Route des Etalons 2019 : pourquoi redécouvrir Dabirsim ?
Dabirsim après son succès dans le Prix Jean-Luc Lagardère (photo APRH)
Même Eric Lhermite, le propriétaire du Haras de Grandcamp qui le voit donc tous les jours, ne se lasse pas de regarder marcher Dabirsim. " Il est doué d'une locomotion hors du commun". Assurément, les visiteurs toujours nombreux de Grandcamp pendant la Route des Etalons sauront apprécier la démarche exceptionnelle du fils d'Hat Trick. Cette démarche est d'ailleurs tellement hors norme qu'elle avait interrogé de nombreux acheteurs potentiels de ce magnifique yearling, mais pas l'allemand Simon Springer qui a sauté sur l'occasion sur les conseils de sa femme. Tous les champions ont une histoire et Dabirsim ne déroge pas à la règle. En ce jour d'août 2010, Simon et Birgit Springer, ayant déjà effectué 8 achats, vont pour quitter le ring de Deauville lorsqu'en passant devant le pré-rond, madame, qui est enceinte, flashe devant le poulain noir. Le couple fait demi-tour et l'achète pour 30.000 €, une somme très raisonnable. Quelques semaines plus tard, Madame accouche, le bébé s'appelle David. Le poulain est ainsi nommé Dabirsim: Da pour David, Bir pour Birgit, Sim pour Simon.
Simon Springer avec Christophe Ferland
Présenté par le Haras de Grandcamp, Dabirsim a été élevé par le breton Michel Monfort à Quimperlé. Ce dernier a une devise : élever uniquement avec des poulinières qui sont mères, lauréates ou soeurs de gagnant de Gr.1. Aimant les Etats-Unis, Michel Monfort avait acquis à Keeneland en novembre 2008 pour 60.000 dollars, une certaine Rumored qui rentrait dans ses critères puisque fille de Royal Academy et Bright Generation, une lauréate des Oaks d'Italie (Gr.1). Elle était pleine d'Hat Trick, un étalon au profil atypique. Fils de Sunday Silence, Hat Trick avait fait toute sa carrière en Asie, vainqueur du Mile Championship (Gr.1) à Tokyo mais aussi du Hong Kong Mile, avant de s'installer aux Etats-Unis, à Walmac Farm dans le Kentucky. Notons qu'en 2018, le pedigree maternel de Dabirsim a bénéficié d'un énorme update avec l'apparition, sous la 3ème mère, de la championne de 3 ans Sea of Class, si proche dauphine d'Enable dans le Prix de l'Arc de Triomphe après avoir gagné les Irish Oaks (Gr.1) et les Yorkshire Oaks (Gr.1).
Il est bon de rappeler l'histoire de Dabirsim avant son entrée au haras car il a été l'objet de multiples articles depuis l'arrivée de ses premiers 2 ans en piste en 2017, affolant aussi les enchères pour ses produits autour des rings. Pourquoi a-t-il démarré sa carrière d'étalon en Allemagne, en l'occurrence à Gestut Karlshof en 2014, alors qu'il pouvait trouver une place sans tous les bons haras de France suite à ses résultats en course ? La réponse tient justement dans le fait que, après avoir gagné le Prix de Cabourg (Gr.3) sous la selle de Philippe Sogorb, Dabisrim a réussi le doublé Morny / Lagardère. Le pensionnaire de Christophe Ferland reste le dernier vainqueur français du fameux Gr.1 de Deauville en 2011, et l'un des seuls trois vainqueurs entraînés dans l'hexagone depuis 20 ans, avec les frères et soeurs Whipper et Divine Proportions. Deux mois plus tard à Longchamp, Dabirsim laissait un souvenir impérissable à l'assemblée en remontant tout le peloton à la corde dans les derniers mètres, sous la selle de Frankie Dettori. A 3 ans, monté par Christophe Soumillon, Dabirsim a été victime de deux incroyables coups de malchance. Son jockey de génie a commis l'une des rares erreurs de sa carrière pour sa rentrée dans le Prix de Fontainebleau (Gr.3), finissant 2ème de Dragon Pulse. Et dans la Poule d'Essai, il a fini 6ème à moins d'une longueur du gagnant Lucayan, après avoir été coupé en deux à l'entrée de la ligne droite par Amaron, puis à nouveau gêné alors qu'il revenait à 100 m du poteau mais cette fois par un mouvement de son propre leader Veneto qui participait à la lutte !
