Auctav Vente d'obstacle : comment juger du niveau du verre ?

22/09/2024 - Ventes & Shows
Avec un top price à 120.000 €, un rachat à 390.000 € et 52% de vendus, la 2e édition de la vente d'obstacle Auctav peut être vue selon les angles comme un verre à moitié vide ou à moitié plein compte-tenu du contexte. Lire l'analyse, voir les vidéos et la grande galerie phtos.

 

Depuis qu'elle organise des ventes "en dur" après avoir démarré son activité sur le principe des ventes online, l'équipe d'Auctav ne ménage pas ses efforts pour mettre les petits plats dans les grands lors de ses 3 événements qui se déroulent dans le magnifique écrin du Haras du Bois Roussel. Après la vente de yearlings de trot et la vente des Rouges Terres, la vente d'obstacle avait très fière allure avec son catalogue d'environ 150 chevaux, enrichi par de très belles wild cards et pour la 1ère fois par les 15 produits envoyés d'Angleterre par Yorton Farm (David Futter). Et dans les jours précédents ce vendredi 20 septembre, la 1ère édition de cette vente d'obstacle, en 2023, a pu se revendiquer de 2 très bons vainqueurs de 3 ans à Auteuil : Musique Maestro (50.000 €) dans le Prix Finot et Olympic Story (95.000 €) dans le Prix Robert Lejeune (Gr.3).

 

 

Le site du Bois Roussel, en constante rénovation, était donc très bien rempli par de nombreuses figures des courses d'obstacle, venues de toute la France mais peu de l'étranger. Et c'est bien là où le bât blesse. Car le monde de l'obstacle est entré dans la cour du grand business dans les 30 dernières années grâce et uniquement grâce aux portefeuilles des propriétaires anglais. En 1996, le futur crack AQPS Edredon Bleu était acheté à son entraineur propriétaire Michel Peltier, après 4 succès consécutifs dont le Prix Jean Noiret, pour la somme de 700.000 francs, soit un peu plus de 100.000 €, une somme paraissant folle à l'époque. Nous vivons dans un autre monde aujourd'hui, sans doute un peu trop merveilleux, ayant aussi oublié la crise de 2008 et personne ne comprend que les tarifs des chevaux d'obstacle peuvent se tasser si l'Angleterre tousse.

 

 

Car plus que tousser, l'Angleterre souffre littéralement de la grippe pour des raisons non sportives mais politico- économiques. La nullité absolue et l'incurie irrresponsable de la classe politique locale depuis de nombreuses années ont fini par plonger le pays dans un brexit non assumé mais aux conséquences aussi profondes que dramatiques. Et quand les anglais pensaient filer à l'anglaise, c'est à dire divorcer en partant avec la maison, la voiture et la garde des enfants, ils se sont heurtés à une montagne savoyarde nommée Michel Barnier, un négociateur européen irrascible qui les a mis face à leur gueule de bois. Depuis, ils boivent le calice et ne voient pas encore la lie.

 


Le top price, Catch on Me, acheté 120.000 € par Guy Petit pour Venetia Williams.


Guy Petit

 

Certes, l'Irlande hippique, portée par l'extraordinaire Willie Mullins, ses propriétaires mais aussi ses principaux rivaux (Gordon Elliot, Henry de Broomhead, etc...) est beaucoup montée en puissance, prenant d'ailleurs une revanche cinglante après 1000 ans de vassalité géostratégique face au Royaume-Uni colonisateur. Mais l'ile celte, entrée dans l'Union Européenne à l'état de tiers-monde en 1973, abrite seulement 5 millions d'habitants et donc un potentiel de clients qui ne peut pas compenser la masse du Royaume-Uni avec ses 67 millions d'habitants. Sans oublier que les socio-professionnels irlandais sont culturellement des commerçants, qui ont toujours basé leur business plan sur la vente ou la revente de leurs chevaux aux clients anglais, et notamment les poulains qu'ils ont achetés 2 ou 3 ans plus tôt dans les prés des éleveurs français alors qu'ils étaient foals.

 


Clotilda, une fille de Clovis du Berlais achetée 100.000 € par Tom Malone.

 

Comme disait le grand philosphe, Jacques Chirac, les emmerdes volent toujours en escadrille. Ainsi, les déluges tombés depuis l'automne dernier sur l'Irlande et l'Angleterre tout comme sur la France ont provoqué les annulations en cascade des Point to Point en tout début d'année. Ces réunions de courses d'obstacle ne se disputent pas sur des hippodromes officiels et les terrains défoncés lourds empêchaient tout simplement les tracteurs d'amener les fences mobiles car ils provoquaient des ornières sur les parcours. Comme quoi, un business international peut se jouer à peu de choses, car tous les préparateurs de point to point, qui sont aussi de gros acheteurs de jeunes chevaux en France, n'ont pas pu courir donc pas pu vendre ni remplir les caisses...

