Roman en série de Guillaume Macaire : chapitres 32

24/09/2021 - Actualités
Si la vedette du romain de Guillaume Macaire, le jeune jockey espagnol Juan Bautista, s'est sorti d'un incroyable guêpier qui a bien failli lui coûter la vie, la mort continue de rôder autour de lui.

 

 

 

 
Résumé du 1er roman : l'un des top jockeys de plat en France, Jean-Barnabé Ermeline se préparait à disputer avec une 1ère chance le Prix de l'Arc de Triomphe en selle sur son champion Enigmatique. Mais à la suite d'aventures rocambolesques, il se retrouve à l'hôpital avec une balle dans la cuisse. Télécharger " A Cheval, à pied ou en voiture. "
 
 
CHAPITRE 32 : AINSI VA LA VIE...
 
Le mois de janvier apporta dans l'Oise un peu de neige, du gel, du vent et de la pluie bien froide quand le thermomètre restait au-dessus de zéro. Bref, les attributs d'un mois de janvier.
 
Les matinées sur les pistes d'entraînement étaient longues parce qu’ennuyeuses. Les chevaux faisaient un travail minimum pour garder un peu de condition dans des circonstances que le décès de Javier Torres Meca avait aggravées.
 
Pourtant Juan Bautista voulait s’y montrer très assidu, espérant que le personnel suivrait les chevaux dans les écuries où ils seraient affectés selon les desiderata de leurs propriétaires respectifs. Sinon il imaginait bien se trouver une « tôle » pour rebondir. En tout cas, il pensait que ce serait sans doute moins facile pour son père. Toutes les écuries avaient déjà un garçon de voyage, et comme cavalier d'entraînement il n'était pas sûr qu'on se le dispute. Mais il s’avouait aussi qu'il n'avait pas envie de voir ce père, apparu dans sa vie un peu tard pour être vrai, le suivre comme un petit chien dans les écuries qu'il pourrait fréquenter par la suite.
 
Il s'était passé une quinzaine de jours et Ana ne semblait pas pressée de donner des nouvelles… Juan Bautista se risqua à l’appeler, messagerie... Il laissa un message, très concis toutefois, espérant une réponse plus prolixe de la part de la Comtesse, encore que son titre devenait quelque peu caduc, celui qui le lui avait donné étant ad patres... Il lui envoya un texto un peu plus construit et il eut une réponse qui lui fit comprendre en filigrane qu'elle avait d'autres chats à fouetter pour l'instant. Elle restait néanmoins à l’écoute, espérant des temps plus faciles que ce qu'elle vivait. C'était en tout cas son ressenti. Elle terminait le message en écrivant : « J'espère que l'on va se voir bientôt »…
 
« Bientôt » tardait à arriver et un soir où il s'ennuyait ferme, il se décida à l'appeler… Elle répondit et lui expliqua la situation de façon plus détaillée. L'ouverture du testament n'avait rien fait apparaître de particulier. Elle avait donc hérité des biens et possessions de son défunt mari. C'est plus tard, quand elle eut affaire au fiscaliste qui gérait les biens du couple depuis la « légumification » de son mari,  qu'elle avait compris que la situation financière n'était pas aussi rose qu'elle l'avait pensée. Disons même qu'il s'agissait là d'un euphémisme... les comptes en banque étaient exsangues, les titres et les valeurs avaient déjà été mangés et le fondé de pouvoir ne semblait pas avoir géré le patrimoine au mieux. Elle s'était même demandé si la manœuvre était totalement innocente, allant même à penser que certaines négligences avaient pu lui être plus que profitables... Bref il lui restait le château et les chevaux dont une partie était chez un entraîneur à Varsovie, et l'autre au château aux soins d'un employé, ancien jockey attaché à la maison depuis des lustres mais qui avait manifesté son envie de changer d'air... Il lui fallait récupérer les chevaux restés à Tor Sluzewiec car elle ne pourrait subvenir aux frais de pension engendrés là-bas.
 
Juan Bautista savait que les maigres allocations du pays ne permettaient pas de financer grand-chose. Le château et son personnel étaient également une charge considérable, d'autant que l'un n'allait pas sans l'autre… La vie de château avait des obligations et les charges étaient importantes, trop importantes... Congédier les domestiques attachés à leur service depuis tant d'années et de générations, était proprement impossible mais elle ne pouvait pas vendre le château et les céder avec... Elle ne dormait plus devant ce dilemme et la première décision qu’elle prit fut de liquider les trois quarts des chevaux qui constituaient l'écurie de course pour commencer à stopper l'hémorragie. Mais ce n'était qu'une décision de principe car c'était un soulagement bien trop léger pour qu'il fasse basculer les choses positivement, financièrement parlant.
 
