Entre brumes et intoxs, les anti - GDE ne lâchent toujours rien.
Malgré le froid et l'heure plutôt... très matinale, les citoyens du FRO se sont mobilisés en masse.
Nonant, le nouveau western
Malgré un brouillard à couper aux couteaux, on ne peut pas manquer l'entrée du site GDE. Voitures, tracteurs et camions de chevaux sont garés en grand nombre sur le bas côté de la nationale qui longe le centre d'enfouissement. Tout est calme, les grandes banderoles ondulent sous un vent glacial . Il est 6h du matin et les quelques cent cinquante opposants à la méga décharge sont sur le qui-vive.
Adossés derrière les barrières de sécurité, gilets fluorescents et bonnets visés sur la tête, deux petits groupes sont postés à l'entrée du camp et surveillent la route. Tonio, qui travaille aux Capucines, un haras situé à quelques kilomètres du site, vient sur le camp quasi quotidiennement. Il fait partie de la quarantaine de personnes qui a dormi sur place. "C'est bien que vous soyez là. La presse, les élus… Ca devrait les retenir un peu sur la matraque !", précise-il. "Les fourgonnettes de police stationnées sur le parking d'un hôtel d'Alençon ont décampé. Ca va bouger, reste à savoir quand"…
Le jeu du Chat et de la souris
Depuis lundi soir, une alerte "écarlate" tient le campement en haleine. La rumeur de l'expulsion imminente par les forces de l'ordre a bien circulé sur les réseaux sociaux et ils sont venus : des professionnels de la filière cheval, des agriculteurs, des nonantais, des supporteurs de la cause. Pour la seconde fois depuis le début de l'année, les irréductibles citoyens du FRO se sont serrés les coudes en attendant la venue de la maréchaussée. L'ambiance est fébrile, les visages sont tirés. Pour Antoine, un jeune agriculteur installé non loin de Nonant, c'est la quatrième nuit de garde : "On les attend, évidement. on est prêt. Tout va dépendre de la décision qui va être rendue dans la matinée par la Cour d'appel de Caen. Si GDE se voit conforté, on craint le pire". Alors que le jour se lève laborieusement sur Nonant, le brouillard plonge le camp dans une étrange atmosphère, entre film d'horreur et western revisité.
Viendront, viendront pas? Les "préconisations" en cas d'expulsion sont données par Eric Puerari. Chacun y va de son analyse, de ses craintes. Mais en fin de matinée, toujours pas d'intervention, de simples patrouilles de gendarmes devant le site et les fourgonnettes signalées à Marmouillé, puis de retour sur Alençon.
Pourtant, la Cour d'Appel de Caen s'est déclaré incompétente sur le recours en référé de l'arrêt d'expulsion déposé par les anti-GDE. Alors, que fait la police?
Patienter encore et encore... De jour comme de nuit, les résistants s'occupent.
Impitoyable ou quand le préfet de l'Orne se prend pour Clint Eastwood
Car une autre question subsiste sur toutes les lèvres : pourquoi donc Jean-Christophe Moraud, préfet de l'Orne, pourtant déjà débouté par deux fois par la justice sur le dossier, s'acharne à vouloir faire expulser un blocus citoyen qui ne réclame finalement que l'application des dernières décisions de justice; à savoir : une expertise hydrogéologie du site avant le début de l'exploitation.
Les commentaires vont bon train. "Qu'a donc reçu le préfet en échange de son alliance avec GDE?" "Qui payent la centaine de gendarmes mobiles "réquisitionnés" ?" Certains s'amusent même du culot de GDE, qui réclame au gouvernement des dommages et intérêts pour la non exploitation du site. Une seule chose est certaine sous la tente des résistants : leur détermination.
Toute la journée, patrouilles et brouillard auront plongé le blocus dans une étrange atmosphère - © Fabrice Simon
La guerre des nerfs n'aura pas lieu !
A 14h toujours rien. Pas l'ombre d'un gendarme. La mobilisation des opposants ne faiblit pas. Inlassablement, ils se relayent. Car il faut bien aller travailler. Récupérer ses enfants. Ou simplement se reposer. Soizic, sur le front depuis près de 24h, est lessivée. "Une bonne douche bien chaude déjà et mon lit… Rien que deux heures de pause, je reviendrai plus tard si l'alerte est maintenue".
Sur les tables, la poule au pot du déjeuné laisse place aux cartes et aux ordinateurs. Ca travaille, ça joue, ça se repose, ça patiente. Patienter, une attitude que les anti-GDE maîtrisent parfaitement depuis près de trois mois, bien que chez certains, on sent pointer de l'exaspération. Jean, agriculteur à la retraite, s'exclame : "Ils veulent nous pousser à bout… On est crevé, sur le qui-vive et toutes ces infos contradictoires sur la venue ou non des gendarmes, c'est pour nous mettre la pression au maximum. Mais on ne les crains pas. On ne lâchera rien".
Malgré la fatigue et les intoxs, les citoyens du Front restent sur place, solidaires les uns des autres.
Quand le gouvernement lève enfin le petit doigt
Fin de journée sur le front, le brouillard se dissipe seulement. Sous la tente, le va-et-vient continue, les résistants ne seront pas expulsés aujourd'hui, mais la vigilance reste toujours de mise à 17h. La garde de la nuit s'organise tandis que se poursuivent à Paris, des tractations, conduites par le député de l'Orne Yves Gouasdé et le Président de la région Basse-Normandie, Laurent Beauvais, acquis à la cause des anti-GDE depuis le début de leur combat. A 19h40, le ministre de l'Ecologie Philippe Martin fait sa premier déclaration sur le dossier : il annonce avoir "décidé d'explorer une ultime voix de conciliation. Je souhaite que s'engage une médiation rapide entre les parties". Un médiateur sera donc nommé d'ici à la fin de la semaine. Pour les opposants à la décharge, c'est un petit pas. Voilà déjà plus d'un an qu'ils réclament une médiation.
En attendant d'en savoir plus sur les conditions de cette médiation, le blocus citoyen résiste une nouvelle fois aux pressions et aux manigances politicienne. Bravo le FRO, continuez à ne rien lâcher !