Cheltenham 2024 : State Man, un crack dans l'ombre d'un extraterrestre

State Man, un crack un peu dans l'ombre tient son Champion Hurdle 

Un cheval aux 9 Gr.1 devrait être une légende. Mais même s'il s'est construit un palmarès hors du commun en peu de temps en Irlande, State Man a le malheur, même s'il ne le sait pas, d'être contemporain d'un extraterrestre nommé Constitution Hill. Ce dernier l'avait laissé sur place l'an dernier dans le Champion Hurdle comme un vulgaire tricyle à la roue voilée. C'est dire l'immense talent du champion de Nicky Henderson...qui n'était finalement pas là. Auteur d'un galop catastrophique dans la dernière ligne droite qui le menait à Cheltenham, Constitution Hill a attrapé un petit virus au dernier moment, et a donc du louper un nouveau rendez-vous avec l'histoire. Ce rendez-vous, State Man ne l'a pas manqué. Et même si le Champion Hurdle avait perdu de sa saveur sans l'extraterrestre, les absents ont toujours tort. 

 State Man était bien là, et débarrassé du seul cheval qui peut lui contester le leadership dans le circuit des "2 miles Hurdler" ces dernières saisons. On lui opposait des chevaux venus des gros handicaps, et un seul cheval de Gr.1, Irish Point. Cet autre "FR", déjà double lauréat de Gr.1, était supposé courir le Stayer's Hurdle (Gr.1) avec une toute première chance, mais son entourage a revu ses plans en l'absence de Constitution Hill, préférant diviser ses forces puisqu'ils avaient Teahupoo dans l'autre course. Irish Point, pas trop sur sa distance favorite, a tout de même donné une bonne réplique à State Man, qui l'a pourtant croisé sans quasiment bouger, dans un terrain lourd qu'il ne semble même pas apprécier. C'est dire s'il est bon tout de même. Il permet à Willie Mullins, auteur d'un coup de 3 en ce premier jour de festival, de renouer avec un succès dans le Champion Hurdle, qui le fuyait depuis 2016 et Annie Power. 

State Man prend le meilleur avec Paul Townend face à un valeureux Irish Point, qui doit s'incliner face à un crack

Le malheur des uns faisant le bonheur des autres, State Man peut ainsi inscrire son nom au palmarès de cette fameuse course, chose qui lui semblait innacessible tant que Constitution Hill était de la partie. En Irlande, où son rival ne s'aventure pas encore, il est invaincu depuis 9 courses, et y serait même invaincu tout court s'il n'avait pas chuté en débutant à Leopardstown. Transfuge de chez Daniela Mele suite à une 2e place dans un Prix Wild Monarch (listed), l'élève de ML Bloodstock n'a quasiment jamais connu la défaite, si ce n'est l'an dernier à Cheltenham, où il avait déjà remporté un Gr.3 handicap en cheval déclassé, avant de faire la tournée des Gr.1 irlandais sans rencontrer d'opposition.

State Man avec la famille Donnelly et Willie Mullins

State Man est pourtant une star discrète, pas flashy physiquement, et assez clinique dans sa manière de gagner, sans toutefois faire de démonstrations de force comme Constitution Hill. Placide, chouchou de son jockey Paul Townend, il est le parfait cheval de course efficace. Donc, même s'il est un peu oublié dans les tabloids, il reste un grand champion, quoi qu'il arrive. Cette victoire dans le Champion Hurdle lui offre cette place dans l'histoire que les observateurs ne lui avait injustement pas attribuée jusqu'ici. Il est sans conteste le porte drapeau Outre-Manche de son père Doctor Dino, star de nos étalons d'obstacle sur les pistes et les rings. 

Sa mère Arrêt Station, élève de Roger Yves Simon, avait été une jument précoce sur les obstacles, lauréate d'un Prix de Chamby (listed), avant de connaître une seconde partie de carrière plus difficile. La fille de Johann Quatz avait été astucieusement achetée par Guy Chérel pour 13 000 € alors qu'elle avait 5 ans. Il l'avait fait regagner à Auteuil, puis mise à la reproduction. Elle a formidablement bien produit, avec 3 black-types dont State Man, mais aussi la lauréate de Gr.1 Statuaire. Ayant donné plusieurs femelles, de quoi faire perdurer la lignée, elle a d'ailleurs eu une propre soeur de State Man en 2023. Tout ce petit monde a pour aîné un crack, qu'on se le dise ! 

GALERIE PHOTO PAR JULIANO DENION ET BAPTISTE BOURGEAIS