 


La Grande Zhora, vendue 80.000 € à Hubert Barbe pour Hubert O'Dolant.


Hubert O'Delant et Hubert Barbe.

 

Les vents actuels sont donc contraires pour le marché de l'obstacle, ce qui ne signifie pas qu'ils gonfleront à nouveau les voiles à moyen terme, tant à travers l'Histoire, le peuple anglais ayant su démontrer une extraordinaire capacité de résistance et de rebond. Et si la France traverse une période également très difficile, elle peut au moins se rassurer d'avoir échappé pour cette fois à la gauche au pouvoir !

 


Moise Madrik, fille de Moises Has achetée 65.000 € par Bertrand Le Metayer.


Bertrand Le Metayer.

 

Donc si les 52% de vendus ne constituent pas un chiffre très flatteur a priori, on peut aussi considérer que vu le contexte, le verre est quand même à moitié plein. Il y a des acheteurs français, la preuve avec Hubert O'Delant qui a acquis via Hubert Barbe pour 80.000 € la jeune poulinière La Grande Zhora, soeur du champion Fastorslow par Martaline, et présentée pleine de Saint des Saints. Elle sera la 14e poulinière du Haras de Couély, un magnifique domaine créé par Hubert O'Delant en Loire-Atlantique dans l'objectif de créer une jumenterie d'obstacle haut de gamme. La Grande Zhora n'était que la 2e jument pleine de Saint des Saints en vente publique cette année, après une autre présentée online en tout début d'année, sur laquelle Couély fut d'ailleurs sous-enchérisseur pour la même gamme de prix.

 

 

Et les anglais n'ont pas complètement disparu, puisqu'ils sont heureusement à l'origine des deux plus gros achats de la vente. Tom Malone a mis l'enchère gagnante online à 100.000 € pour Clotilda, une belle fille de Clovis du Berlais âgée de 3 ans qui a l'avantage d'être bonne mais aussi novice car placée pour ses 4 premières tentatives chez Patricia Butel et Jean-Luc Beaunez. Et bien sûr, le top price est attribué à l'entraineur anglaise Venetia Williams, via Guy Petit qui travaille pour elle depuis la nuit des temps, à 120.000 € pour le 4 ans Catch On Me, fils de Martinborough. Cet élève de Jean-Philippe Dubois (Haras de Fresneaux) avait été racheté pour 190.000 € à la vente d'été Arqana en juillet, juste après une victoire à Vichy. Depuis, il a conclu 5e à Dieppe et 3e à Auteuil.

 

 

Comme quoi, contrairement à l'expression lapidaire, la famille Dubois ne rachète pas toujours tout, même si ses membres défendent ardemment leurs produits sur les rings, comme Fort Knox à 80.000 €, et bien sûr Martinborough (père de Catch On Me) pour 390.000 €. C'est une somme évidemment considérable pour un étalon qui fait la monte à 3 000 € et âgé de 15 ans, donc très difficilement assurable, même s'il a donné un gagnant de Gr.1 à Cheltenham au printemps. Pour un acheteur français, contraint pour ce cas précis d'établir un calcul de rentabilité en une seule saison, voire deux mais en prenant des risques, avec un prix de saillie qui pourrait augmenter à 4500 €, ce prix n'est raisonnablement pas accessible.

 




Martinborough, racheté 390.000 €


Il ya  eu d'autres rachats pour de fortes sommes par différents vendeurs, comme Ladiva Smart, récente gagnante du Prix Richard de Gennes (Gr.3 AQPS) pour 150.000 €, Majestika pour 118.000 €, mais aussi, de façon beaucoup plus étonnante, le futur étalon Sisfahan pour 200.000 €. On retrouve ici, comme un peu partout dans les dernières années, des exigences très élevées de la part des vendeurs des "stallion prospect", ce qui oblige les étalonniers à augmenter les prix de saillies dans leur calcul d'amortissement. Dangereuse spirale inflationniste dont les conséquences sont imparables : les coûts de production qui grimpent et les rachats qui s'accumulent.

 


Le lot 9, Une yearling de Goliath du Berlais achetée 32.000 € par le Haras d'Etreham.


Hugo Merienne


O'Haras Madrik, un splendide foal de Goliath du Berlais vendu 40.000 € à Guy Petit.


Jean-Pierre Dubois, le chef


Fort Knoxs, racheté 80.000 €.


Mathieu Pitart en inspection.


Le lot 60, un yearling de No Risk At All achetée 50.000 € à l'amiable par George Mullins.



Aquila d'Amsyl, acheté 30.000 € par Nicolas Lefebvre.


Nicolas Lefebvre


Kefir des Bordes, racheté 50.000 €


Ladiva Smart, rachetée 150.000 €


Cameron de Fiacre, acheté 45.000 € par Toby Jones


Toby Jones


Sisfahan, ancien vainqueur du Derby Allemand, aujourd'hui âgé de 6 ans, racheté 200.000 €.


Majestika, rachetée 118.000 €

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