Le légendaire Walter Swinburn : un sursis de 20 ans
16/12/2016 - Grand Destin
Walter Swinburn, le plus talentueux cavalier de sa génération et le plus jeune jockey vainqueur du Derby d’Epsom depuis 1955 s’en est allé à 55 ans. En 1996, il avait échappé à la mort après un grave accident à Sha Tin. Mais il souffrait surtout de boumilie et d'alcoolemie. Quelques mois après Eddery, un autre génie de cette génération en Angleterre s'en est allé. Par XAVIER BOUGON
Walter Swinburn était devenu entraineur après sa carrière de jockey.
Celui qui a inspiré Frankie Dettori
Les hommages des professionnels du monde hippique ne cessent d’affluer pour l’un des meilleurs cavaliers de l’après Piggott...Frankie Dettori, un de ses amis, est l’un des premiers à s’exprimer : «en provenance d’Italie et encore jeune apprenti chez Luca Cumani, j’étais impressionné quand je me retrouvais assis dans le vestiaire à côté de lui. Walter était aussi intimidé que moi alors qu’il avait déjà un sacré palmarès malgré son jeune âge ». Frankie s’en inspirera pour lui succéder.
Dermot Weld, employeur de son père
«Non seulement il était un crack jockey mais il était aussi une «nice person» dit de lui Dermot Weld qui avait beaucoup travaillé avec son père, Wally, son premier jockey, deux fois tête de liste en Irlande en 1976 et 1977 puis son assistant. Wally a été le premier jockey à dépasser les 100 victoires dans une saison en Irlande. Pour l’anecdote, il a monté avec Gianfranco Dettori, le père de Frankie.
Le tout premier groupe 1 d’Aidan O’Brien
Aidan O’Brien enlève les National St. 1996, son tout premier groupe 1. Walter est en selle sur le gagnant, Desert King. Le premier de ses 15 succès dans les Phoenix St., il le doit à Lavery et son pilote, Walter.
Bien que né en Angleterre, il disait être irlandais
Walter Robert John Swinburn était surnommé «The Choirboy». Il est né le 7 août 1961 à Oxford d’un père également prénommé Walter-Robert (Wally, né en 1937 à Liverpool) et d’une mère, Doreen Cash, née en 1938 à Birr dans le comté de Kildare. Outre Walter, elle donnera naissance également à Michael, marié à Nicola Winter, la fille de John (entraineur de Balidar, entre autres), le frère de Fred, crack jockey puis entraineur.
Le jeune Walter vit avec ses parents à Bracknagh (près de Rathangan en Irlande). Il suit ses études à Rockwell College à Tipperary avant de le quitter pour un apprentissage à Cheltenham chez «Frenchie» Nicholson à partir de 1977 puis chez Reg Hollinshead.
Notes
-Herbert Nicholson (décédé en 1984) est surnommé «Frenchie» en raison de son apprentissage effectué à Chantilly jusqu’en 1930, l’année où il rentre à Epsom chez Stanley Wootton. Beaucoup plus tard, il sera le maître d’apprentissage de futures fines cravaches, telles que Pat Eddery, Paul Cook, Brough Scott, Tony Murray et Walter Swinburn qui ne gagnera pas une seule course pour lui. Pour mémoire, Frenchie était le père de David, décédé en 2006.
-Reginald dit (Reg) Hollinshead (décédé en mai 2013 à 89 ans) était également formateur d’apprentis à Longdon Lodge Farm. A son palmarès, citons pêle-mêle, Kevin Darley, Willie Ryan, Paul Eddery, Tony Ives, Steve Perks, Fergal Lynch ou encore Greville Starkey. Walter Swinburn arrive chez lui en 1980.
