Azzedine Sedrati, "à cheval" du Maroc à la France

Azzedine Sedrati se confie dans nos colonnes sur sa nouvelle aventure en France et la situation préocuppantes des courses marocaines 

On croirait "parler à une encyclopédie" comme le veut l'expression, lorsque l'on s'adresse au docteur Azzedine Sedrati, une figure connue et reconnue des courses marocaines, que l'on connaît aussi en France depuis plusieurs décennies à Arqana. Ancien professeur vétérinaire, qui a fait ses études en France et parcouru le monde dans le cadre de son métier, celui qui fait carrière dans l'industrie pharmaceutique est aussi un grand passionné de cheval : " Je suis issu d'une famille d'agriculteurs. Il y a toujours eu des chevaux à la ferme, et jeune, j’ai toujours été impressionné par la Fantasia ". Cette passion s'est concrétisée au fil des années avec la construction de haras. Azzedine Sedrati a en effet monté une activité d'élevage importante de Pur-sang Anglais et Arabes au Maroc. En tant que propriétaire, son écurie de course a connu tous les plus grands succès sur place grâce a une génétique perpétuellement améliorée. Il a également sa casaque en France depuis longtemps, notamment chez Didier Guillemin qui a entrainé le fameux The Right Man, gagnant de l'Al Quoz Sprint (Gr.1) à Meydan au grand bonheur d’Azzedine et de ses associés.

Azzedine Sedrati a été associé au champion sprinter The Right Man chez Didier Guillemin 

 
Depuis 2021, sa casaque est de plus en plus présente sur les champs de courses français, notamment via l'entraînement de Joël Boisnard, avec qui il connaît une belle réussite. Ils ont notamment aligné 2 victoires à Pornichet avec le marocain de naissance Russipant Fal, qui a impressionné. Ce neveu d'un gagnant de Gr.1 aux Etats-Unis est un fils de Russian Cross, frère d'Esotérique qui est étalon aux Haras Nationaux Marocains. Et encore hier, les couleurs ont enlevé l'une des premières courses de 2 ans du programme, au Lion d'Angers avec Ser Sed, un neveu de Lope de Vega par Saxon Warrior qui avait été acquis à ARQANA, venant du Gestüt Ammerland. D’autres chevaux vont courir incessamment sous peu. 

Ser Sed sous la casaque de Fal Stud lors de sa victoire au Lion d'Angers 

 
 
Azzedine Sedrati explique : " En achetant récemment le Haras de la Gisloterie j’ai trouvé aussi de bons entraineurs à proximité du haras. Joel Boisnard m'a été conseillé pour la qualité de son travail. Nous avons conservé notre relation avec  Didier Guillemin et opté aussi pour quelques entraineurs parisiens. Dans ce haras d’une soixantaine d’hectares, j'ai embauché une équipe très compétente, grâce à l’aide de l’ancien propriétaire Mr Bourreau. Le but est de sélectionner à terme une trentaine de juments de haute qualité génétique. La moitié des juments actuelles est venue du Maroc, l’autre moitié achetée à Arqana et Tattersalls. La majorité ont été achetées auprès de grandes écuries. Parallèlement nous avons essayé de développer des prospect étalons pour le Maroc et la France, nous avons ainsi acquis Boldquest (Sadler’s Wells), Dijeer ( Danzig) , Enduring spirit ( Invincible Spirit), et pour la France nous avons Maniaco (Galileo) et Hathal ( Speightstown). Nous avons acheté au Japon Monde Chat Luna, un ¾ frère de Deep Impact pour refaire le croisement du champion japonais Contrail dont j’avais acheté, avant ses résultats, la tante par Bernardini."

