Sottsass : pour l'honneur de la France et sa mère magique
Pour hisser son Ecurie des Monceaux au sommet des vendeurs d'Arqana, et se maintenir à la 1ère place chaque année, Henri Bozo doit consentir de très lourds investissements dans des nouvelles poulinières tous les ans sur les rings internationaux. On peut parler en centaines de milliers de dollars, voire en millions, du côté de Keeneland ou de Tattersalls, afin d'entretenir le standard d'élite de la jumenterie des Monceaux, qui compte une centaine d'éléments hébergés sur les 300 hectares divisés en 15 fermes à peu près voisines dans le sud du Calvados, non loin de Lisieux. Le recrutement de Starlet's Sister n'a pas pu coûté un tel billet, tant sa carrière de course fut sinistre. En 4 sorties, elle n'a pris qu'une 2ème place dans un tout petit maiden hivernal de Deauville, a terminé seulement 5ème à Strasbourg et terminé dans la pampa lors de ses débuts tout comme lors de ses adieux dans une tentative aussi unique que ratée dans un handicap. Mais tout de même, on ne crache pas dans la soupe et on ne peut donc pas laisser filer une fille de Galileo qui est propre soeur de l'excellente Leo's Starlet (Prix Cléopâtre, Gr.1) et demi-soeur de la semi-classique Anabaa's Creation (Anabaa), double placée de Gr.1 dans le Saint-Alary et aux Etats-Unis. Les 3 soeurs étaient sous l'entraînement d'Alain de Royer-Dupré pour la casaque de leur éleveur américain, William Preston, un milliardaire texan du pétrole, héritier de Prestonwood Farm dans le Kentucky, un haras vendu ensuite à Winstar Farm.
Lors d'un tournage aux Monceaux, Lise Hallopé et Arnaud Poirier sont tombés nez à nez avec Starlet's Sister !
Tout s'enchaîne alors très vite. Starlet's Sister a seulement 3 ans quand elle entre dans le giron des Monceaux, après sa dernière sortie en janvier 2013, alors que tous les plans de monte sont bouclés depuis longtemps. Elle n'est pas envoyée comme beaucoup à un grand étalon international qui coûte cher, mais à Myboycharlie, revenu en France l'année précédente, tout proche au Haras du Mézeray et proposant alors un bon rapport qualité prix à 6500 €. Si elle avait raté sa carrière en course, la pouliche se rattrape vite en tant que poulinière; Elle est pleine très rapidement et donne naissance à une pouliche en mars 2014 qui deviendra la championne Sistercharlie.
Sistercharlie, le 1er produit de Starlet's Sister.
Toutefois, quand ce 1er produit est passé sur le ring, en octobre 2015, elle a été vendue seulement 12.000 €, un prix extrêmement bas eu égard au niveaux habituels de la maison Monceaux. L'année suivante, le 2ème produit par Acclamation fera à peine mieux, vendue 20.000 € au même courtier souvent très inspiré, Paul Nataf. Bref, il est temps de se séparer de la jument et comme le fait souvent le sélectif Henri Bozo avec des juments qui ne démarrent pas assez fort, l'éleveur très sélectif l'inscrit à Deauville pour la vendre en décembre 2016, alors pleine de Charm Spirit. Mais il se ravise, heureusement pour lui, et la jument sera finalement absente. Elle avait sevrée depuis quelques semaines du futur Sottsass, une fils de Siyouni dont la saillie à l'époque de la conception en 2015 coûtait 20.000 €. Henir Bozo ne savait bien sûr pas que le poulain alezan deviendrait un champion, mais peut-être avait eu des bons bruits de Sistercharlie, qui débutera pas une victoire à Deauville à la mi-décembre, quelques jours après la vente, pour l'entraînement d'Alex Pantall. Bien lui en a pris.
Henri Bozo avec son bras droit Anne-Charlotte André. (photo APRH)
Depuis 2017, tout a changé pour Starlet's Sister, passée de l'obscurité à la gloire. Exportée aux Etats-Unis juste après sa 2ème place dans le Prix de Diane, Sistercharlie y a gagné 6 Gr.1 dont la Breeders'Cup Filly & Mare Tuf et deux fois les Beverly D Stakes à Arlington pour la casaque de Peter Brant (White Birch Farm). Sa soeur par Acclamation, nommée My Sister Nat, a remporté le Prix Bertrand de Tarragon (Gr.3) à Longchamp pour l'entraînement de Francis-Henri Graffard et la casaque de Gemini Stud (Francis Teboul). Entre temps, la valeur de ses produits sur le ring a explosé. Encouragé par les succès de Sistercharlie, Brant a dépensé 340.000 € pour acheter Sottsass, que ce grand collectionneur d'art à la fortune estimée à 500 millions de dollars a nommé ainsi en l'honneur d'un célèbre architecte et designer italien. Toujours par l'intermédiaire Michel Zérolo, l'ami d'enfance de Donald Trump, ancien époux du top modèle Stéphanie Seymour, a acheté le fils de Charm Spirit né en 2017 pour 400.000 €. Ce dernier, nommé Radiant Child, est parti aux Etats-Unis après avoir été entraîné en France, sans y avoir débuté. En revanche, c'est David Redvers, pour le compte de son client qatari Cheikh Fahd Al Thani, qui a obtenu le frère par Fastnet Rock en août 2019 à Deauville pour 700.000 €, trois mois après la victoire de Sottsass dans le Qipco Prix du Jockey-Club.
Ce printemps 2019, une pouliche de Dubawi a vu le jour. Sur le ring d'Arqana l'été prochain, elle sera un évident profil de top price qui dépassera le milion d'euros, a fortiori si son frère Sottsass devance Enable dans le Qatar Prix de l'Arc de Triomphe. A moins qu'Henri Bozo ne décide de la conserver comme future poulinière, considérant que sa mère, si elle n'a que 10 ans aujourd'hui, n'est pas éternelle. C'est ce qu'on appelle avoir l'embarras du choix ! En attendant, Starlet's Sister est à nouveau pleine ce printemps de Dubawi.
NOTE :
Né en Normandie, puisque sa mère a été saillie ensuite à Charm Spirit qui faisait alors la monte à Bonneval, Sottsass, entraîné par Jean-Claude Rouget dans son écurie deauvillaise, est français jusqu'au bout des sabots. Il est de Siyouni, meilleur étalon stationné en France dans les temps modernes. Sa 2ème mère , Première Création, par le réputé Green Tune, a été 2ème du Prix Chloé (Gr.3) chez Jean de Roualle après avoir été élevée par Antoinette Tamagni (Haras du Petit Tellier).
GALERIE APRH