Roman en série de Guillaume Macaire : chapitres 30 et 31

09/09/2021 - Actualités
Après une pause au mois d'août, nous reprenons le récit du crack entraineur avec la mort qui rôde...  L'infortuné Juan Bautista, jeune jockey espagnol en plein devenir en France, se retrouve enfermé au fond d'une cave par sa compagne un peu trop jalouse et vengeresse. Va-t-il pouvoir se sortir de cette sale histoire en échappant à cette diablesse de Bérengère ? Guillaume Macaire vous réserve de nouvelles surprises dans les deux paragraphes suivants.

 

Résumé du 1er roman : l'un des top jockeys de plat en France, Jean-Barnabé Ermeline se préparait à disputer avec une 1ère chance le Prix de l'Arc de Triomphe en selle sur son champion Enigmatique. Mais à la suite d'aventures rocambolesques, il se retrouve à l'hôpital avec une balle dans la cuisse. Télécharger " A Cheval, à pied ou en voiture. "

 

 

CHAPITRE 30 : PANIQUE !

 
Après plusieurs heures d’acharnement, Juan Bautista avait réussi à percer la porte de la cave et pouvait à présent y passer un doigt. Le couteau continua son œuvre et bientôt JB put y passer le goulot de la bouteille de cidre bu auparavant. Il s'empara d'une autre bouteille vide et fit une boule avec la veste de chasse pour amortir le bruit des chocs entre les deux culots dès lors qu'il tapait l'un avec l'autre pour tenter de déformer la partie de la porte près de la serrure, pour y passer le poignet et faire tourner la clé. Il était épuisé mais son désir d'évasion décuplait ses forces et sa volonté.
 
La porte s'ouvrit enfin.
 
Il était en sueur et une fois sur le palier, alors qu'il réhabituait ses yeux à la lumière du jour, il réalisa qu'il n'avait pas pensé à comment quitter cet endroit de malheur. La maison était vide et la voiture de Bérengère n'était plus là... la sienne non plus…
Il gagna le salon pour appeler en se servant du téléphone fixe de la maison. Alors qu'il décrochait et s'apprêtait à composer le numéro de son patron, celui-là au moins il le connaissait par cœur, il entendit un moteur de voiture dans la cour… C'était la voiture de Bérengère...
 
Lui échapper était maintenant la seule option pour lui, et d'abord en se cachant ! En voyant la porte de la cave ouverte, Bérengère pourrait peut-être penser que l'oiseau s'était envolé... Pour vraiment l'aiguiller dans cette voie, il ouvrit la porte de la cuisine qui donnait sur l’arrière de la maison, côté opposé à la cour où elle avait garé sa voiture. Il ne lui restait plus qu'à espérer qu'elle tente de le retrouver… et quitte les lieux. Une penderie lui offrit une cachette providentielle. Bérangère remonta en voiture espérant qu'il n’ait pas eu le temps de s’échapper bien loin.
 
« À pied il ne peut pas aller très loin. Tant qu'il n'a pas atteint la nationale, il aura du mal à arrêter une voiture »  pensa-t-elle en démarrant avec rage.
 
Juan Bautista sortit de sa cachette dès qu'il entendit la voiture s'éloigner. Il fit rapidement le tour de la maison pour constater que sa voiture n'y était plus et que les moyens pour le transporter hors d'atteinte de cette folle étaient restreints. Dehors, il faisait encore plus froid et humide que dans la cave, il retourna dans la maison pour trouver un manteau ou un vêtement quelconque pour parer l'offensive de la météo s'il devait rester dehors plus longtemps qu'il ne l'aurait souhaité… puis il retourna vers le téléphone…
 
Dans un état d’affolement avancé, Bérengère roulait en direction de Senlis dans l'espoir de retrouver son prisonnier en cavale. Elle roulait à vive allure sur des petites routes qui ne le permettaient pas et se mit en danger plusieurs fois.
Elle aperçut au loin venant vers elle un véhicule de gendarmerie... Son sang ne fit qu'un tour, elle s’imagina que le pot aux roses était découvert.
 
Prise au piège à son tour,elle pensa que le fourgon bleu ne se trouvait sur cette route que pour elle. Son état de panique ne lui permettait plus aucun raisonnement construit et elle voulut tenter une manœuvre insensée, désespérée, en prenant un chemin vicinal à 90 degrés pour échapper aux forces de l'ordre. Elle empiéta sur le talus, la voiture se retourna et alla s’encastrer sur un poteau électrique qui ne résista pas à la violence du choc. Le véhicule de Bérengère prit feu presque immédiatement, la conductrice bloquée à l'intérieur. La jeune fille rôtissait comme les volailles qui allaient subir le même traitement en cette fin de mois de décembre. Mais les gallinacés et autres palmipèdes, eux, avaient trépassé avant de finir dans le feu de l'enfer.
 
Triste fin pour la pétillante Bérengère ! Ironie du sort, si le véhicule de gendarmerie se rendait bien à la ferme, ce n'était que pour l'auditionner à nouveau en qualité de témoin suite à la pression exercée par Jean Barnabé via les relations préfectorales de son patron.
 