Premier succès pour Ch. Benstead, premier entraineur de Maktoum Al Maktoum
Trois semaines avant son 17e anniversaire, Walter décroche son premier succès à Kempton Park le 12 juillet 1978 dans une course pour apprenti. Il monte Paddy’s Luck, propriété de l’épouse de Sir Douglas Clague, entrainé à Epsom par Christopher-John Benstead. Toujours associé à Paddy’s Luck, il s’impose de nouveau cinq jours plus tard à Windsor puis au mois de septembre à Bath. Toujours pour Benstead, il monte pour la 1e fois à Ascot, la veille des King George VI (gagné par Ile de Bourbon devant Acamas), dans une course pour apprenti. Ce jour-là, il croise dans le vestiaire un certain Willy Shoemaker, vainqueur sur un pensionnaire de Luca Cumani. Le 9 août à Salisbury, il s’impose pour la 1e fois face aux professionnels. Sur un élève de Ch. Benstead, il devance Pat Eddery, Willy Carson, Kevin Darley (encore apprenti), Brian Taylor et autres. Walter termine la saison avec 12 victoires.
Pendant ce temps, son père est associé à deux bons 2 ans, la pouliche Kilijaro (Phoenix St., 2e Cheveley Park St.et seconde du Prix de l’Abbaye de Longchamp à 3 ans) et Dickens Hill (Anglesey St., 2e National St. et non placé dans le Grand Critérium). L’année suivante, ce dernier finira à 7 longueurs de Troy dans le Derby, monté par Tony Murray.
En 1979, Walter va terminer l’année avec 46 victoires dont une première à Epsom dans l’important City and Suburban Handicap avec Doogali, entrainé à Ayr (en Ecosse) par W.H. Williams. Puis viendront un succès à Goodwood pour Henry Cecil, un autre à Royal Ascot et deux autres pour Michael Stoute, qui en appellera d’autres.
Wallie Swinburn, son père.
Peter Harris, son beau-père.
Reginald Hollinshead, son maître d'apprentissage.
Steve Cauthen, son modèle américain
Notes
- Avec ses parents et son frère, Walter avait acheté un haras près de Newmarket, à Wickhambrook, Genesis Green Stud dont le patron est Michael. Il avait élevé notamment Victory Note et récemment Amaron (Prix Perth),
- Walter épousera la fille de Peter Woodstock Harris (homme d’affaires et ancien entraineur), Alison qui lui donnera deux filles, Claudia (2001) et Millie. Il vivait à Londres depuis sa séparation.
- P.W. Harris (né en 1934) est avant tout un homme d’affaires possédant un parcours de Golf et une compagnie d’aviation, entre autres. Néanmoins, il a également été entraineur mais aussi propriétaire (casaque verte, une écharpe rouge, manches et toque jaune). A la fin des années 70, il possède une superbe propriété, Pendley Farm (une ancienne ferme où étaient élevés des moutons) et une écurie de 150 boxes, Church Farm (à Tring près d’Aldbury dans le Hertfordshire), où a été élevé et entrainé le sprinter Primo Valentino, gagnant des Middle Park St. 1999 avant de devenir étalon. Il décide de vendre cet établissement fin 2011, c’est ainsi que Walter, son gendre, arrête sa carrière d’entraineur avec 270 victoires depuis ses débuts en novembre 2004.
- Sir Douglas Clague, président du Royal Jockey Club de Hong-Kong, est l’instigateur de l’hippodrome de Sha Tin, créé en 1978. C’est d’actualité !
- Christopher Benstead (né en 1928) est l’entraineur de Shaab, premier vainqueur en Angleterre pour Maktoum Al Maktoum (6 avril 1979 à Warwick). En 1980, il est le mentor de Welshwyn, la seconde de Marwell (meilleure 2 ans de l’année et future monte de Walter à 3 ans) dans les Flying Childers St. puis dans les Cheveley Park St.
Steve Cauthen, son modèle
A ses dires, Walter se serait inspiré de la monte de l’américain Steve Cauthen, le plus jeune vainqueur de la triple couronne avec Affirmed, seulement quelques jours après son 18e anniversaire, seulement 2 ans après ses débuts. Walter aura l’occasion de le rencontrer puisque dès l’année suivante (1979), Steve arrive en Angleterre après avoir signé un contrat de premières montes avec Robert Sangster. Dès son arrivée, il enlève les 2000 Guinées avec Tap On Wood pour Barry Hills chez qui il passe plusieurs saisons avant de rejoindre Henry Cecil. Si Piggott vient de raccrocher (quoiqu’il fera son come-back quelques temps après), Pat Eddery est son plus grand rival ; les Carson, Starkey et.....Swinburn sont nettement catalogués outsiders....Steve Cauthen, de sa retraite américaine, dit aujourd'hui «avoir perdu un ami».
