Marine Nationale et French Navy : champion d'obstacle et étalon indien

Marine Nationale, un champion de Cheltenham qui met la lumière sur l'obscur destin de son père French Navy

Deux semaines avant le festival de Cheltenham, le fantasque et richissime entraîneur et propriétaire irlandais Barry Connell annonçait haut et fort dans les médias qu'il allait gagner le Supreme Novices' Hurdle (Gr.1) avec Marine Nationale. Depuis ses débuts en mai 2022, Connell clame que l'animal est un phénomène, et la course lui a donné raison, puisque Marine Nationale s'est envolé sur la colline en ouverture du festival, gagnant en 3 foulées sur une accélération digne d'un cheval de plat. 

Marine Nationale avec son entraîneur Barry Connell

Marine Nationale a été élevé par John O'Connor en Irlande, mais celui de Ballykelly Stud, pas Ballylinch. Il descend d'une grande souche allemande qui a donné les lauréats de Derby Philipo et Pik Konig. La famille regorge aussi de chevaux d'obstacle, à l'époque où l'on sautait encore outre-Rhin. C'est le cas de sa 3e mère Pikante, à l'origine de Pik Konig, et gagnante du Dujardin SteepleChase (Listed). Power Of Future, la mère de Marine Nationale, a couru en plat sur les longues distances avant de devenir une poulinière pour l'obstacle très correcte. Le crack de Barry Connell est son dernier foal, et de loin son plus beau joyau. Crack sauteur, qui devrait sans doute aller en steeple l'an prochain, il est pourtant le fils d'un étalon méconnu, French Navy, au destin perturbé. Il a en effet suivi la victoire de son fils depuis son haras de stationnement ... en Inde ! 

French Navy, retrouvé ici en Inde à Jai Govind Stud juste après la victoire de Marine Nationale dans le Supreme Novices Hurdle

En effet, French Navy poursuit depuis 2021 sa carrière d'étalon à Jai Govind Stud, haras situé à Jaipur à l'Ouest de l'Inde dans le Rajasthan. Auparavant, il avait fait 5 saisons à Kildangan Stud, l'antenne irlandaise de Darley, sans connaître un franc succès populaire. Marine Nationale, qui a 6 ans, est donc issu de sa première génération. Il faut dire que French Navy n'avait pas le profil de la superstar malgré une carrière plus qu'honorable. Dur comme un roc, il a couru de 2 à 7 ans, en connaissant 4 entraîneurs différents sous la casaque Godolphin ! Il avait d'abord été chez André Fabre, pour qui il avait remporté le Crèvecoeur puis le Prix des Chênes (Gr.3) à 2 ans. A 3 ans, il est transféré en Angleterre chez Mahmood Al Zarooni, pour qui il gagnera Gr.3. A 5 ans. Il ne courra qu'une seule et unique fois chez Saeed Bin Suror, pour une victoire de Listed. Victime de quelques interruptions de carrière, sans doute plus liées aux différents scandales "Godolphin" de l'époque qu'à sa santé, French Navy finira chez Charlie Appleby, pour qui il a regagné Gr.3 à l'âge de 6 et 7 ans entre le mile et les 2000m. 

French Navy lors de sa victoire dans le Prix des Chênes en 2010, sous la selle d'un tout jeune Maxime Guyon (aprh)

Son profil ni classique, ni de l'école de l'ultra précocité n'a pas su séduire les éleveurs irlandais. Il est donc parti en Inde à la fin de la saison 2020 avec le concours de Gaurav Rampal, courtier désormais bien connu en Europe qui achète toujours beaucoup de juments pour l'exportation dans ce pays. A Jai Govind Stud, French Navy côtoie notamment Sedgefield, un fils de Smart Strike lauréat de Groupe aux Etats-Unis. L'Inde est globalement en train d'améliorer sa qualité génétique, ayant récemment acquis pour débuter au haras des chevaux que l'on a bien connus en France comme Plumatic, un fils de Dubawi et Plumania, ou encore le bon Tokyo Gold, par Kendargent. French Navy a lui-même une famille très solide, et est un fils de Shamardal. Il descend de la célèbre La Troienne, jument de l'élevage Boussac qui est devenue une poulinière de légende aux Etats-Unis. 800 lauréats de stakes viennent de sa lignée, et on la retrouve dans les pedigrees de cracks comme Contrail, Allez France, Easy Goer, Essential Quality, Alcohol Free ou encore More Than Ready. 

French Navy descend de la fameuse La Troienne, une poulinière qui a marqué l'histoire des courses depuis les Etats-Unis

La mère de French Navy fut gagnante de Listed en France chez Henri-Alex Pantall sous les couleurs Godolphin et la selle de Goulven Toupel. Elle avait d'ailleurs été achetée en cours de carrière de poulinière, juste après avoir donné le futur French Navy, par une association française entre Eric Puerari, Michel Zerolo et le Haras de Saint Pair, pour qui elle a donné la black type Gherdaiya. Entre temps, French Navy était sorti, tout comme son frère Sea Lord, gagnant de Gr.3 en plat puis lauréat de Listed en obstacle pour John Ferguson, l'ancien manager des Godolphin. 2022 avait déjà été beau pour French Navy, qui avait donné le gagnant de Gr.2 en Irlande Layfayette, avant de se révéler de manière inattendue chez les sauteurs avec Marine Nationale. S'il poursuit sur sa lancée, nous aurons d'autres occasions de parler de French Navy, oublié certes, mais pas complètement perdu...

French Navy se porte comme un charme en Inde, photo à l'appui fournie par la famille Singh de Jai Govind Stud !