Dès qu'ils aperçurent les flammes, les gendarmes se dirigèrent vers le lieu du sinistre et ne purent que constater les dégâts. L'un des deux dit à l'autre, pince-sans-rire : « ça va être difficile de l'interroger maintenant ! »
 
« J'en ai bien peur », lui répondit l'autre « mais on va quand même pousser jusqu'à la ferme dès que les services auront sécurisé les lieux et fait les constatations. »
 
Les pompiers arrivèrent rapidement sur place et les deux gendarmes qui avaient constaté l'incendie quittèrent ces lieux morbides pour se rendre à leur destination d'origine, la ferme dont la dernière vivante venait de quitter ce monde.
« Il y a quand même des choses bizarres dans cette affaire de disparition… Je pense même qu'on pourrait avoir de drôles de surprises ! Je crois de moins en moins au hasard et à la fatalité… » dit l'adjudant à son subalterne tout en roulant vers la ferme avec détermination.
 
Juan Bautista, le combiné d'une main et le doigt dans le cadran, composa le numéro de son patron pour l'appeler au secours. La sonnerie se fit insistante mais personne ne décrocha et la messagerie lui fit place. Pour le principe, il laissa un court message suffisamment explicite pour faire comprendre qu'il était en danger. Équipé des effets qu'il venait de récupérer à la hâte pour se protéger de la température extérieure, il s'empressa de quitter cet endroit en se promettant que c'était la dernière fois qu'il y mettrait les pieds.
 
Il marchait sur la route en direction de Senlis en espérant arrêter la première voiture venue tout en étant prêt à se jeter dans lebas-côté au cas où il tomberait sur celle de Bérengère. À cet effet, il scrutait l'horizon avec acuité pour reconnaître la silhouette de sa voiture, suffisamment tôt pour se camoufler le mieux possible. Cela faisait un bon quart d'heure qu'il marchait sans voir arriver le moindre véhicule, ni derrière, ni devant.
 
Rassurant pour lui de ne pas voir la voiture de Bérangère, mais également dommage de ne pas trouver un véhicule pour le rapprocher de Senlis.
« Si seulement j'avais encore mon portable, j'aurais pu appeler pour qu'on vienne me chercher » soupira-t-il en continuant sa marche forcée en longeant la départementale qui bordait les champs alentours. Il se mit à pleuvoir, nouvelles vicissitudes à affronter d'autant qu'il ne s'agissait pas de crachin. Son accoutrement perdit de son étanchéité au fur et à mesure qu'il augmentait en poids. Et alors qu'il se demandait s’il allait un jour se sortir de ce cauchemar, son attention fut attirée par des éclats de lumière bleue…
 
Il pressa le pas dans leur direction. En se rapprochant, il vit un attroupement  de véhicules, gyrophares en action : pompiers, gendarmerie et plusieurs autres véhicules. Une des voitures de la gendarmerie se détacha des autres et fit route vers lui, ce qui lui procura un sentiment de réconfort et d'espoir, première impression positive depuis longtemps.
 
Une fois à l'intérieur du véhicule de la maréchaussée qu'il avait contraint à lui porter assistance en se positionnant au milieu de la route, il commença à expliquer sa mésaventure souterraine. En retour les gendarmes lui apprirent la fin tragique de son ex fiancée, accessoirement geôlière, et son émotion fut alors si intense en imaginant l’atrocité de la scène, qu'elle annihila en lui toute envie d'accabler davantage celle qui venait de périr par le feu.
 
Du coup, il ne s’épancha pas en détails sordides sur sa captivité. Même les représentants de l'ordre étaient sous le choc et ils ne s’encombrèrent pas des péripéties du récit.
Juan Bautista fut conduit à l'hôpital et fut examiné par un médecin qui, par excès de zèle, le garda en observation 24 heures. Maintenant la rumeur, perfide, insidieuse et toujours très imaginative allait faire son œuvre pendant quelques jours sur les pistes et dans les bistrots cantiliens...
 
 
CHAPITRE 31 : DURES REALITÉS
 
 
Depuis son arrivée en France, la vie de Juan Bautista avait été jalonnée de joies et de bonheurs quotidiens jusqu'à ces dernières semaines où le malheur s'était un peu trop acharné sur lui. Même s'il était sorti apparemment de tout cela sans trop de dommages physiques, mentalement il n'en était pas de même.
 
Si l'accident de novembre à Saint-Cloud n’était que « mécanique » et faisait partie des risques du métier qu'il acceptait sans problème, le séjour dans la cave était psychologiquement bien plus difficile à gérer... la mort de Bérengère aussi malgré tout !
Ce mois de décembre, synonyme de réjouissances pour beaucoup, était pour lui tout l'inverse. Les quelques jours post hôpital, passés avec son père, lui semblèrent tristes et mornes. Il trouvait la vie de son père sans relief aucun, très ennuyeuse et son cadre de vie, à part l'écurie, affligeant. Bref, un horizon d'un gris absolu !
 