Puis vient la rencontre avec Michael Stoute
En ce début d’année 1980, il est toujours l’apprenti de Reg Hollinshead pour qui il va gagner une quinzaine de courses durant l’année. Le 30 avril, il monte pour la 1e fois dans une course de groupe, les White Rose St. (Gr.3) à Ascot, dans lesquels il termine au pied du podium avec Good Thyne, un pensionnaire de l’irlandais Dermot Weld. Le 17 mai, il s’impose pour la 1e fois à Newmarket pour Ch. Benstead.....celui qui lui avait fait gagner sa 1e course.
Puis vient l’heure du premier succès dans un groupe : il s’impose à Royal Ascot le 19 juin dans les Cork and Orrery St. (Gr.3 futur Golden Jubilee) avec Kearney pour l’entraineur du Curragh, G.W. (Willie) Robinson. Le lendemain, il monte, sans succès, Smoke Singer (Paul Kelleway) dans les King’s Stand St. (Gr.1), sa première monte dans un Groupe 1.
A partir du mois d’août, il monte régulièrement pour l’entraineur de Newmarket, Michael Stoute pour qui il s’impose une vingtaine de fois dont quelques succès avec, déjà, la casaque Aga Khan. Il deviendra le premier jockey de l’écurie en 1981.
Allegretta, bien meilleure au haras que sur la piste
Walter terminera l’année avec un total de 49 succès dont celui d’une 2 ans, une certaine Allegretta portant les couleurs de la baronne Oppenheim (Gestut Schlenderhan). Nous sommes le 22 septembre à Leicester et Michael Stoute selle 2 partants dans un maiden sur 1.600 m.. Lester Piggott monte Allegretta, une inédite, une fille de Lombard, élevée en Allemagne. Elle va s’imposer devant l’autre pensionnaire de Stoute avec sur le dos Walter. C’est ce dernier qui la pilotera victorieusement lors de sa sortie suivante, le 6 octobre à Wolverhampton.
A 3 ans, elle lui sera associée lors de sa seconde place dans les Oaks Trial St. avant de terminer non placée dans les Oaks devançant la française Tropicaro (gagnante du Prix Marcel Boussac, huit mois avant). La gagnante, Blue Wind, est une irlandaise qui défendait, à 2 ans, l’entrainement et la co-propriété de Paddy Prendergast. Ce dernier décédé, elle est vendue durant l’hiver à Bertram Firestone qui la confie à D.K. Weld. Elle est montée par Lester Piggott en remplacement de Walter Swinburn Senior lequel se vengera en enlevant ensuite les Oaks irlandaises.
Quant à Allegretta, on sait ce qu’il est advenue au haras. Citons, sans vouloir vous offenser, les naissances de King’s Best, Urban Sea, Allez les Trois mais aussi Altruiste, Turbaine et Anzille...
Shergar avec Walter Swinburn.
1981, le tournant de sa carrière avec Marwell et Shergar
Michael Stoute met Walter à cheval sur une pouliche de 3 ans, élue meilleure deux ans, l’année précédente, Marwell (Habitat), propriété de son éleveur, Edmund Loder. Walter n’a pas encore passé le poteau en vainqueur et c’est sur son dos qu’il enlève sa première course de l’année, les Fred Darling St. (Gr.3 à Newbury).
Une semaine plus tard, Walter s’impose dans les Earl of Sefton St. (Gr.3 à Newmarket) avec Hard Fought (qui gagnera ensuite les Westbury St. Gr.3) et dans les Blue Riband Trial St. (Gr.3 à Epsom) avec Centurius.
