Le lion Kieren rugit toujours

04/04/2012 - Actualités
Sa vie est un roman. Des frasques de la gloire à l’anonymat le plus total en passant par des périodes de renaissance, de reconstruction, de remise en question mais aussi de rechute et de rébellion, le parcours de Kieren Fallon est aussi semé d’embûches que celui du Grand Steeple de Pardubice. En offrant au royaume du Bahrain une première victoire lors de la réunion de la Dubai World Cup, s’offrirait-il enfin une éclaircie durable venue du désert ? Rien n’est impossible avec ce bonhomme-là.
Le punch d’un mec de la rue
 
Né en 1965 sur l’île d’Emeraude, le jeune Kieren dont la vitesse de frappe aurait pu guider à une carrière de boxeur, débute sa vie avec les chevaux en 1982, à l’âge de 17 ans donc. D’aucuns jugeraient sur le tard. Exact mais Kieren a longtemps cherché sa voie et, bien décidé, à se ranger des voitures, il quitte son pays natal en 88 pour rejoindre le Yorkshire dans le Nord de l’Angleterre. Pas dépaysé par les conditions climatiques, il devient apprenti jockey (et oui à 23 ans) chez Jimmy Fitzgerald. Samedi à Meydan, Fallon a ainsi croisé sur sa route le phénomène Mickaël Barzalona dont le palmarès affiche, à 20 ans, une victoire dans le Derby d’Epsom et, à présent, une autre dans la Dubaï World Cup. Au même âge, l’impétueux Irlandais traînait ses breeches sur des champs de course improbables, apprenait la vie dans les pubs et curaient les boxes au petit matin pour chasser les maux de tête consécutifs à la consommation excessive de boissons diverses et variées et à la distribution de gnons qui s’en suit traditionnellement. On n’est pas tous nés sous la même étoile…
 
 
 
 
 
Présenté comme cela, Kieren Fallon prendrait bien des airs de Causette. Que nenni. Le type est plutôt du genre Gavroche. Plus c’est difficile, plus c’est bon ! L’irlandais bagarreur (au sens propre comme au sens figuré dans la vie) se nourrit de ses expériences multiples pour se forger une expérience et un caractère tout en entretenant sa rage de vaincre. Parfois à l’excès : il hérite de sa première mise à pied historique en 1994 pour avoir fait tomber un jockey. 6 mois au placard !
 
 
 
Enfin la gloire ! enfin pas seulement…
 
La consécration arrive en 1997 quand il décroche son premier Groupe 1 avec Sleepytime, pour le compte de Monsieur (avant qu’il ne devienne Sir) Henry Cecil dans les 1000 Guinées Anglaises. Rien que cela ! Le type a mis son surplus d’énergie au service de ses montures et non plus à celui de ses pulsions. Il parvient même à décrocher sa première Cravache d’Or. Premier jockey d’Henry Cecil, Kieren connaît la gloire grâce au maître-entraîneur avant que leur relation ne s’achève brutalement deux ans plus tard, en 1999. La rumeur dit que le jockey aurait eu une laison avec l’épouse du boss… Au tableau de chasse du pilote (sportif, entendons-nous bien) sont venus s’intercaler entre temps deux nouveaux titres de « Champion Jockey » en 1998 et 1999.
 
 
 
La victoire de Kieran Fallon avec  Krypton Factor dans la Golden Shaheen 2012 à Dubaï.
 
 
Plombée par la vindicte populaire, la carrière de Kieren Fallon prend un sacré coup dans l’aile. Pour couronner le tout, le pilote se casse le bras. Résultat des courses, l’année 2000 est un cauchemar, avec un total de 59 succès en fin de saison, soit quatre fois moins qu’en 1999. Adepte du rebond, Kieren Fallon revient sur le devant de la piste en 2001 avec le contrat de premier jockey chez Michael Stoute en novembre 2001. Ensemble, les deux hommes gagneront des grandes courses avec Golan, Kris Kin ou encore North Light (ces deux derniers vainqueurs du Derby d’Epsom).
 
En 2005, le pilote s’offrira son premier Prix de l’Arc de Triomphe en selle sur Hurricane Run.
 
Mais, bien sûr, les montagnes russes continuent leur inexorable route et Kieren Fallon revient à la Une des tabloïds plutôt que du Racingpost. En 2006, le crack-jockey est suspecté d’avoir participé à l’organisation de courses arrangées au profit du site Betfair ; il sera relaxé en 2007. En 2008, il écope de dix-huit mois de mise à pied après un contrôle positif à la cocaïne à Deauville. Entre temps, Aiden O’Brien lui donne pourtant sa chance, celle d’une vie certainement, en lui confiant ses meilleurs éléments. Il gagne en 2007 les Pretty Polly Stakes, le Prix Morny, les Irish Champion Stakes, l’Irish St Leger et, cherry on the cake, l’Arc avec Dylan Thomas. Un coup tout en haut, un coup tout en bas. Ainsi va la vie de Kieren.
 
 

Dylan Thomas

 

Le chemin de croix
 
Revenu à la compétition en 2009, l’Irlandais doit attendre Août 2011 pour goûter à nouveau à l’ivresse du succès de Groupe I : à Dusseldorf, il remporte le Prix de Diane allemand avec Dancing Rain. Cela faisait presque quatre ans qu’il n’avait pas gagné à ce niveau en Europe !! Néanmoins, rien n’est encore simple : Kieren avait monté au printemps la pouliche avant d’en être débarqué pour le grand jour à Epsom à l’occasion des Oaks, qu’elle remporta. Appelé à la rescousse pour courir en terre germanique, Kieren Fallon sera de nouveau remercié après sa victoire estivale. En juin, un scénario rocambolesque juridique l’avait également débarqué du dos de Recital partant dans le Derby d’Epsom. Si ce n’est pas de l’acharnement…
 
En battant le crack Rocket Man en selle sur Krypton Factor, Kieren Fallon semble avoir endossé un costume de mercenaire, de légionnaire, battant pavillon international, pour peu qu’on lui accorde encore sa chance, pour peu qu’on lui fasse encore un peu confiance. Vendredi, à l’occasion du traditionnel Good Friday (l’un des trois seuls jours sans course en Angleterre avec le 24 décembre et le jour de l’an), il reviendra dans la région de ses débuts, dans le Yorkshire pour participer à une œuvre caritative et jouera le rôle du lad. Une nouvelle étape vers une énième renaissance du crack ? En tout cas, ceux qui ont voulu l’enterrer (et ils sont nombreux) n’en ont pas fini avec lui.
  
 
Krypton Factor

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