L'histoire de DNA Pedigree : Isonomy, un mental de vainqueur
Isonomy (1875-1891), par Sterling et Isola Bella (Stockwell)
En grand professionnel qu’il était, l’entraîneur anglais John Porter faisait sa tournée des haras avant chaque vente de yearlings, histoire de repérer les individus qu’il pourrait conseiller à ses propriétaires. C’est ainsi qu’en l’an 1876, lors de sa visite à Yardley Stud près de Birmingham (GB), il remarqua dans un groupe d’une vingtaine de yearlings lachés au paddock un poulain de taille fort modeste, à vrai dire le plus petit du lot, qui se distinguait clairement des autres par sa volonté de galoper plus vite qu’eux, se faufilant avec détermination sans se laisser impressionner le moins du monde…
Présenté à Doncaster, ce jeune yearling très en retard sur le plan physique (car natif du mois de mai) était par l’étalon Sterling et la médiocre mais très bien née Isola Bella (fille de Stockwell et sœur utérine d’un vainqueur du Grand Prix de Paris). John Porter signa l’enchère gagnante à 320 Guinées pour le compte de Fredrick Gretton, brasseur de son état. Une recrue au pedigree inbred sur le Chef de Race Birdcatcher (en 3x4) et multipliant les lignes de Sir Hercules (4x5x5x5) et de la jument Guiccioli (4x5x5) qui fut baptisé Isonomy, un nom choisi dans le dictionnaire car commençant par "Iso" (comme sa mère) et évoquant l’égalité devant la loi et devant les droits. Il fut aussitôt transféré à Kingsclere, dans l’écurie de son entraîneur.
À 2 ans, Isonomy n’avait guère grandi depuis son acquisition, et il ne grandira d’ailleurs pas beaucoup plus ensuite. L’encolure un peu trop courte, il avait par contre de la puissance dans l’arrière-main et sa profondeur de côtes forçait l’admiration, comme son tempérament coopératif et toujours très motivé. Associé à son fidèle partenaire Tom Cannon, il entama sa carrière par une place de troisième au début du mois d’août, à Brighton, avant d’ouvrir son palmarès sur 800 m à Newmarket dans les Second Nursery Stakes, et de conclure sa saison par une courte défaite, à une tête de Beadman, sur le même hippodrome. De belles promesses en vue des épreuves classiques, dans lesquelles son propriétaire, Fredrick Gretton, décida en fait de ne pas l’engager. C’est que l’homme caressait pour son cheval un tout autre projet, qu’il dévoila en ces termes à John Porter : "Vous ne le courrez qu’une seule fois l’année prochaine, dans le Cambridgeshire Handicap !".
Lorsque vous avez la conviction de détenir l’un des meilleurs poulains de sa génération et que vous ètes joueurs dans l’âme, il est tentant de l’orienter sur un programme plus à sa portée, et surtout plus rémunérateur que la voie classique. Le Cambridgeshire Handicap était alors une course très populaire, richement dotée et parfaite pour "faire un coup"…
Bien qu’ayant multiplié les gazons à l’entraînement, Isonomy n’avait pas couru depuis douze mois et ses performances de juvenile étaient déjà tombées dans l’oubli. Outsider à 40/1 face à 33 adversaires de qualité, il fit sensation en s’imposant facilement par deux longueurs, permettant à son propriétaire d’empocher £42,000 sur un gros pari gagnant en sus de l’allocation de la course. Des gains bien supérieurs à ce qu’aurait rapporté le cheval s’il avait remporté les 2000 Guineas St., le Derby et le St Leger cette année-là !
Isonomy, vainqueur du Cambridgeshire et de la triple Cup !
Enfin libre d’engager le cheval à sa guise, John Porter proposa à Isonomy un programme qui fit de lui le stayer le plus populaire de son temps. S’il disputa le célèbre Great Ebor Handicap, qu’il remporta par 8 franches longueurs, Isonomy s’adjugea surtout à 4 ans la triple Cup, à savoir l’Ascot Gold Cup (Gr.1), la Goodwood Cup (Gr.2) et la Doncaster Cup (Gr.3), exploit qui ne sera réédité que 70 ans plus tard par Alycidon !
A nouveau vainqueur de l’Ascot Gold Cup (Gr.1) à 5 ans, Isonomy entra au haras riche de 10 succès en 14 sorties. Stationné à Bonehill Paddocks où il se révéla peu fertile, il repassa sur un ring de vente en 1883 suite au décès de son propriétaire. Acquis par la Duchesse de Montrose, le jeune étalon intégra Sefton Stud l’année suivante, un haras flambant neuf construit sur les terres d’une ancienne ferme laitière et managé par John Griffiths qui s’écria, en découvrant Isonomy : "Il est beaucoup trop gros pour produire des foals !". Après quelques semaines de diète, Isonomy devint l’un des reproducteurs les plus populaires et les plus prolifiques de son temps, engendrant notamment les classiques Common (2000 Guineas, Derby, St Leger), Galaor (Prix Royal-Oak), Isinglass (2000 Guineas, Derby, St Leger) et Seabreeze (Oaks, St Leger) !
Gallinule, un fils de Isonomy qui a profondément amélioré l’élevage irlandais
Transmettant volontiers sa rage de vaincre, Isonomy établit une lignée mâle efficacement relayée par Gallinule en Irlande et par Isinglass, ancêtre direct du Chef de Race Blandford. Ne cherchez pas, Isonomy est présent dans tous les pedigrees de nos pur-sang contemporains... Même Sherlock Holmes, sous la plume de Sir Arthur Conan Doyle (1892 - "Flamme d'Argent" ou "Silver Blaze" en version originale), le mentionna en s’adressant au Dr. Watson : "Silver Blaze descend de Isonomy, et possède un palmarès aussi brillant que celui de son glorieux ancêtre !". Elémentaire, mon cher…