Il va obtenir sa 6e victoire de l’année grâce à un certain Shergar (Great Nephew) dans le Classic Trial St. dans lequel il devance son dauphin de 10 longueurs....Le 5 mai suivant, Shergar s’impose dans le Chester Vase qu’il domine de 12 longueurs....La veille, Walter gagne avec un 2 ans de Stoute et du Prince Saud, Kind Music. Ce dernier fera carrière en France l’année suivante chez Robert Collet, terminant notamment 3e du Prix de l’Abbaye de Lonchamp.
Notes
- Marvell est peut-être le tournant de la carrière de Walter. Elle est élue meilleure pouliche de sa génération à 2 ans suite à ses victoires dans les Molecomb St. puis dans les Flying Childers St. et les Cheveley Park St.. Elle a pour partenaire Lester Piggott et Greville Starkey. A 3 ans, c’est au tour de Walter de s’imposer dans les King’s Stand St., la July Cup (devant Moorestyle), le Prix de l’Abbaye de Longchamp, les Fred Darling St. (Gr.3). Elle termine également seconde de la Sprint Cup et du Sprint Championship (Gr.2 à York) et quatrième des 1000 Guinées.
- Monté par Lester Piggott, Shergar va débuter victorieusement à 2 ans à Newbury le 19 septembre mais doit ensuite s’incliner dans les Futurity St. (Gr.1) face à Beldale Flutter. Ce seront ses deux seules sorties de l’année.
1981, Shergar, un jour, un destin
Au 3 juin au matin, Walter Swinburn compte 20 succès depuis le début de l’année. A Epsom, dans le Derby, il est en selle sur l’élève de S.A. Aga Khan, un descendant de Ginetta mais aussi de la grande Mumtaz Mahal. Shergar doit affronter dix-huit adversaires bien rangés dans leurs stalles respectives, à l’exception de Lydian (Mme Ch. Head) qui a refusé d’y entrer. Il se rattrapera en s’imposant ensuite dans le Gran Premio di Milano puis en juillet dans le Grosser Preis von Berlin.
Comme dans ses courses précédentes, Shergar atomise l’opposition et perd ses adversaires en route. Il s’impose de 10 longueurs sur Glint of Gold mais cela aurait pu être quinze si Walter ne l’avait pas ralenti. C’est encore, à l’heure actuelle, le plus grand écart à l’arrivée du Derby entre son vainqueur et son premier dauphin. D’après le journal «The Observer », c’est l’un des 100 évènements sportifs les plus mémorables.
Walter-Robert John Swinburn, âgé de 19 ans et quelques mois, avoue n’avoir été que le passager, laissant sa monture galoper à sa guise.
Le 27 juin, Walter aurait dû être encore son passager dans l’Irish Derby mais il a hérité d’une mise à pied obtenue le 18 juin à Royal Ascot dans les King Edward VII St. (distancé de la seconde place avec Centurius). C’est Lester Piggott qui est en selle qui lui fait faire la ligne droite du Curragh en roue libre (seulement 4 longueurs le sépare de son second, Cut Above). Walter récupère sa monte, le 25 juillet lors des King George VI and Queen Elizabeth II St. qu’il domine de 4 longueurs devançant la gagnante du Prix de Diane, Madam Gay, montée par Greville Starkey. En septembre, le partenaire de Walter n’est que l’ombre de lui-même terminant loin du vainqueur, Cut Above, dans le St Leger.
S.A. Aga Khan décide de vendre 34 parts et d’en garder six. Il entre à Ballymany Stud où il honore quelques juments qui vont donner naissance à trente-cinq foals répertoriés de l’unique saison de monte dont Authaal, Dolka (fille de Dumka), Maysoon (2e 1000 Guinées, 3e Oaks), Tashtiya. Mais un jour, le destin de ce champion va basculer. L’étalon est kidnappé le 8 février 1983, avant même sa seconde saison de monte, par qui ....on a bien une idée mais on ne saura jamais la vérité. Sa dépouille ne sera jamais retrouvée, c’est une tragédie !
Notes :
- Quatre jours plus tôt à Chantilly, Serge Gorli enlève le Prix du Jockey Club avec Bikala, il n’a pas 19 ans.
- La victoire de Shergar dans le Derby sera suivie de celle de Golden Fleece, monté par Pat Eddery. Celui-ci est décédé en novembre 2015, un an avant Walter Swinburn.