Monde Chat Luna (à gauche), un 3/4 frère de Deep Impact acheté par Azeddine Sedrati pour être étalon (aprh)

 
Azzedine Sedrati achète des juments depuis des années sur le marché européen avec plus ou moins de bonheur, comme celui d'acquérir la mère et une sœur de The Grey Gatsby, avant que celui-ci ne devienne le champion et étalon que l'on connait. Président de la société de course de Rabat, membre du bureau permanent du comité consultatif des courses national, il a consacré une bonne partie de sa vie au service du développement des courses et de l'élevage au Maroc. Comme d’autres grandes familles, Hakam, Alami, Daissaoui, Karimine et d’autres éleveurs passionnés il a opté pour le développement des courses nationales . Ces éleveurs ont coopéré avec la SOREC (Société Royale d'Encouragement du Cheval), le "France Galop" Marocain, dans la construction d’un PMU marocain malgré des pertes financières abyssales. Il nous explique : "Malheureusement, la SOREC a opté pour une politique populiste qui va tirer la qualité de l’élevage vers le bas et dont l’échec à moyen terme est certain. Aujourd'hui toutefois, un problème se pose, celui de la qualité de l'élevage, qui est en train de baisser à cause d'une politique ignorant la valeur économique d’une filière qui emploie plus de 10 000 personnes et entretien plus de 10 000 chevaux."

Les couleurs de Fal Stud ont connu tous les plus grands succès au Maroc 

 
"Pour construire un élevage national et créer une génétique mise a niveau avec l’Europe, de grands investissements ont été nécessaire dans des structures supposées devenir des locomotives de ce développement. Les grands éleveurs ont fait naitre beaucoup de chevaux et associé beaucoup de propriétaires sur leurs carrières de courses. Très peu d’éleveurs avaient les moyens de produire des yearlings, qui ont un coût  minimal de 20 000 euros au début de leur entrainement. La SOREC a décidé de plafonner l’élevage à 30 juments pour des écuries qui en ont actuellement plus de 150 ; et la possession à moins de 10 juments pour tout investisseur nouveau. La SOREC a aussi enlevé les droits aux primes à tout ascendant ou descendant d’un éleveur actuel. Ces trois décisions hors-la-loi et anticonstitutionnelles n’existent dans aucune nation au monde !"

"A cela s’ajoute un programme annuel de course qui tire vers le bas l’évolution sélective de la qualité génétique. La SOREC applique actuellement une démarche populiste, qui va complètement détruire l’élevage marocain. L’une des raisons majeures est que le Ministère de l’Agriculture n’a pas une tutelle technique ou professionnelle susceptible d’analyser les actions irrationnelles. Les effets de cette politique ont fait qu’en 2019, il y avait 409 naissances de pur-sang anglais, alors qu’en 2021 il n’y en a plus que 200. La valeur financière des chevaux pur-sang a été divisée en 5 ans par 4, mettant à genoux la totalité des éleveurs nationaux. Au lieu de cela, la SOREC préfère concentrer ses finances sur des projets faramineux d’un autre temps, dont un centre d’entrainement de 600 boxes au coût astronomique de 20 millions d’euros !"

Devant ces décisions qu'il juge dictatoriales, irrationnelles et absurdes, Azzedine Sedrati a décidé de ne pas condamner une partie de ses très bonnes juments et de les envoyer en France afin qu’elles aient la chance de produire des poulains qui auront la chance d’être mieux valorisés. Il ne quitte pas le Maroc, mais reste inquiet devant cette situation  "de destruction qui va mettre au chômage des centaines d’emplois de ces grandes écuries. La SOREC ignore qu’aujourd’hui 90 % de l’économie mondiale de la filière équine est réalisée par le secteur course, qui a remplacé tous les services séculaires qu’avait le cheval pour gagner son avoine. La filière course est aussi le support financier de toutes les activités de loisir du cheval."

Actuellement devant la justice face à la SOREC, Azzedine Sedrati et les propriétaires touchés par ces décisions tentent d’obtenir leurs droits, tout en poursuivant leur développement. A l’avenir, on devrait voir de plus en plus de chevaux de l’écurie Fal Stud nés et élevés en France. L’installation de ce grand passionné sur notre sol est en tout cas une excellente nouvelle et un signe à prendre de manière positive !