Il n'empêche que Dabirsim avait évidemment été sacré meilleur 2 ans français, ce qui était une grande première pour un cheval portant une casaque allemande, celle de Simon Springer. Ce dernier l'a donc installé dans son pays pour ses deux premières saisons de monte. Karlshof n'est pas au bout du monde, puisque ce haras se situe en Rhénanie, au sud de Francfort, mais cela fait quand même un sacré voyage qui n'a pas empêché de très nombreuses juments françaises de traverser le Rhin pour aller le retrouver. De fait, à 9000 €, Dabirsim a démarré sous les meilleurs auspices avec environ 120 juments de bonne qualité...et 45 poulains sont nés en France ! En revanche, la 2ème année, son carnet de bal a diminué de presque la moitié en nombre, et aussi baissé en qualité. Pour sa 3ème année de monte, en 2016, il est revenu en France au Haras de Grandcamp, là-même où il avait été préparé pour la vente de yearlings.
Toujours très populaire, il a fait 165 juments en 2016 et a même atteint le cap des 200 juments en 2017 alors que sa première génération de 2 ans commençait à peine à courir. Les éleveurs avaient vu juste car Dabirsim a fait une razzia dans tous les sens du terme. Il a sorti pas moins de 9 poulains et pouliches de black type, dont Coeur de Beauté, lauréate du Prix Zeddaan (Listed) à 2 ans puis du Prix Imprudence (Gr.3) à 3 ans, et Different League. Celle-ci a apporté gloire et fortune à Con Marnane, notre ami à tous, qui l'avait acheté 8000 € à Osarus avant de la revendre pour le prix extraordinaire de 1,5 millions de guinées après qu'elle ait conclu 3ème du prix Mponry (Gr.1) et remporté les Albany Stakes (Gr.3) lors du meeting de Royal Ascot, pour l'entraînement de Mathieu Palussière, montée par Antoine Hamelin. La victoire d'une pouliche entraînée en France, et fille d'un étalon français, à 2 ans à Royal Ascot est tout simplement extraordinaire, d'autant plus dans le contexte actuel où nos frenchies se font régulièrement pulvériser sur leur propre terrain par les anglais et irlandais.
Conséquence d'une saison de monte en demi-teinte en 2015, la génération de 2 ans qui a couru en 2018 a obtenu des résultats bien sûr moins spectaculaires que ceux de l'an précédent qui lui ont permis de dominer la scène française des débutants et de conclure 2ème de Siyouni au classement général des 2 ans. Il a tout de même donné 6 vainqueurs invididuels en France, plus 2 black-type. Pizzicato a conclu 3ème du Prix Roland de Chambure (Listed) à Longchamp (NDLR : ce pensionnaire de Fabrice Chappet a gagné une Classe 1 mi-janvier 2019 à Chantilly pour sa rentrée). Par ailleurs, Ivanka a terminé 3ème du Preis der Winterkonigin à Baden-Baden, qui est la meilleure course de femelles pour les 2 ans en Allemagne. Et d'ailleurs, en cette année 2018, la confiance en ses produits sur le ring ne se dément pas. Lui qui avait déjà eu 2 yearlings à 500.000 € en France et en Irlande en 2017, Dabirsim a continué de se distinguer l'an dernier. En août à Deauville, ses yearlings affichent 95.500 € de moyenne, avec un top à 165.000 € pour George Mullins, le lot 222. A la V2, le lot 435 est acheté 90.000 € par Mandore Agency pour Middleham Park Racing. A La Teste lors de la vente Osarus, le lot 110 est acquis 98.000 € par Peter et Ross Doyle. A Tattersalls, les sommes de 240.00 Guineas au book 1 et 230.000 Guineas au book 2 ont été atteints par des yearlings de sa 1ère génération conçus en Normandie.
En fin d'année, les juments pleines ont aussi suscité beaucoup d'intérêt. Son propriétaire Simon Springer (Normandie Pur-Sang), continue de la soutenir ardemment, tout comme son voisin de boxe Shamalgan d'ailleurs, qui profite toujours d'une très belle cote de popularité. Et c'est justement pour offrir toujours les meilleurs chances à son cheval qu'il a décidé de diminuer son tarif de moitié, pour le passer de 30.000 € (au tarif duquel il avait sailli 200 juments en 2018) à 15.000 €. C'est un changement de prix spectaculaire, à l'image de ce qu'on peut voir parfois à Coolmore ou dans le Kentucky. Il s'agit là d'optimiser au maximum la compétitivité du cheval sur un marché de la vitesse et de la précocité de plus en plus féroce, et par sa nature même très changeant. La méthode consiste à faire baisser le prix soudainement, en provoquant un choc psychologique auprès de la cllentèle, afin de démontrer que le rapport qualité prix est optimisé au maximum, et tenir la meilleure place dans des coeurs où les jeunes loups cherchent toujours à s'imposer.
Evidemment, à 15.000 € plutôt qu'à 30.000 €, toute une gamme d'éleveur dont la limite budgétaire est justement fixée à la dizaine de milliers d'euros, va pouvoir remettre son nom dans son plan de monte. Et Dabirsim aura donc beaucoup de visite lors de la Route des Etalons 2019.