King George pour Pyledriver : le message d'espoir pour tous les "petits" !

23/07/2022 - Actualités
On entend de plus en plus qu'il n'est plus possible de gagner une grande course sans investir des fortunes, que les belles histoires de "petits" battant les "gros" n'existent plus. Mesdames, messieurs, rangez vos pleurs au placard et remettez vous à rêver, car c'est possible. La preuve avec Pyledriver, un roc dont personne n'a voulu dans sa jeunesse, qui s'envole dans les King George pour une bande de copains et William Muir, un "vieil entraîneur" pas à la mode, qui prouve que tout ça...c'est possible !

Pyledriver, un phénomène venu de nulle part dans les King George (photo Alan Crowhurst)

 

Evidemment, pour gagner de grandes courses, vous avez plus de chances avec un gros portefeuille, et donc de grandes origines. Mais on ne cesse de vous le rappeler, il faut rêver de grandeur même quand on n'est pas Crésus, et toujours essayer de s'accrocher, car un jour ça finira par passer. En France, on a par exemple connu le "cheval du boulanger" Saônois, ou encore le roturier globetrotter Cirrus des Aigles. Il y a bien des autres contes de ce genre, et l'un d'entre eux est celui de Pyledriver, une curiosité de l'élevage à la base, devenu un crack en piste, et qui permet à une bande de copains de remporter aujourd'hui les fameuses "King George", l'Arc de l'été disputé à Ascot devant une foule en délire. 

 

 

Toute la beauté des King George, qui sont disputées sur 2400m, est aussi de voir les 3 ans affronter les "vieux". On pouvait donc retrouver au départ le gagnant de l'Irish Derby Westover, mais aussi la 2e des Oaks Emily Upjohn. Le premier cité s'est coupé la gorge en tête à fond avec le vieux cuir Broome, tant et si bien qu'il a sombré à l'entrée de la ligne droite. Emily Upjohn, est elle bien battue sans trop d'excuses. Du coup, cette édition s'est transformée en un combat de "vieux champions", tournant à l'avantage de Pyledriver, qui a démarré sèchement et fait parler sa tenue pour devancer le gagnant de l'Arc 2021 Torquator Tasso, remarquable en terre anglaise, et Mishriff, qui est décidément toujours là, mais moins tranchant sur 2400m. 

 

Torquator Tasso (à droite), a lui aussi réalisé une grande performance en se classant 2e, sur la route de l'Arc à l'automne 

 

Comme toujours dans ce genre de tournoi et face aux grandes casaques, Pyledriver est négligé à tort par les bookmakers, lui qui est peut-être en dessous de certains en classe pure, mais d'une constance exceptionnelle dans l'effort. Si les autres peuvent faillir, cela ne lui arrive que très rarement. En même temps, Pyledriver a toujours été très bon. Gagnant de Gr.2 à 3 ans sur la longue distance, 3e du St Leger, puis victorieux dans la Coronation Cup (Gr.1) l'an passé en étant d'une dureté légendaire, il a ensuite voyagé. 2e du Hong Kong Vase (Gr.1), on l'a vu 4e ultra malheureux à Dubai, puis 2e encore de Gr.1 dernièrement. Il remporte aujourd'hui son plus beau titre de gloire à 5 ans, et approche les 2M de £ de gains. Pas mal pour un cheval de roturier ! 

 

Pyledriver revient triomphant sous la selle de Patrick Joseph McDonald, accompagné par son entraîneur William Muir (à droite en cravate rose)

 

On le dit avec affection, mais oui, Pyledriver est un roturier. Ses co-éleveurs et co-propriétaires, Hugo Leach, Guy Leach, et Gary Devlin, sont aux yeux de la haute société des courses anglaises des gaillards tout simples, qui n'ont les moyens d'avoir que des chevaux pour courir sur les petits champs de courses sans connaître les joies des célébrations aux champagne après les Gr.1. Leur histoire avec Pyledriver commence le jour où ils achètent en France sa mère La Pyle, une modeste coursière de plat qu'ils veulent essayer de faire sauter chez Philip Hobbs... sans résultat. 

 

Mère de Pyledriver, la Pyle portait les couleurs de Gérard-Augustin Normand chez Pia Brandt en début de carrière (aprh)

 

Cette fille de Le Havre n'a pas les performances pour être poulinière, mais prend du galon à la faveur des exploits de son frère Mont Ormel, qui remporte le Grand Prix de Paris, puis de sa propre soeur Normandel, qui gagne son groupe. Ses co-propriétaires l'envoient donc à la rencontre de Harbour Watch, un fils d'Acclamation taillé pour la vitesse, qui aura fait une très courte carrière à Tweenhills Stud avant d'être retraité à cause d'arthrite chronique prématurément. Ce croisement censé ramener du speed leur donne un grand cheval tardif de distance. Pourquoi pas. Toujours est-il que c'est la douche froide sur le ring de vente, puisque le poulain est racheté 10 000 Gns foal, sans une seule vraie enchère. Pyledriver est donc gardé à l'entraînement, et envoyé chez William Muir. Ce sympathique et discret personnage a sa licence depuis plus de 30 ans, et veille sur un petit effectif à Lambourn, le "Newmarket campagnard". Bref, il n'est pas à la mode, mais va le devenir. 

 

 

Harbour Watch, le père de Pyledriver 

 

Pour ses débuts à 2 ans, Pyledriver a gagné à 50/1, et fait quelques heureux à l'écurie, puisque l'histoire dit qu'ils ont tous mis un billet de 20£ sur lui. Depuis, c'est un vrai conte de fée, qui a popularisé son entraîneur et sa belle équipe, avec un cheval managé de main de maître, qui ne court pas à outrance, mais répond toujours présent. Evidemment, les King George c'est encore un autre stade, c'est le graal pour un anglais. Cela ne permettra sans doute pas pour autant à Pyledriver de trouver une place dans un grand Haras, et peut-être même en tant qu'étalon de plat tout court.

 

Depuis, ses propriétaires et éleveurs ont sorti 2 autres gagnants avec la mère, dont le 3 ans Stockpyle, qui progresse et reste sur 2 victoires consécutives dans des handicaps. Toute la fratrie est bien sûr chez William Muir, désormais associé à Chris Grassick. Un invité de marque les a rejoint, en l'occurence le 2 ans de La Pyle, Shagpyle, qui est un fils de Frankel. Cette fois-ci, les associés ont craqué la tirelire, profitant des retombées de leur aventure avec Pyledriver. Comme quoi, il suffit parfois d'y croire un peu, et puis c'est tout. 

 

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