de qualité, Melodieux II (Flaminko), vainqueur de 6 courses dont 2 sous la férule de Jean-Claude Rouget chez qui il était placé pendant l'hiver. Suivant le conseil loufoque de Fougedoire, René Beaunée ne fait que du croisement à l'envers, sauf une fois avec King Cyrus, un américain gris par Caro, dont il conserve la fille PS King Bar comme poulinière bien qu'elle n'ait pas couru. Le 1e produit de cette dernière sera Gwenn, resté célèbre pour son succès dans le Prix du Président de la République, après 3 ans d'absence, passé chez Arnaud Chaillé-Chaillé après une déjà bon début de carrière chez François Nicolle. Les 4 autres produits de King Bar ne feront rien de leur vie. Beaunée conserve quand même une soeur de Gwenn, Timberland, par l'oublié Hawker's News, seulement 5e à Landivisiau.
Timberland, la mère de Miss de Champdoux, dans le nouveau marcheur couvert de Thierry Cyprès.
Le temps passe. Le vieil homme n'est pas comme la mer. Il vieillit. Sa fille, Marie-Helène Cassier, qui habite tout près, à Cercy-la-Tour, doit reprendre les chevaux en main mais ne peut pas élever elle-même. " Elle m'a alors demandé de m'occuper des chevaux de René", explique Thierry Cyprès, (ci-contre) qui habite sur les hauteurs de Montigny-sur-Canne (152 habitants), à 800 m à vol d'oiseau des prés de Champdoux à Diennes-Aubigny (102 habitants). " Miss de Champdoux est arrivée à la maison quand elle était yearling. Nous l'avons ensuite envoyée apprendre à sauter chez David Lumet. Elle s'y prenait bien j'ai demandé à Philippe Peltier de l'essayer, même si elle n'était pas bien grosse..." En fin d'année de 3 ans, Miss de Champdoux fait tilt d'entrée sur les haies de Pau et sous la casaque personnel de René Beaunée, jamais vu à pareil fête. 2e ensuite, Miss de Champdoux enchaine une série de 3 succès à 4 ans. Marie-Hélène Cassier avec son mari, de retour de week-end à Saint-Malo, rejoignent Thierry Cyprès pour voir la pouliche à l'entrainement chez Peltier, avec les fruits de mer dans le coffre, mais la jument se casse le jour même un pisciforme au canter ! Soignée dans la Nièvre, elle revient directement par un succès en juillet 2014 mais repart pour une nouvelle année d'arrêt complet après une chute à Dieppe ! Au contraire de son alter égao Astérix, qui est éternel, René Beaunée décède. Miss de Champdoux courra désormais pour le compte de sa fille, Marie-Hélène Cassier.
Kenzo de Champdoux, le frère cadet de Miss de Champdoux, au dressage chez David Lumet.
Enfin, depuis l'été 2015, elle enchaîne les succès dans anicroche : Grande Course de Haies de Clairefontaine et d'Enghien, puis Prix de la Gascogne et enfin ce Grand Steeple-Chase en guise d'apothéose. La fille de Voix du Nord tentera de quitter la scène sur la défense de son titre dans la Grand Course de Haies d'Enghien, puis rejoindra les prés du Domaine du Pont chez Thierry Cyprès pour y devenir poulinière. Elle y rejoindra sa mère, Timberland, vide cette année après avoir eu une fille de Saddler Maker nommée Allure de Champdoux (" target="_blank">voir la vidéo). Entre temps, Timberland n'a eu que 2 produits : Macglev (Fragrant Mix) qui a gagné sa 1e course le 16 octobre sous la férule de Fabien Lagarde, et Kenzo de Champdoux (Saddler Maker), âgé de 2 ans.
Le dauphin Arry, toujours un peu spécial, mais pétri de talent.
Le 1e entraineur de Gwenn, François Nicolle qui avait vu son voisin Chaillé-Chaillé gagner le Prix du Président de la République avec son ancien pensionnaire, aurait pu encore s'en mordre un oeil pour de vrai, puisqu'il a vu la nièce de celui-ci venir lui rafler la victoire dans le Grand Steeple-Chase d'Enghien 2016 avec Arry. Nommée en homme vibrant à Harry Potter, ce petit neveu d'Al Capone II et The Fellow est né chez Jacques Cyprès, qui habite de l'autre côté de la route départementale qui traverse Montigny-sur-Canne par rapport à son frère Thierry, donc à une portée de fusil de chasse au sanglier chez Champdoux. Arry porte la casaque de Patrick Vandemoortel, un belge que Jacques Cyprès avait rencontré par le plus complet des hasards à la créperie en face du club Mickey sur le remblais de Saint-Jean-de-Monts. Ce belge a une chance inouïe. Son 1e cheval était un oncle d'Arry déjà excellent : Quart Monde !