Jockey-Club de Look de Vega : la consécration à 46 ans pour Ronan Thomas

02/06/2024 - Actualités
Entrainé par Carlos et Yann Lerner, porte-drapeau des pistes de Maisons-Laffitte, Look de Vega s'envole pour sa 3e sortie dans le Qatar Prix du Jockey-Club et offre à son jockey son 1er Gr.1 en France à l'âge de 46 ans, comme une consécration pour ce pilote toujours considéré comme juste en dessous de l'élite.

 

Souriant, aimable, intelligent, curieux des arts et cultivé, compétiteur né en Mayenne, Ronan Thomas a toujours eu tout pour réussir en tant que jockey. En effet, avant même de prendre le départ du Prix du Jockey-Club 2024, le frère d'Aymeric Thomas (qui lui brille au trot à Vincennes) pouvait bien se dire qu'il avait déjà réussi une très belle carrière, régulière, qui compte plusieurs centaines de succès en France et à l'étranger. Mais l'ancien cavalier de poneys puis apprenti de David Smaga, avant de passer chez Myriam-Bollack, Mathieu Boutin et Criquette Head, avait tout de même un petit truc, ou plutôt un très gros truc, qui lui manquait.


Ronan Thomas triomphe après son succès à 46 ans dans le Qatar Prix du Jockey-Club (Gr.1) avec Look de Vega. Photos APRH
 

 

En effet, il a toujours été considéré comme un bon jockey, mais jamais comme un membre de l'élite, celui qui est toujours dans le top 10 voire 5, celui auquel on pense pour les grandes épreuves et les meilleurs chevaux. De fait, depuis 5 ou 6 ans, la quarantaine révolue, il a judicieusement décidé de profiter de sa forme optimale pour assurer sa fin de carrière en misant sur le Qatar, dont les saisons de courses en tant que 1er jockey de l'écurie de Mieulle lui assurent de monter certains des meilleurs chevaux du Moyen-Orient pendant au mois 6 mois de l'année.

 

 

Pour le reste de l'année, lui qui fut pendant plusieurs années le Président de l'Association des Jockeys, fait son bonhomme de chemin en France, avec des clients fidèles comme les Lerner pour lesquels il monte souvent, ou des entraineurs en quête d'un jockey sérieux et motivé pour ne pas rater des opportunités décalées des grands week-ends parisiens. C'est ainsi que Ronan Thomas a décroché sa 1ère victoire de Gr.1 dans le Derby Allemand en 2020, en plein covid, en selle sur In Swoop. Francis-Henri Graffard lui avait confié ce cheval élevé par l'allemand Georg Von Ullmann (Gestüt Schlenderhan), froid comme du marbre, sur lequel il a poussé comme une bête du départ à l'arrivée.

 


Carlos Lerner entouré de son fils Yann et de son petit-fils.

 

L'entourage avait été si heureux et convaincu que Ronan Thomas a pu conserver la monte ensuite du fils d'Adlerflug... et il a manqué d'un souffle pour gagner le Prix de l'Arc de Triomphe ! Cela est un peu sorti des mémoires car Poulidor n'est célèbre qu'en cyclisme, et qu'en période de Covid l'hippodrome était vide, mais In Swoop n'a été devancé que d'une encolure, dans les dernières foulées par le crack Sottsass. Ronan Thomas ne pouvait être que très satisfait sportivement, mais quand même frustré d'avoir manqué de si peu la gloire de la plus grande course du monde.

 

 

Cette fois, à Chantilly, sous le soleil et devant une foule bien dense, Ronan Thomas a récolté les fruits de près de 40 ans de travail et de passion pour les chevaux de courses, depuis ses 1ères courses de poneys à Cossé-le-Vivien, le village natal d'Olivier Peslier, en Mayenne. Paré de la casaque orange de Joëlle Mestrallet, sa copropriétaire éleveur, le jockey a monté une course parfaite, dans le sillage des leaders, avant de sortir tranquillement et de filer vers un succès tout en puissance, tenant en respect les bonnes fins de courses de First Look et Sosie, les 2 représentants d'André Fabre.

 


Carlos Lerner, fou de joie, 23 ans après son 1e Jockey-Club remporté avec Anabaa Blue.

