Grand National de Liverpool: L'éclipse de Neptune
15/04/2012 - Focus Elevage
Hourra, un gris a gagné ! Hourra, le thriller a duré près de quarante minutes, développement de la photo-finish compris ! Hourra, un « FR » s’impose dans le Grand National de Liverpool ! Oui, mais voilà, deux morts sont venus ternir la fête, voire éclipser le succès de Neptune Collonges.
Le bon nez de gagnant
Un nez, trois centimètres qui deviennent un cap, une péninsule : au bout des 7200 mètres de course et des 30 obstacles à franchir, les deux premiers n’ont été séparés par la photo-finish que par le plus infime des écarts. Neptune Collonges est déclaré vainqueur de la course d’obstacle mythique par excellence.
Paul Nicholls : " Neptune Collonges ne recourra plus jamais !"
L’élève des Delorme, expatrié depuis 8 ans, offre ainsi un 1e succès au top entraîneur Paul Nicholls pour son 53e partant. Une réelle quête du Graal enfin récompensée par le succès d’un superbe cheval gris, qui s’est ici offert une belle retraite : « Il ne recourra plus jamais » a déclaré son entraîneur après la course. « Si je n’avais pas eu dans mes boxes, des chevaux tels que Kauto Star ou Denman, il aurait été un cheval de Gold Cup et aurait même pu en gagner une. » Autre record : Neptune Collonges devient le premier cheval gris à remporter l’épreuve depuis 1961. Anecdotique ? Absolument pas ! La statistique révèle la dimension populaire de la course car tous les anglais aiment parier sur le Grand National, certains misant chaque année sur les gris. Ne joue-t-on pas comme on aime ?
A 12 ans, Neptune Collonges termine triomphalement sa carrière.
What else ? Le propriétaire ne voulait pas courir. Il a crée les Télé-Tubbies...
Le destin du gris Neptune Collonges l’a donc propulsé au palmarès d’une course à laquelle son propriétaire John Hales avait toujours refusé de participer. Oui, vous avez bien lu. L’Anglais avait jusqu’alors préféré ne pas participer à l’ultime combat. « Huuummmm » comme le dirait le penseur britannique bien confortablement installé dans son fauteuil face à son feu de cheminée, un gin-tonic à la main. Plongé dans ses souvenirs, il se rappellerait alors du champion One Man, vainqueur de deux King George Chase, d’un Queen Mother Champion Chase et de 20 de ses 35 courses avant de mourir à Aintree (sur le Steeple classique). One Man était la propriété du même John Hales aussi connu pour être l’inventeur des Télé-Tubbies. De là à dire que notre homme vit dans le monde des Bisounours…
Le propriétaire de Neptune Collonges est le créateur des télétubbies. Bienvenue dans un monde de bisounours.
Un joyau de la Reine en danger
L’Anglais aime les traditions et les repères en tout genre. Les sujets de la Reine se retrouvent aussi naturellement que facilement autour de références qui leur sont propres (la sauce menthe avec l’agneau, le discours de la Reine le jour de Noël, le « God Save The Queen », la bière, les chevaux). Autant d’éléments qui forment le ciment d’une Nation soudée, au moins en apparence. Car les fissures se multiplient.
Un fantastique mariage princier n’a pas totalement fait oublier les aléas de la famille royale. A 3 mois des Jeux Olympiques de Londres, un manifestant a eu l’inconscience de saboter la « Boat Race » (course d’aviron opposant Cambridge à Oxford), il y a 15 jours. Et samedi, le Grand National de Liverpool a de nouveau pris du plomb dans l’aile : 2 chevaux sont morts. Et parmi ces deux-là, le vainqueur de la Gold Cup de Cheltenham 2012, Synchronised. On ne parle plus que de cela de l’autre côté de la Manche. Une véritable catastrophe que les responsables d’Aintree ont voulu prendre en main le soir même déclarant que tous les enquêtes nécessaires pour éviter pareil désastre seront diligentées. Il n’empêche, le mal est fait. Les associations de défense des animaux et les ardents assaillants des courses vont s’en donner à cœur joie. Il y a péril en la demeure. Car les signes s’accumulent.
Les chutes, les morts, voilà ce qui provoque un immense scandale en Angleterre.
Cette édition 2012 fut en effet la dernière retransmise sur la BBC (autre institution du pays que l’on aurait pu ajouter à la liste ci-dessus). Grande chaîne nationale, la BBC assurait le lien entre les amateurs de course et tous ceux qui considèrent les hippodromes comme un parfait reflet de la société venue s’amuser et s’endimancher en plein air devant le spectacle hippique. A partir de 2013, la BBC ne retransmettra plus aucune course, pas même les Classiques d’Epsom ou d’Ascot. Le malaise dépassant donc la seule question de la difficulté (ou cruauté à entendre les détracteurs) des courses d’obstacles.
Voir la vidéo de la course du Grand National de Liverpool 2012.
Les courses en Angleterre sont-elle en train de mourir ?
Il y a quelques mois, la vente du Tote (équivalent du PMU) s’est achevée par une transaction ahurissante, un bookmaker ayant eu le dernier mot (on marche sur la tête !). Ca va mal ! Enfin, les plus ardents défenseurs de la cause hippique ne se font plus guère entendre. Sauf, par essence, ceux qui en vivent comme les entraîneurs et les jockeys.
Paul Nicholls relevait ainsi qu’un homme était mort le même jour sur un terrain de football en Italie et que le sport hippique comportait des risques pour les hommes comme pour les chevaux. Et d’ajouter que ce risque faisait partie intégrante de la beauté et de la noblesse de ce sport.
Est-ce suffisant pour convaincre les plus sceptiques ? Les chevaux ont-ils le choix ? Naissent-ils pour simplement offrir du plaisir et pourquoi pas des revenus supplémentaires à leurs (souvent) riches propriétaires avant de connaître une fin tragique ? Les mesures pour assurer une fin de vie « digne » à tous ces guerriers sont-elles suffisantes ? Autant de questions qui ébranlent même les plus flegmatiques des anglais et auxquelles il serait bon de répondre (des deux côtés de la Manche d’ailleurs) avant que l’un des joyaux de la Reine ne soit définitivement qu’un lointain souvenir. Car, bien sûr, les chers habitués de France Sire sont convaincus du bien-fondé d’une course comme le Grand National et des courses d’obstacle en général. Isn’t it ?
En tout cas, le débat est ouvert : les avis sont les bienvenus à la rédaction de France Sire. En sortant de la messe ou du bistrot, ou des deux d'ailleurs, n'hésitez pas à envoyer vos déclarations flamboyantes à : apoirier@france-sire.com