- Lester Piggott est né en novembre 1935 et remporte le Derby en 1954 avec Never Say Die. Il n’a pas encore 19 ans.
- Walter Swinburn et Mikael Barzalona sont nés en août 1961 et 1991 et ont remporté le Derby en juin 1981 et 2011, ils n’ont pas encore 20 ans.
- Herbert-Ebsworth Jones est né en novembre 1880 et remporte le Derby en juin 1900 en selle sur Diamond Jubilee, propriété de son éleveur, le Prince de Galles, futur Roi Edward VII. H.E. Jones n’a pas encore 20 ans.
- Fred Webb et Fred Archer sont nés en janvier 1853 et 1857 et remportent le Derby en 1873 et 1877. Ils viennent d’avoir 20 ans.
- John (James) Parsons est né fin 1845 et enlève le Derby en 1962, il est âgé de 16 ans et six mois
- Steve Cauthen remporte sa première course en mai 1976. A la fin de l’année 1977, il est tête de liste des jockeys aux USA avec 487 gagnants et en 1978 remporte la triple couronne US.
1983 : l’Irish Derby pour Shareef Dancer, acheté à prix d’or «noir»
Le Derby irlandais revient à Walter Swinburn en selle sur un poulain qui est le plus cher jamais entrainé en Europe. Shareef Dancer, un fils de Northern Dancer, avait coûté à Maktoum Al Maktoum, $ 3,3 millions, yearling, un achat provenant des July Sales de Keeneland. Il devancera facilement le gagnant de notre Derby, Caerleon (Pat Eddery) et le gagnant du Derby anglais, Teenoso (L. Piggott).
L’heureux propriétaire avait déjà acheté à l’amiable, durant l’hiver précédent, la pouliche Ma Biche qui restait sur une victoire dans les Cheveley Park St. Elle s’imposera ensuite dans les 1000 Guinées.
Lors de la syndication de Shareef Dancer, la part en coûtera $ 1 Million ; il faut bien rentrer dans ses frais !. Il devient ainsi l’étalon le plus cher battant le record détenu par Conquistador Cielo (1979) ($ 900.000 la part). Cette année-là, une part de Seattle Slew (né en 1974) s’échange à $ 1,5 M. Malheureusement, les résultats seront loin des attentes.
1986, Shahrastani pour la même casaque et le même entrainement
Premier produit de sa mère (déjà entrainée par Michael Stoute), Shahrastani (Nijinsky) n’avait couru qu’une seule fois à 2 ans à Newbury où il n’échoue qu’à une courte tête du gagnant. Au printemps de ses 3 ans, il enlève les deux «Trials » au Derby dont les Dante St. A Epsom, toujours en bonne place dans une course sans train, Swinburn démarre de bonne heure, se mettant très tôt hors d’atteinte du favori, Dancing Brave, gagnant au printemps des 2000 Guinées et à l’automne du Prix de l’Arc de Triomphe pour les couleurs Abdullah et l’entrainement de Guy Harwood. Encore une monte bien inspirée de Walter.
Trois semaines plus tard dans le Derby irlandais, Shahrastani domine la concurrence en laissant son dauphin à 8 longueurs. Ainsi, le duo Stoute-Swinburn réédite le triomphe de Shergar. Comme lui, Shahrastani «fait» le doublé que Sinndar et Harzand réaliseront également pour la même casaque.
Cette même année, Swinburn enlève à Longchamp, le Grand Prix de Paris (3.000 mètres) avec Swink, un élève de N.B. Hunt et l’entrainement de Jonathan Pease et le Prix du Moulin de Longchamp avec Sonic Lady (Moh. Al Maktoum-Stoute).