 

Ce succès est aussi un magnifique accomplissement pour une famille très méritante, associée père et fils tous les jours dans l'effort répété avec abnégation. Arrivé d'Argentine à la fin des années 80, Carlos Lerner a toujours réussi à sortir des bons chevaux au meilleur niveau, comme Volvoreta qui a gagné le Vermeille et conclu 3e de l'Arc de Triomphe en 2000, ou l'année suivante Anabaa Blue. Ce dernier, monté par un Christophe Soumillon, qui fêtait ce jour là ses 20 ans, avait remporté le Prix du Jockey-Club, dans une émotion inoubliable. Depuis, le bon Carlos n'avait pu seller un nouveau partant dans le classique de Chantilly. Il n'a jamais eu vraiment le support des grandes casaques classiques, et a même dû se relever de quelques cruelles trahisons, mais il n'a jamais perdu le moral, d'autant plus qu'à la faveur de l'association avec son fils Yann, l'écurie Lerner se densifie tous les ans un peu plus et monte constamment vers le plus haut niveau, en plat mais aussi en obstacle. Rappelons que Yann Lerner, ami très proche de Christophe Soumillon, a eu une carrière de jockey écourtée pour des problèmes de poids mais assez brillante. Il a notamment remporté le Grand Prix de Maisons-Laffitte (Gr.2) en 2003 en selle sur Look Honey.

 


Yann Lerner avec ses 2 fils.

 

Tandis qu' Anabaa Blue avait suivi la filière classique, en gagnant le Prix Noailles (Gr.2) et terminant 2e du Prix Lupin (Gr.1), Look de Vega n'avait jamais disputé aucun black-type de sa vie ! Gagnant en débutant le 25 novembre à Fontainebleau, il avait fait une rentrée tardive mais gagnante également, dans le Prix de Croissy, à nouveau associé à Ronan Thomas.

 

 

Au niveau des origines, même si sa mère et ses 3 frères et soeurs aînés furent des gagnants à des niveaux très inférieurs, on constate que Look de Vega est né pour gagner le Jockey-Club. Il descend de Laramie, la matrone de la défunte Lady O'Reilly, qui avait déjà donné naissance à Lawman, lauréat du Jockey-Club en 2007... mais aussi Latice qui avait gagné le Prix de Diane en 2004. Notons que la tante The Black Princess, bien que fille du sprinter Iffraaj, avait démontré du talent et de la tenue pour gagner le Prix Allez France (Gr.3 - 2000 m) et les Lancashire Oaks (Gr.2 - 2350 m).

 


Père de Look de Vega, Lope de Vega avait déjà gagné le Prix du Jockey-Club (Gr.1) en 2010.

 

Quand à la lignée mâle, elle est signé de la marque cantilienne, puisque Look de Vega succède au palmarès à son père Lope de Vega en 2010 tout comme son grand-père Shamardal en 2005. Notons que le père de Shamardal, Giant's Causeway, un pur cheval de distance intermédiaire, tellement dur l'effort qu'il était surnommé le cheval de fer, aurait tout à fait pu disputer cette épreuve si la distance en avait déjà été réduite à 2100 m.

 


Grand-père de Look de Vega, Shamardal avait lui-aussi gagné le Jockey-Club en 2005, sur une distance pour la 1e fois raccourcie à 2100 m.

 

Look de Vega a donc été élevé par Joëlle Mestrallet (Haras de la Morsanglière), épouse de Gérard Mestrallet, l’ancien patron d’Engie – Ex GDF/Suez), en association avec l'Ecurie des Charmes, un haras fondé par Lucien Urano. Racheté au marteau à la vente des yearlings d'août à Deauville, il y a quand même été vendu à l'amiable pour 160.000 €, base sur laquelle s'y sont associés pour moitié ses entraineurs ainsi que Patrick Madar, directeur général de Sensass Multimedia, une entreprise spécialisée dans l'informatique.



VOIR LE PEDIGREE DE LOOK DE VEGA

 

Sans doute moins attractif, son frère cadet par Almanzor a été acquis 24.000 par Marc Pimbonnet en octobre 2023.  Notons qu'en décembre, la soeur aînée Graine de Pastel (Ribchester), gagnante à Pau et Bordeaux, a été heureusement rachetée pour 22.000 € par ses propriétaires. Sa valeur n'est plus vraiment la même aujourd'hui !

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