La chronique Facebook : " Orfèvre gagne l'Arc des champions "

17/10/2013 - Grand Destin
Je ne connais rien aux cracks. Je n'ai que vingt-et-un ans. Je m'imagine dans les bras de la foule, dressée sur la pointe de mes pieds, foulant les vieilles tribunes de Longchamp, acclamant le roi Ribot dans son ultime marche triomphale.

Orfevre à la lutte avec Intello remporte l'Arc de Triomphe des champions, devant ceux des bons chevaux, derrière celui de la crack.

 


Mais je ne sais pas réellement ce que j'y vois.Je le sen s musculeux à souhait, comprimé dans un ensemble raisonnablement lourd et harmonieux, solidement attaché au sol par quatre membres robustes et parfaitement proportionnés. Je le vois noble et franc. Une tête de vainqueur sculptée dans le sérieux des combats, loin des doux traits arabes ressurgissant de temps à autre encore aujourd'hui. Je l'aperçois au loin surgissant du peloton, et je ne vois plus que lui, tant il est magistral.


Je plisse les yeux, cherchant à le faire plus proche. Mais déjà son image s'est dissipée. L'ombre d'un souffle bai aux reflets ténébreux se figeant miraculeusement sur les clichés des photographes, l'instant devenu éternité.
Mais je n'ai pas connu Ribot. Montjeu, Allez France. Même Dalakhani. J'en ai presque honte, c'est stupide.
Parmi des siècles de champions, certains me narguent plus que d'autres, par leurs exploits associés au peuple, par leur présence intemporelle dans leur regard. Je regrette de ne pas avoir connu Hernando ou Sulamani, par exemple. Un échantillon d'une liste infinie.


Faut-il me pleurer, cependant ? Certainement pas. Car j'ai vu des exploits. Des choses incroyables. Une multitude de records, parfois ahurissants. Des foulées qui te prennent à bras-le-corps et qui te laissent esseulé et tremblant.
Je n'ai pas connu Ribot, je n'ai pas connu Sea Bird. Je n'ai pas touché cette excellence-là. Mais j'ai vu Zarkava de mes yeux et Trêve, l'envoyée des cieux. Mes yeux me brûlent encore mais j'ai vu, je l'affirme, le plus bel Arc, la plus belle course, la plus belle journée hippique de tous les temps.

Jamais je n'avais vu course aussi limpide, aussi révélatrice, aussi évidente. Tous se sont trouvés une juste place et ont sublimé l'exploit de la reine Trêve. Il y a eu l'Arc des bons chevaux, l'Arc des champions et l'Arc de la légende.
Les anglais sont les meilleurs. Al Kazeem, boxeur de ses dames, irrévérencieux cheval le temps d'une course, quitte la quiétude de l'arrière-garde et se lance progressivement dans la lutte. De ses foulées franches et tenaces, il remporte la course handicap d'une tête devant son frère de frontière Ruler Of The World, auteur d'une remontée dynamique, en écho avec sa course précédente. Derrière ces talents britanniques, Flintshire se tire du terrain sans grande catastrophe, Going Somewhere l'accompagne et Méandre se montre tel un champion dans mon cœur. Dans le sillage de ces avérés grands compétiteurs, tous gagnants de groupe 1, seul Ocovango ne me semble pas à sa place, ayant toujours cru en ce petit.
Al Kazeem remporte donc l'Arc des bons chevaux, pulvérisé cependant de deux longueurs par Penglai Pavilion, jeune pousse sérieuse et imperturbable. Seul compétiteur sans couronne, il achève un quinté prestigieux, ne l’entachant en rien.
Mais que pouvait-il faire face à l'accélération du jeune et ambitieux Kizuna, incapable d'accrocher le podium mais d'une supériorité évidente sur tous ces chevaux pré-cités. Kizuna, l'espoir japonais, galope seul sur la piste de Longchamp, décroché par les duellistes Orfèvre et Intello.
Quelle lutte !
Lancés ensemble, flancs contre flancs sur des centaines de mètres, entrechoquant leurs épaules, se défiant de regards inénarrables, le souffle associé, ils étaient indissociables.
Enfin, Orfèvre s'est battu ! Balayé cet Arc passé, au scénario fantasque et merveilleusement dramatique. Cette année, le crack nippon a été des plus sérieux et appliqués. Et il est venu à bout du reflet fantomatique de Solémia : Intello. Le poulain de trois ans, grand vainqueur de notre classique Prix du Jockey-Club, marionnette de M. Fabre en représentation sur toutes les grandes scènes, a vu la gloire lui échapper d'un rien. Mais ce fut une telle démonstration de talent et de ténacité, que son retrait au haras serait pour moi un amer goût d'inachevé.

Quel Arc incroyable. Trêve est cinq longueurs devant...

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