1995 : Lammtarra, dans un temps record après avoir failli mourir
Après Shergar, le champion au destin tragique, Shahrastani et Shareef Dancer, voilà Lammtarra. Celui-ci possède des origines de rêve, Nijinsky et Snow Bride, gagnante entre autres des Oaks. Après avoir débuté victorieusement en août de ses 2 ans à Newbury, Walter Swinburn disait que le poulain « avait montré qu’il sortait de l’ordinaire ». Après cette seule sortie, il passera l’hiver dans les Emirats. Souffrant d’un abcès au rein début de mars, l’entourage avait même bien failli le perdre (selon Simon Crisford). Il est donc en retard dans sa préparation puisqu’il ne refait canter que depuis fin mars et pourtant, sans même une course préparatoire, il fait sa rentrée (!) dans le Derby d’Epsom qu’il enlève dans un temps record (2’32’’31), malgré une bousculade au bout de quatre cents de courses (dont est jugé responsable Willy Carson) qui fit reculer Lammtarra. Thierry Jarnet montait le favori, Pennekamp, pensionnaire d’André Fabre pour la casaque grenat. Il rentrera boiteux.
Lammtarra porte les couleurs d’un propriétaire de 19 ans encore étudiant (en Ecosse), Saeed Maktoum Al Maktoum, le neveu de «Cheik Moh». Frankie Dettori termine premier dauphin en selle sur Tamure (Sadler’s Wells), propriété de l’écurie Godolphin (chez John Gosden) avec qui il avait signé un contrat de premières montes en 1994. C’est ainsi que Walter se retrouve en selle sur le fils de Nijinksy.
De ses trois victoires dans le Derby, celle de Lammtarra reste comme étant celle dont on se souvient émotionnellement : « les ordres étaient de tenir dans le groupe de tête, mais avec la bousculade, il n’y avait pas d’autre recours que de rester à la corde et de prier Dieu et Alex Scott de m’aider à trouver le passage ».
Walter Swinburn conclu en rappelant que Snow Bride, la mère de Lammtarra, lui devait bien cela, car c’est elle qui a hérité de la victoire dans les Oaks 1989 après le distancement controversé (plus d’un an après les faits) d’Aliysa qu’il montait pour S.A. Aga Khan et Michael Stoute.
Frankie retrouvera son siège durant le mois de juillet lors de sa victoire dans les King George VI ainsi qu’à l’automne lors de son succès dans le Prix de l’Arc de Triomphe (avec son fameux saut de l’ange, exécuté pour la 1e fois). Walter y montait, pour la même écurie, la pouliche de 4 ans, Balanchine (la gagnante des Oaks 1994).
Notes
- Le temps de Lammtarra battait celui de Mahmoud réalisé en 1936 (2’33’’60, chrono manuel) ainsi que le record du parcours détenu par Bustino depuis 1975 lors de son succès dans la Coronation Cup. Depuis, seul Workforce en 2010 (2’31’’33), entrainé par Sir Michael Stoute, l’a amélioré.
- Lammtarra remporte le Derby sans course préparatoire. Il rejoint ainsi Grand Parade vainqueur lui aussi pour sa rentrée en 1919.
- Saeed Bin Suroor est l’entraineur officiel de Lammtarra. Mais derrière, il y avait eu toute une équipe lors du rapatriement du poulain à Newmarket dont le responsable n’était autre qu’Alec Scott (successeur de l’infortuné Olivier Douïeb). Il ne pourra assister à la victoire étant décédé après avoir été assassiné par son premier garçon après l’avoir licencié.
Le Prix de l'Arc de Triomphe 1983 à 22 ans avec All Along qui part avec le 24 dans les stalles !
Nous sommes à l’automne 1983, plus de trois mois après la victoire de Shareef Dancer dans le Derby irlandais. Le dimanche 2 octobre, Longchamp accueille ce qui se fait de mieux sur la planète hippique avec au départ du Prix de l’Arc de Triomphe, 26 partants qui s’affronteront sur un terrain très léger. Walter Swinburn vient d’avoir vingt-deux ans et c’est lui l’heureux élu pour piloter la pouliche de Daniel Wildenstein, All Along. C’est une première puisque jusqu’à présent quatre jockeys s’étaient succédés en France : Serge Gorli, Greville Starkey, Freddy Head. Gary Moore lui sera associé quant elle termine seconde de la Japan Cup.