Juan Bautista aurait voulu faire quelque chose pour « relancer la machine », se mettre au travail... mais en ces jours de Noël, les écuries cantiliennes tournaient au ralenti et tout semblait figé. Son patron, Javier Torres Meca, avait pris quelques jours de vacances dans les Alpes. Ce dernier était le seul à pouvoir le guider vers des jours meilleurs. Il préféra encore ne pas aller à l'écurie.
 
Juan Bautista récupérera sa voiture et son téléphone que les enquêteurs avaient gardé, et avec ce dernier, il eût enfin la possibilité d'appeler Ana car il n'avait jamais pensé à consigner ailleurs son numéro de portable. Elle était peut-être la seule personne qui puisse lui faire du bien moralement parlant car entre eux la communication était simple et spontanée. Une confidente presque une mère, pensa t’il.
 
Il chassa cette dernière pensée au plus vite de son esprit car il ne voulait pas entacher sa relation en laissant envahir son conscient par son subconscient. Il décida tout d'abord de lui envoyer un SMS pour lui expliquer la raison de son silence sans pouvoir trop entrer dans les détails... Il s'attendait à une réponse rapide mais dut attendre le lendemain pour recevoir un court message qui l'inquiéta beaucoup :
 
« Contente de te savoir en vie, mais désolée, je ne pourrai pas t'appeler avant demain ou après-demain. Il faut néanmoins que nous parlions tous les deux. »
Juan Bautista fut pris d'une inquiétude terrible. Candide, il avait espéré que…d'ailleurs, qu'avait-il espéré au juste ? Il ne le savait même pas lui-même, si ce n'était qu’il rêvait de cette forme de réconfort qui lui semblait toute acquise.
 
La nuit de la Saint-Sylvestre, il y a peu de Sylvestre à fêter, mais la nouvelle année, tradition oblige, il la passa avec quelques amis et relations qui avaient privatisé un débit de boissons sans charme pour « fêter ça » ! Juan Bautista tenta, en se forçant un peu et même beaucoup, de croire que la nouvelle année qui se profilait allait pouvoir effacer celle qui s'achevait avec son arrière-goût qui passait mal. Peu enclin aux prouesses bachiques pour lesquelles ses camarades rivalisaient, Juan Bautista passa une soirée à l'image de sa vie en cette année finissante. Il fallait, il voulait, rebondir... Vite !
« Allez, bonne année à tous ! Bonne année ! Faisons tinter les verres pour faire gai et pour faire comme les autres ! »
 
La sonnerie du téléphone retentit alors qu'il n'avait pas encore émergé des brumes alcooliques qui emplissaient son esprit et son corps après un semblant de sommeil. Il avait mal au crâne mais reconnut le numéro de son père Jean Barnabé. Le fils rassembla ses idées pour trouver la formule adéquate pour souhaiter une bonne année à son père. Il n'en n’eut pas le temps…Son père lâcha sans un autre mot : « Torres Meca est mort ! Un accident de ski hier après-midi. » Juan Bautista se sentit défaillir... il était presque incrédule, ne comprenant pas pourquoi le monde s'effondrait ainsi autour de lui.
La nouvelle de la mort de Javier Torres Meca secoua le tout Chantilly, ses employés proches en particulier. Après quelques jours de flottement après les funérailles, il fallut se rendre à l'évidence...
 
Un soir, le père et le fils dînèrent ensemble pour parler de leur avenir… Pour l'un comme pour l'autre, il était très sombre.
Juan Bautista remonta à cheval fin janvier, il fallait bien faire fonctionner l'écurie avant la dispersion de ses pensionnaires vers d'autres entraîneurs. Les chevaux n'allaient pas rester au box… Le père et le fils se retrouvèrent par la force des choses ensemble à cheval…
 
Ana se manifesta comme elle l'avait dit dans son SMS…
 
Chez elle non plus, l'ambiance n'était pas réjouissante, son mari venait de mourir après une agonie longue et pénible et rien qu'à sa voix, elle semblait très marquée. Elle lui expliqua qu'elle était très préoccupée par les problèmes qu'allait provoquer la succession de son mari et elle ne s’épancha pas mais Juan Bautista comprit quand même qu'elle était en panique à l'idée de perdre le statut auquel elle avait accédé grâce à son mariage. La cérémonie de funérailles passée, l'ouverture du testament allait décider de tout pour elle. Elle lui demanda timidement des nouvelles, plus pour la forme, car Juan Bautista la sentait complètement happée par la nouvelle qu'elle venait de lui annoncer.
 
Dans ces circonstances, il décida de remanier le scénario de son aventure de séquestré. La mort de Bérengère rendait l'histoire caduque ou presque, surtout pour Ana qui était étrangère à leur relation. Il raconta qu'il s'était fait voler sa voiture avec son portable dedans -ce n'était pas vraiment un mensonge - et il éluda sa période de réclusion. Même si pour l'instant le ressort de leur folle idylle semblait distendu, il voulait croire qu'il n'était pas cassé...
 
Ana représentait maintenant le seul point d'attache pour lui, même si les événements avaient renforcé la relation avec son père. Ils convinrent d'attendre le jour fatidique de l'ouverture du testament pour reprendre contact.
 

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