Sunday Silence, le caractériel génie dont personne ne voulait aux Etats-Unis

07/11/2023 - Zoom Etalon
En remportant la Breeders’ Cup Turf, Auguste Rodin a brillé aux Etats-Unis, un pays où son illustre grand-père Sunday Silence a brillé en piste, mais dont les étalonniers n’ont pas voulu à cause de son tempérament volcanique et de son pedigree de seconde zone.

 Sunday Silence, délaissé par les américains, adulé par les japonais

 
 
 
Une enfance digne de Calimero
 
L’un des temps forts de la 40e édition de la Breeders’s Cup aura assurément été le sacre d’Auguste Rodin dans la Breeders’ Cup Turf, monté de main de maître par Ryan Moore. Le poulain à la robe noir ébène et la tête reconnaissable entre mille, est le portrait craché de son illustre grand-père, le génie volcanique Sunday Silence, dont les américains n’ont pas voulu. Né en 1986 au Kentucky, Sunday Silence est issu d’un cheval de turf au caractère bien trempé nommé Halo et d’une mère lauréate de Gr.2, mais issue du très médiocre Understanding. Doté d’une très élégante robe sombre, le foal était surnommé "Uglyduck", le vilain petit canard en raison de sa démarche dégingandée, de ses genoux creux et de ses pieds sensibles.
 
 
 Sunday Silence avec sa mère
 
 
Avec toutes ces caractéristiques, Sunday Silence ne partait pas du meilleur pied pour briller en piste. Il avait de plus échappé plusieurs fois à la mort, en étant touché par un virus, et d’autres fois en s’échappant de son haras. Présenté une première fois en vente foal, puis yearling, ainsi que dans une breeze up à 2 ans, le poulain fut à chaque fois racheté par son éleveur Arthur B. Hancock. De retour des ventes, le chauffeur qui transportait Sunday Silence fit une crise cardiaque et le van se renversa. Grièvement blessé, le poulain passa une semaine à la clinique vétérinaire. Hancock envoya par la suite son cheval à l’entraînement chez Charles Whittingham.
 
 
Staci et Arthur Hanckok avec leur élève Sunday Silence
 
 
Un caractère volcanique et des duels épiques en piste
 
Là encore, Sunday Silence continua à vouloir se distinguer négativement. Très compliqué, le fils de Halo envoyait au tapis tous les cavaliers qui tentaient de le monter. Et ce jusqu’à ce que l’homme providentiel, le doué mais folklorique Pat Valenzuela, parvienne à apprivoiser la tornade. En piste, Sunday Silence utilisait son caractère autoritaire de la meilleure  manière, ne voulant laisser aucun cheval le devancer. Avec son action fluide et aérienne, le poulain pourtant peu précoce montra rapidement à son entourage que s’il ne « tournait pas vinaigre », il était destiné à de très grandes choses.
 
 
Oreilles couchées et désir de vaincre, Sunday Silence était un vrai guerrier en piste
 
 
S’il est vainqueur de maiden à 2 ans, c’est à l’âge de 3 ans que Sunday Silence commença à rentrer dans la cour des grands. Après ses succès dans les San Felipe Stakes (Gr.2) et le Santa Anita Derby (Gr.1), le poulain s’annonçait comme l’un des principaux prétendants à la course reine : le Kentucky Derby. L’Amérique se languissait d’un duel entre le prétendant venu de l’Ouest et le phénomène de l’Est, Easy Goer. Champion à 2 ans, ce dernier fut peu à l’aise sur la piste détrempée de Churchill Dows le jour du Derby, et fut battu par deux longueurs et demi par Sunday Silence. Quinze jours plus tard dans les Preakness Stakes, l’écart entre les deux champions se réduisait nettement. Ce jour-là, les fans de courses américains étaient témoins d’un des duels les plus épiques de l’histoire. Au coude à coude durant toute la ligne droite, les deux cracks se livraient un duel sans merci. Porté par sa hargne, Sunday Silence parvint à mettre sa tête sur le poteau pour l’emporter.
 
 
 
Revivez la lutte acharnée entre Sunday Silence et Easy Goer
 
 
Lors des Belmont Stakes, Easy Goer prit finalement sa revanche et priva Sunday Silence de la Triple Couronne. En fin de saison, les éternels adversaires se retrouvaient pour un dernier choc des titans dans la Breeders’ Cup Classic à Gulfstream Park en Floride. Pat Valenzuela étant suspendu pour consommation excessive de cocaïne, Sunday Silence fut associé pour la première fois à Chris McCarron. Comme dans le Derby, la rage de vaincre de Sunday Silence fit la différence et il devança Easy Goer d’une encolure seulement. A l’issue de cette saison de 3 ans, le japonais Zenya Yoshida se portera acquéreur de 25% du cheval pour 2,5 millions de dollars, en vue de réaliser un substantiel profit lors de sa future syndication. Un simple placement financier (pour $2,500,000), qui prit une tournure inattendue : d’abord parce que la carrière de Sunday Silence s’acheva en ce début d’année de 4 ans (rupture d’un ligament), et ensuite parce que la syndication tourna court, faute d’investisseurs intéressés par ce vilain canard.
 
 
 Zenya Yoshida n'aura pas eu le temps de voir les miracles réalisés par Sunday Silence,  puisque décédé quand les premiers étaient yearlings. C'est son fils Teruya (en photo) qui a veillé à la destiné de l'étalon à Shadai Farm
 
 
Légende au haras et héritage mondial
 
A la peine financièrement, Arthur Hancock dû se résoudre à vendre les parts de son champion. Convaincu du potentiel de Sunday Silence, Zenya Yoshida signa un nouveau chèque de 7,5 millions de dollars pour devenir l’unique propriétaire du cheval. Ces 10 millions de dollars firent bien rire les étalonniers américains, qui ne voulurent pas de ce cheval au sale caractère au pedigree creux. Ils allaient bientôt se mordre les doigts de voir une telle pépite s’envoler à tout jamais. Installé à Shadai Farm, Sunday Silence devint le meilleur étalon de l’histoire au Japon, étant tête de liste sans interruption de 1995 à 2007. Mort en 2002 à l’âge de 16 ans, l’étalon noir a continué à marquer de non emprunte les courses mondiales via ses fils, et surtout le plus illustre d’entre eux : Deep Impact.
 
 
 Sunday Silence, star en piste et encore plus au haras
 
 
Doté lui aussi d’une classe hors norme, Deep Impact a fait aussi bien, voire mieux que son illustre père. Lui qui était doté d’un physique digne d’un yearling a remporté 9 titres de Champion Sire consécutifs au pays du soleil levant, devenant le père de nombreuses stars au Japon comme à l’internationale. Régulièrement, les plus grands éleveurs européens lui envoyaient leurs meilleures juments. C’est le cas de Coolmore qui a présenté la triple lauréate de Gr.1 Rhododendron à Deep Impact en 2019. De cette union a est né un certain Auguste Rodin. Désormais quintuple vainqueur de Gr.1, celui qui ressemble comme deux goutes d’eau à son grand-père pourrait tenter le pari dans la Breeders’ Cup Classic. A l’issue de sa carrière de course, Auguste Rodin pourrait rentrer étalon aux USA, ramenant le sang de Sunday Silence dans un pays qui n’en a pas voulu 40 ans auparavant.

 
 Son petit-fils et portrait craché Auguste Rodin pourrait faire la monte aux USA, un pays qui l'avait délaissé 40 ans plus tôt

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