Une course en or....résultat d’une tactique mûrement préméditée ; Patrick Biancone avait examiné, en compagnie de Walter, les films des derniers « Arc », pour constater que la course s’était toujours jouée entre les chevaux venus à l’intérieur, car, selon lui, beaucoup de jockeys étrangers, par méconnaissance de Longchamp, essaient de sortir prématurément, laissant libre le chemin de la corde.
Daniel Wildenstein attribuera 50% de la victoire au jeune Walter tout en adressant un hommage ironique à Lester Piggott, «qui ne s’était pas trompé» en venant solliciter la monte après « le Prix Foy » dans lequel All Along terminait sur la seconde marche. Une initiative dont l’annonce conduit Greville Starkey, partenaire de la jument l’automne précédent à accepter la monte de Seymour Hicks avant d’être appelé par son contrat à monter en Allemagne le même dimanche et Joe Mercer à consentir à piloter le cheval de jeu de Sun Princess, tâche dont il s’acquitta d’ailleurs à la perfection puisqu’elle termine à la seconde place.
Ainsi Walter, qui n’avait monté qu’une fois auparavant à Longchamp (Gap of Dunloe en 1981, déjà pour P.L. Biancone), trouva t’il une occasion inespérée de faire apprécier aux turfistes parisiens son sens de la course, son sang-froid, sa détermination, toutes les qualités d’un grand jockey, déjà révélées aux sportsmen britanniques par l’inoubliable victoire de Shergar dans le Derby.
L’enchainement de «coups de chance» qui a permis au jeune cavalier d’enlever la course la plus convoitée du monde, prend volontiers le nom de conte de fées. Pour mémoire, la pouliche était rentrée dans la stalle numéro 24 !
Piggott peut s’en vouloir, il a sans doute omis de retenir le dicton français, qui veut qu’on ne change pas de monture au milieu du gué. Le même jour, avec beaucoup sang-froid et aussi clairvoyant qu’une demi-heure plus tôt, Walter remporte le Prix de l’Opéra en selle sur Royal Heroine, pensionnaire de Michael Stoute.
Walter sera de nouveau le partenaire d’All Along lors de ses victoires suivantes : le 16 octobre dans les Rothmans International à Woodbine, le 29, le Turf Classic et le 12 novembre, le Washington D.C. Montée par Angel Cordero, elle termine sa carrière, à 5 ans, sur une seconde place dans la Breeders’Cup Turf du français Lashkari.
Et pourtant, Walter a tutoyé la mort
Comme Frankie Dettori, Walter est passé très près de la mort, même si les circonstances n’ont rien de comparable. C’est en exerçant son métier que «The Choirboy» est resté dans le coma pendant quatre jours avec un poumon perforé suite à une chute survenue à Sha Tin en février 1996. Six mois plus tard (le 12 août), il gagne de nouveau à Windsor. En octobre, il remporte la Breeders’Cup avec Pilsudski.
Quinze «classics» anglo-irlandais à son palmarès
En Angleterre : trois Derbies (Shergar, Shahrastani, Lammtarra), trois 1000 Guinées (Musical Bliss, Hatoof, Sayyedati), les Oaks (Unite) et les 2000 Guinées (Doyoun).
En Irlande : deux Derbies (Shareef Dancer, Shahrastani), deux 1000 Guinées (Sonic Lady, Marling), deux Oaks (Unite, Melodist) un 2000 Guinées (Shaadi)
En 1988, il y a dead-heat à l’arrivée des Irish Oaks entre Diminuendo et Melodist. Les deux appartiennent à Cheik « Moh », l’une est entrainée par Henry Cecil montée par Steve Cauthen et l’autre est une pensionnaire de Michael Stoute montée par Walter Swinburn.
Atteint de boulimie ajoutée à l’alcool, Walter a du mal à faire le poids. Il annonce sa retraite en avril 2000 à 39 ans. Il aura remporté 1.392 succès en Angleterre dont 113 sur l’année 1990. En novembre 2004, il s’installe chez son beau-père après avoir pris sa licence d’entraineur. En octobre 2011, après un palmarès de 270 victoires, il met fin à sa carrière. Il travaillera ensuite pour la chaîne hippique anglaise, Channel 4.