Disparition d'Antoine Bozo : la planète courses en deuil

03/08/2020 - Actualités
La triste nouvelle s’est répandue tout au long de la journée d’hier : Antoine Bozo est décédé dans la nuit de samedi à dimanche à l’âge de 83 ans. C’est une grande figure des courses et de l’élevage français qui nous quitte. Issu d’une famille ornaise d’Alençon, il a consacré sa vie professionnelle aux chevaux. Christine Dutertre, sa collaboratrice au Haras du Mezeray pendant près de 16 ans, a rédigé ces quelques lignes en son hommage.

 

Une superbe photo pour une superbe journée : le champion Trempolino reçoit un baiser de Mme de Moussac et les félicitations d'Antoine Bozo, après sa victoire dans l'Arc de Triomphe 1987.  ©APRH

 

C’est par un tweet que son fils Henri a annoncé la nouvelle. Les quelques mots exprimés  résument tellement bien la vie de son papa : « il aimait sa famille, il aimait les chevaux, et il avait tellement d’amis... ». Il est fort à parier que de nombreux messages de sympathie sont arrivés de tout l’héxagone et du monde entier vers le petit village de Courtomer (61) où Antoine et Claire Bozo avaient choisi de vivre après une vie professionnelle bien remplie.

 

Diplôme agricole en poche, Antoine Bozo avait débuté sa carrière comme stagiaire au Haras du Bois Roussel, puis il prit la direction du Haras de Mortrée avant de rejoindre Paul de Moussac dans les années 70 pour prendre les rênes du Haras du Mézeray. L’association de ces deux hommes sera magique ! Tous deux de grande stature, ils ne passaient pas inaperçus dans les allées des ventes à Deauville, Tattersalls, Goffs ou  Keeneland. Aux courses, il en était de même et lorsque la réussite de la casaque abeille s’installa, une complicité et  une amitié indéfectible fut scellée. 

 

 

Antoine Bozo et Charles-Henri De Moussac, un duo tout terrain dans les allées de Deauville ©APRH

 

Charles Henri, le fils de Paul, rejoindra ensuite le tandem et de grands noms du turf s’écrirent alors sur les pages du Mézeray : 2 gagnants d’Arc, Trempolino et Subotica, la merveilleuse Luth Enchantée, le champion Apple Tree, la petite crack Amonita et bien d’autres encore. Au décès de Paul de Moussac en 1995, Antoine et Charles Henri continueront ensemble l’aventure, avant le départ à la retraite d’Antoine en 2000. Charles Henri de Moussac a cette phrase extraordinaire en évoquant son ancien directeur, devenu au fil des ans « un ami, un membre de la famille »  : « je crois que les chevaux lui parlaient... »

 

Tellement vrai ! Il est ainsi devenu banal de caractériser tel ou tel de « grand homme de cheval ». Concernant Antoine Bozo, les mots prennent tout leur sens et lui vont si bien.  Un œil expert, un jugement sûr, une bonne connaissance des modèles, familles et croisements  suffisent ils ?  Oui, certainement, mais il y avait un petit quelque chose en plus chez lui qui faisait la différence. Un don, du feeling, l'instinct, les chevaux lui parlaient-ils ? Ses fils Henri et Ghislain ne s’y trompaient d’ailleurs pas, eux qui, après avoir fait une sélection de quelques yearlings aux ventes, envoyaient volontiers leur papa en mission d'ultime inspection avant que ne tombe le marteau….

 

 

 Henri et Ghislain Bozo ©APRH

 

Cet amour pour le cheval, Antoine Bozo l’a vécu, exprimé chaque jour de sa vie professionnelle : extrêmement respectueux envers l’animal, patient, pointilleux et exigeant pour son suivi, attentif à chaque détail. Ses collaborateurs au haras l’avaient appris à leurs dépens : il n’était pas question de se contenter de l’à peu près... 