A l’occasion d'une de leurs conversations, il lui demanda :
« Tu me dis qu'il ne reste plus rien… et toutes les terres que nous avions traversées quand tu m'as reconduit à l'aéroport Frédéric Chopin le lundi matin ? »
«  Oui, et alors ? »
« Pourquoi ne pas les vendre ? »
« Parce que ce n'est pas possible, elles sont louées à des fermiers et il faut attendre la fin du bail ! »
« C'est quand la fin des baux ? » s'enquit Juan Bautista.
« Je ne sais pas trop… mais... » Elle ne finit pas sa phrase.
«  Il faut que je me renseigne là-dessus. Merci, merci de m'avoir ouvert les yeux. Je m'en occupe dès ce matin. Je te rappellerai dès que j'ai des nouvelles. »
À sa voix, il l'avait sentie reprendre espoir.
 
Sans le vouloir, Juan Bautista avait mis le doigt sur une des malversations manifestes du fondé de pouvoir. Effectivement, les terres, près de 250 hectares, avaient été mises en fermage et l'homme de confiance de la famille en avait abusé en séquestrant le montant des loyers. Il ne les avait pas portés aux comptes de l'aristocrate décédé, et sans cette découverte, le fondé de pouvoir en aurait probablement disposé à sa guise. Vendre les terres sans l'autorisation des locataires n'était pas possible, à moins de trouver un acheteur qui veuille reconduire le bail aux fermiers. Ce genre d'acheteurs n'existait pas.
Lors de leur échange suivant, là encore, Juan Bautista lui fournit une partie de la solution :
« Et si tu vendais les terres en indemnisant les fermiers qui les exploitent ? »
« Et oui, pas bête » répondit-elle lentement.
« Passe par un autre intermédiaire, à mon avis… »
« Tu crois ? » dit-elle inquiète.
« Si la relation de confiance est rompue c'est indispensable. »
Fatiguée à l'idée de devoir de nouveau se battre et de se débattre, elle confia à Juan Bautista :« Cela va être encore du travail, de l'énergie qu'il va falloir déployer et dans mon état mental, je m'en serais bien passé… »
 
Deux jours plus tard, elle lui confia avoir peut-être trouvé une solution. Une vente serait possible pour un prix inférieur à la réalité du marché, conditionnée à une  négociation avec les fermiers, dès lors que la transaction serait mise en place. Les banques se montreraient plus clémentes avec elle, garantie oblige.
Finalement, dans un délai extraordinairement court, elle réussit avec l'aide d'un nouveau conseil à réaliser une affaire moins mauvaise qu'elle ne l’avait craint au début, et elle fut même surprise de se retrouver à la tête d'un certain capital, alors que quelques jours auparavant elle avait la tête pleine d'idées noires. Elle regretta d'avoir bazardé à vil prix, un peu vite dans la panique, le plus gros de son écurie puis, réflexion faite, elle se rasséréna en pensant qu'elle allait se concentrer plus sur la qualité que sur la quantité. Juan Bautista la sentit sourire derrière son téléphone quand elle lui dit :
 
« Je revis ! Oh écoute, je voudrais que tu viennes pour me conseiller, me dire ce que je dois faire. Même si mon mari, vu son état, n'intervenait plus depuis longtemps dans la marche de l'écurie, sa présence, même postiche, me rassurait. Après tout, c'était son œuvre à la base. Cela me donnait de la sécurité. »
« Pour moi aussi, tout est compliqué en ce moment. Je vis un peu au jour le jour, je ne sais pas vraiment comment les choses vont s’orienter. » lui précisa Juan Batista.
« Oh je t'en prie, j'ai tellement besoin de réconfort ! »
Il y avait de tels accents de vérité dans sa voix qu'il en fut tout remué. Il lui promit de voir et de s'organiser.
« Dès que tu sais, dis-moi. Je viendrai te chercher à l'aéroport, chose promise, chose due… »
 
