Mort de Shamardal, le génie miraculé à grosse tête !

17/04/2020 - Grand Destin
Darley annonce la mort, suite à une euthanasie, à seulement 18 ans de l'incroyable Shamardal. L'un des meilleurs étalons du monde, père en 2019 des 3 champions de 2 ans Earthlight, Victor Ludorum et Pinatubo, ainsi que de la vedette Blue Point, Shamardal était pourtant condamné à la mort quand il était jeune. Pas seulement par sa grosse tête inélégante qu'il transmet d'ailleurs, mais par une terrible maladie aux conséquences normalement fatales. Thierry Grandsir revient sur son destin.

 
 

La jument Helsinki, une fille du Top 2 ans Machiavellian et de la lauréate des Irish Oaks (Gr.1) Helen Street, fut envoyée au printemps 2001 par Frank Benillouche (Haras de Bernesq) à la saillie du Champion Giant’s Causeway, alors en première saison de monte en Irlande. Testée pleine, la jument fut aussitôt vendue suite aux premiers succès de son propre frère Street Cry, et traversa l’Atlantique pour délivrer, au printemps 2002, un foal aujourd’hui connu sous le nom de Shamardal.


 

Street Cry ayant de nouveau défrayé la chronique en dominant Sakhee dans la Dubai World Cup (Gr.1),Shamardal fut présenté foal aux ventes de novembre à Keeneland où il fut racheté pour $485,000. Jusqu'ici l'histoire se déroulait comme dans un rêve, mais le pire était à venir, car Shamardal fut peu après diagnostiqué porteur du Wobblersyndrom (la maladie de chien), un désordre neurologique causé par la compression de la moelle épinière dans une vertèbre cervicale trop étroite. Irrémédiablement condamné par le corps vétérinaire, Shamardal devint ainsi la propriété de la compagnie d’assurance qui le couvrait 

 

 

Mais le poulain parvint miraculeusement à se rétablir, soigné par l'agent de l'assurance américaine, Richard Ketch, un ancien maréchal ferrant entraîneur de concours hippique et adepte de méthodes vaudou. Il fut alors inscrit aux ventes de yearling Tattersalls à Newmarket où l’entraîneur Mark Johnston, qui était clairement l’un des seuls sur place à ignorer le passif du poulain, se le fit adjuger pour la modique somme de 50.000 Guinées...

Qu’importe, il conserva Shamardal dont les premiers travaux du matin s’avérèrent si prometteurs qu’il déclara à son sujet : « Mon problème n’est pas de savoir s’il gagnera en débutant, car il gagnera. J’ai juste à décider où et quand ! ».Shamardal fut donc engagé au mois de juillet à Ayr où il domina ses rivaux par 8 franches longueurs, avant de s’adjuger facilement les Vintage St. (Gr.2) devant Wilko et les Dewhurst St. (Gr.1) devant Oratorio, d’où un titre mérité de Champion des 2 ans en Europe. 

 

 

Shamardal avec Cheikh Hamdan Al Maktoum, Saeed Bin Suroor et Frankie Dettori après la Poule d'Essai des Poulains. Il avait déjà une grosse tête !

 

Seulement quatre jours avant cette course, Shamardal changea de casaque. Une sombre affaire de dette de jeu non honorée aurait été, selon les rumeurs de l’époque, à l’origine du transfert du poulain sous l’égide de l’écurie Godolphin. Bonne aubaine pour Cheikh Mohammed Al Maktoum, qui caressait alors le doux rêve de remporter le Kentucky Derby (Gr.1). Shamardal effectua donc sa rentrée sur le sable de Nad Al Sheba …pour y connaître une retentissante défaite, la seule de sa carrière !

 

 

Pour l’anecdote, le précédent lauréat des Dewhurst St. (Gr.1) ayant tenté sa chance à Churchill Downs était Dr Devious, qui avait lui aussi changé de main en fin d’année de 2 ans. Mr Craig, lassé de recevoir chaque année une cravate de la part de son épouse pour son anniversaire, avait insinué qu’il aurait aimé cette fois un peu plus d’originalité. Connaissant son rêve de Kentucky Derby, son épouse acquit Dr Devious pour le lui présenter sur la pelouse de leur propriété, à côté du gâteau. Le cheval échoua aux USA, mais il remporta le Derby à Epsom…Mesdames, si vous voulez faire plaisir à votre mari (puisse mon épouse lire ces lignes) !

 

 

Après son amère déconvenue de Dubai, Shamardal fut envoyé précipitamment à Newmarket pour y préparer les classiques européens. A cours de condition, il effectua une rentrée victorieuse et courageuse dans la Poule d’Essai des Poulains (Gr.1) avant d’enchaîner dans un Prix du Jockey Club (Gr.1) où il conserva un minime avantage sur le Champion Hurricane Run. La course se disputait pour la première fois sur 2100 m (au lieu de 2400), et le requiem de Haendel qui retentit ce jour là sur l’hippodrome avant le défilé fit dire à un employé de France Galop, non dénué d’humour : « Que c’est triste, on enterre quelqu’un aujourd’hui ? Ah oui, les 300 derniers mètres du Jockey Club… ».

Seulement neuf jours plus tard, Shamardal remporta un ultime succès dans les St James’s Palace St. (Gr.1) au prix d’une accélération foudroyante dans la ligne droite. Invaincu en six sorties sur gazon sans jamais avoir été devancé en course, menant chaque fois du départ à l’arrivée, Shamardal entra au haras où il devint l’un des meilleurs reproducteurs européens. Géniteur du classique Lope de Vega, il réalisa en 2019 une saison exceptionnelle avec ses 2 ans Pinatubo, Earthlight et Victor Ludorum, invaincus en 14 sorties dont 5 Gr.1 à eux trois !

 


Victor Lodurum, l'un des 3 champions de 2 ans par Shamardal cette année, avec Earthlight et Pinatubo. (photo APRH)

 

Les chevaux capables de vaincre un désordre physiologique à l’issue généralement fatale ont de fait une force vitale supérieure à la norme, et Shamardal n’est pas le seul exemple en la matière. Nous pensons en particulier à Anabaa, condamné lui aussi en raison du Wobblersyndrom, et qui fut offert par Cheikh Mohammed Al Maktoum à Alec Head devant la volonté de ce dernier de tout tenter pour le sauver. Anabaa deviendra le Champion Sprinter que l’on sait, et lorsque Alec Head proposa à Cheikh Mohammed de lui rendre le poulain, il reçut une réponse tout aussi princière que son offre : « On ne rend pas un cadeau. Le cheval est à vous, et le restera ! ». Un cadeau qui se couvrira de gloire au haras, via l’inoubliable Goldikova !

 


Anabaa, autre crack soignée de la maladie de chien, au paddock du Haras du Quesnay
 

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