L'histoire de DNA : SIGNORETTA, quand l'amour bestial fait gagner un Derby
11/07/2019 - Grand Destin
Quand une ancienne vedette sur le retour croise un souffleur caractériel dans la rue, çà peut faire crack boum hue ! Voilà comment est née Signoretta, la crack qui a gagné le Derby et les Oaks d'Epsom à 2 jours d'intervalle, des amours fulgurants entre sa mère Signora et son père Chaleureux qui sont tombés nez à nez (pour rester poli) au beau milieu de High Street à Newmarket en 1904 !
SIGNORINETTA, f. b.née en 1905 par CHALEUREUX et SIGNORINA par ST SIMON
Depuis son édition inaugurale en 1780, le Derby d’Epsom (Gr.1) ne fut remporté que par six femelles, entre Eleanor en 1801 et Fifinella en 1916 s’intercallant une certaine Signorinetta, lauréate de l’édition 1908 de l’épreuve reine d’Epsom.
L’histoire de la conception de cette très belle pouliche mérite d’être contée. Parce que sa conception fut le résultat d’une étude de croisement approfondie ? Certes non : elle serait plutôt … le fruit de l’Amour !
Son éleveur-propriétaire et entraîneur, le Cavaliere Edoardo Ginistrelli, quitta l’Italie au début des années 1880 pour s’installer à Newmarket où il transféra sa jumenterie. Sa première bonne pouliche, la splendide Signorina, naquit en 1887 des œuvres du grand Chef de Race St Simon. Elle demeura invaincue en neuf sorties à 2 ans dont les Middle Park St. (Gr.1), et se plaça deuxième des Oaks St. (Gr.1) l’année suivante.
Signorina entra au haras à 5 ans, en 1892, mais il fallut attendre dix saisons pour qu’elle délivre enfin un foal vivant !!! Aucune négligence ne peut pourtant être invoquée : son éleveur s’était fait construire une chambre jouxtant son box, avec une fenêtre aménagée près de son oreiller pour lui permettre de garder en permanence un œil sur elle!
Signorino, un fils de Best Man né en 1902, fut donc le premier produit de Signorina. Deuxième des 2000 Guineas St. (Gr.1) et troisième du Derby (Gr.1), ce poulain de qualité deviendra ensuite l’un des plus grands Chefs de Race de l’Histoire de l’élevage italien, concevant notamment huit vainqueurs du Derby Italiano (Gr.1) dont sept consécutifs !
Deux ans plus tard, le Chevalier Ginistrelli déboursa la somme de 300 Guinées pour acquérir une saillie du Champion et étalon classique Isinglass, destinée à sa chère Signorina. Un matin du mois d’avril 1904, il accompagna donc sa jument comme à l’accoutumée et remonta avec elle High Street, la longue artère principale de Newmarket, pour aller à la rencontre de Isinglass.
Chaleureux, l'ombrageux père de Signoretta, le souffleur qui a croisé sa mère dans la rue principale de Newmarket !
Sa mère a croisé le regard du souffleur en pleine rue !
A cette époque, les étalons sans grand renom étaient souvent présentés en main dans le centre ville, en route vers leur travail du matin, leur nom brodé en grosses lettres sur leur couverture dans l’espoir d’attirer un éventuel client. L’un d’eux, répondant au sobriquet de Chaleureux(Goodfellow) et utilisé en tant que souffleur, avait certes été un performer solide (10 victoires dont le Cesarewitch Handicap), mais son tempérament ombrageux et son bien modeste pedigree justifiaient son prix de saillie à seulement 9 Guinées…
Lorsque Chaleureux aperçu Signorina dans la rue, il se figea et manifesta son admiration pour cette jolie caballe, laquelle demeura aussi figée que lui sans ménager ses langoureuses œillades envers son admirateur. Impossible de les faire avancer, ni l’un ni l’autre, par la persuasion comme par la force, et le spectacle qui ravissait les passants s’acheva lorsque Mr Ginistrellis’écria, philosophe : « Ils sont amoureux ! Laissons faire la nature… ».
Onze mois plus tard naquit Signorinetta qui, malgré un début de carrière peu engageant (non placée lors de ses cinq premières courses à 2 ans), créa la surprise en remportant le Derby (Gr.1) par deux longueurs à 100/1 avant de pulvériser l’opposition deux jours plus tard dans les Oaks (Gr.1) !
Newmarket au tournant du 20ème siècle. Au pied de la célèbre horloge, High Street fut le théatre de l'amour fulgurant entre Chaleureux et Signora.
Le Derby d'Epsom 2 jours avant les Oaks !
Cet exploit, que seules trois autres pouliches réalisèrent dans l’Histoire, permit à Signorinetta de rencontrer la crème des étalons de l’époque au haras, sans vraiment convaincre. Parmi les sept foals qu’elle engendra avant sa disparition à l’âge de 23 ans, figure toutefois The Winter King (Son-in-Law), un bon vainqueur qui produira Barneveldt, vainqueur du Grand Prix de Paris (Gr.1) en 1931 et père du gagnant de Derby (Gr.1) Pont l’Evêque, mais aussi la mère du multiple tête de liste des pères de gagnants en Nouvelle Zélande Hunting Song et l’ancêtre maternelle directe de la Championne américaine Pucker Up (Olympia), lauréate des Beldame St. (Gr.1) en 1957.
Cette histoire a souvent été utilisée par Federico Tesio en guise d’argument contre l’insémination artificielle, arguant que l’ardeur d’un accouplement serait susceptible d’influencer l’énergie vitale et l’influx nerveux du futur poulain. Chacun appréciera, sans perdre à l’esprit les mystères et la magie de l’Amour !