Le jour anniversaire de la mort de Louis XVI, notre jockey espagnol descendait de l'avion de la LOT à la fois excité et inquiet. Ana l’attendait souriante et douce et il fut encore impressionné par son port empreint d'une féminité suave. Le temps de rejoindre la Porsche, il fut saisi par le froid intense du mois de janvier que le climat continental sublimait. Durant le trajet, il apprécia encore une fois la volupté ambiante, la musique de Bach, le ronronnement de la voiture, la voix sensuelle de sa conductrice et la douce chaleur de l'habitacle. Dehors tout semblait figé par le froid, la neige et le ciel gris plomb, noirci par points par des vols de corbeaux ou de corneilles. Beau peut-être, pour qui veut le voir ainsi mais Juan Bautista n'était pas sensible à ce genre d'esthétisme austère où le gris monochrome se décline dans toutes les teintes du presque blanc au presque noir.
L'arrivée au château n'était plus conforme au scénario « extérieur nuit », maintenant c'était « extérieur jour » ! Juan Bautista s'était trop rejoué le film slave de la soirée d'octobre et il ne pouvait donc qu'être déçu. La magie n'opérait plus.
 
Si à Chantilly l’hiver figeait un peu les choses, que dire de l'hiver polonais ? Il avait tout enveloppé, provoquant une torpeur qui ne permettait pas à Juan Bautista d’imaginer la suite rieuse qu'il aurait voulu voir. Le reste était à l'avenant... Des fastes et de l'atmosphère romanesque du départ, on était passé à quelque chose de plus «  raisonné ». Si leurs étreintes n'avaient rien perdu de leur fougue, elles avaient perdu en magie et en romantisme... Aussi, quand Ana lui proposa de venir travailler avec elle pour remonter une belle écurie, une soudaine inquiétude le gagna. Elle eut beau argumenter en lui expliquant la situation, lui précisant qu'elle avait probablement trouvé une solution pour vendre le château et régler les domestiques, Juan Bautista se mit instinctivement en mode refus... Elle eut beau lui expliquer que le lieu lui rappelait trop de souvenirs, et lui faire miroiter qu'elle voulait commencer une nouvelle tranche de vie, il ne releva pas. Elle alla même jusqu'à dire, pour tenter de le faire réagir « Et pourquoi pas une fois que j'ai tout liquidé ici, venir monter quelque chose en France ? Tu pourrais m'aider tout en continuant ton job et en gardant tes marques et tes habitudes ? »
 
Cette formule était sans doute celle qui serait la plus adaptée et même si intérieurement c'était bien ce qu'il pensait, en lui répondant il se montra très circonspect.
 
« Tu sais, en France pour s'en sortir financièrement avec une écurie, ce n'est pas si facile, il faut du gaz ! La concurrence est rude ! »
 
« Oui mais toi ? Tu ne peux pas m'aider ? questionna-t-elle, inquiète, sentant les choses lui échapper.
 
« Tu sais, moi, je suis jockey, un exécutant. Je ne sais rien de toutes les choses relatives à l'entraînement. À dire vrai, j'aurais trop peur de te conduire à ta perte. »
Dans les yeux d’Ana passa une lueur d'agressivité qu'il ne lui avait jamais vue. Sourdement, elle sentait tous ses repères s'effondrer autour d'elle. Juan Bautista était le plus important pour elle à ce moment-là. Elle fut très attristéede sa réponse mais battante, elle lui dit : « Viens, on va aller à Varsovie, je vais te montrer le centre d'entraînement, c'est accolé au champ de courses où tu as gagné pour moi cet automne. »
 
Le soleil rayonnait et étincelait sur la neige de la plaine polonaise et le ressenti de Juan Bautista était déjà meilleur. Mais une fois à Tor Sluzewiec, le soleil ne suffisait pas à masquer la misère des lieux. On était loin de la magnifique cour de style anglo-normande qui était celle de Juan Bautista  à Chantilly. Quant aux pistes, il se demanda comment il était possible d'y faire autre chose que du préentraînement.
 
Alors que la Porsche les ramenait au château, tous deux bercés par la grande musique dans un incomparable confort, Ana semblait songeuse et questionnait Juan Bautista sur son avenir à elle. Il ne dit rien à Ana de son sentiment pour éviter de la blesser. Juan Bautista était un garçon plein de bon sens qui dès sa prime jeunesse avait su faire la différence entre le positif et le négatif. Sourdement, il sentait qu'il devait s'éloigner de celle qui l’avait pourtant avec magie tellement fait rêver. Aujourd’hui la donne n'était plus la même… La tragique aventure avec Bérengère l'avait secoué et l'avait encore renforcé dans l'idée que les femmes vont jusqu'au bout… Elles s'inscrivent dans la durée, lui plus que jamais voulait s'inscrire dans l'action... Sa liberté était son premier bien à préserver. Il le sentait de plus en plus.
 
 

 

 

 

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  Date Titre
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  01/04/2021 Nouveau roman en série de Guillaume Macaire, chapitres 2 et 3
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