Si Antoine Bozo aimait le cheval et tout ce qu’il représentait, il était aussi un remarquable manager d’hommes et de femmes. En fait, il avait le goût des autres… Pas facile d’être chaque jour, quel que soit le temps, à travailler dehors, à curer des boxes. Pour  chacun de ces travailleurs de l’ombre, il avait toujours un petit mot gentil et était attentif, prêt à aider pour un souci personnel. D’aucuns parleraient de paternalisme, un peu péjorativement. Non, ce n’était que s’intéresser à l’autre, à sa vie, avec respect et gentillesse sans jamais occulter l’exigence requise pour le travail. 

Travailler aux côtés d’Antoine Bozo impliquait rigueur et engagement. Mais la confiance qu’il savait placer dans chaque membre de son équipe, à quelque rang qu’il se situait,  contribuait à créer une alchimie positive et dynamique pour fédérer une équipe de qualité autour de lui. 

 

Philippe Augier, alors à l'Agence Française, récompense l'équipe du Mezeray après la victoire de Subotica dans l'Arc de Triomphe 1992 

 

Mais la vie d’un homme, son passage sur la terre, ne peut se limiter  à des compétences ou à une  réussite professionnelle. Une vie aboutie, riche, pleine se nourrit aussi et surtout de la famille. Et c’est une jolie famille qu’ont fondée Claire et Antoine Bozo. Il en était extrêmement fier et au cours de conversations à bâtons rompus, il y avait toujours l’incontournable et réciproque question  « Et comment vont les enfants ? » Alors,  il en parlait toujours avec amour, tendresse et fierté, portant cependant un regard objectif et juste sur la vie de chacun. Les murs de la grande maison de Canapville au Mézeay résonnent peut-être encore des cris et rires de cette joyeuse fratrie de 5 enfants, parfois indisciplinée mais tellement attachante !... Et puis le temps a passé. Et  la famille s’est agrandie pour le plus grand bonheur  d’un « bon-papa » tellement comblé. 

 

Antoine Bozo puisait aussi la richesse de sa vie auprès de ses amis. Qu’ils étaient nombreux ! Et de par le monde entier… Il aimait les gens et il avait su tisser de nombreux liens, sans doute pour beaucoup professionnels d’abord qu'il savait ensuite transformer en liens amicaux. Droit, bienveillant, fidèle, toujours à l’écoute, il avait beaucoup d’élégance dans le propos et de la classe dans l’expression, mais jamais avec emphase ou snobisme.

 

Elizabeth et André Fabre, en compagnie d'Antoine Bozo, à Deauville en 2009 ©APRH

 

Alors oui, une belle personne s’en est allée. Les hommages seront nombreux et sincères… Antoine Bozo le mérite. Parmi ceux rendus, il en est un dont la voix va résonner particulièrement. Celle d’André Fabre… Très gentiment, il a accepté de me dire quelques mots sur le départ de son ami Antoine Bozo : 

«  J’associe Paul de Moussac à la mémoire d’Antoine Bozo. Les années où j’ai travaillé avec Paul et Antoine ont été pour moi les plus profitables et les plus belles de ma vie professionnelle. J’ai toujours eu le même plaisir à voir Antoine et lui parler.  C’était un grand professionnel, avec un caractère toujours égal et positif... » André Fabre évoque aussi comme bon souvenir « les visites au Haras en compagnie d’Antoine et les déjeuners avec la famille de Moussac... »

 

La vie est ainsi faite qu’elle s’arrête un jour… Pour Antoine Bozo, c’est arrivé un jour d’été. Nous sommes tous très tristes. Lui qui aimait tant la vie, assurément il n’aimerait pas cette tristesse !. Il préfèrerait sûrement nous voir tous un bon verre de whisky ou une coupe à la main, évoquer tant de bons moments vécus ensemble.

Lors des prochaines ventes de yearlings, une silhouette nous manquera très bizarement sur le site de Deauville. Mais faisons lui confiance ! Il saura encore et toujours nous faire un petit signe d’amitié pour nous rappeler  tous les doux souvenirs que chacun partage avec lui...

 

Les obsèques d'Antoine Bozo se dérouleront ce mercredi 5 août, en la Cathédrale de Sées à 14h30. Toute l'équipe de France Sire se joint à Christine et présente ses sincères condoléances à son épouse Claire, ses enfants et petits-enfants et à tous ses proches.

 

 

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